mercredi 9 juin 2010

Thérèse d'Avila, Vie 16, extraits


Thérèse d’Avila, Vie 16, extraits


Avec l'Ordre du Carmel qui se prépare au V° centenaire de la naissance de Sainte Thérèse de Jésus (d'Avila), nous vous proposons une découverte pas à pas de son autobiographie


La troisième manière d'arroser le jardin de l'âme.


Parlons maintenant de la troisième manière d'arroser ce jardin, en détournant l'eau courante d'une rivière ou celle d'une source. Comme il n'y a qu'à la conduire, il en coûte beaucoup moins de peine. Notre Seigneur aide ici le jardinier d'une manière admirable, il prend en quelque sorte son office et fait presque tout.

Cet état est un sommeil des puissances, où, sans être entièrement perdues en Dieu, elles n'entendent pourtant pas comment elles opèrent. L'âme goûte incomparablement plus de bonheur, de suavité, de plaisir que par le passé. Enivrée de l'eau de la grâce que Dieu lui verse à longs traits, elle ne peut, elle ne sait plus ni avancer, ni reculer; elle n'aspire qu'à jouir de cet excès de gloire…
C'est pour l'âme une agonie pleine d'inexprimables délices, où elle se sent presque entièrement mourir à toutes les choses du monde, et se repose dans la jouissance de son Dieu. Je ne trouve point d'autres termes pour peindre ni pour expliquer ce qu'elle éprouve. En cet état, elle ne sait que faire: elle ignore si elle parle, si elle se tait, si elle rit, si elle pleure; c'est un glorieux délire, une céleste folie où l'on apprend la vraie sagesse; enfin, c'est pour elle une manière de jouir souverainement délicieuse…

Les puissances de l'âme s'occupent entièrement de Dieu, sans être capables d'autre chose. Aucune d'elles n'ose remuer, et l'on ne peut les mettre en mouvement. Pour les distraire de cette occupation, il faudrait un grand effort, et encore on n'y parviendrait pas complètement. On s'épanche alors en louanges à Dieu, mais sans ordre, à moins que le Seigneur lui-même n'en mette; car pour cela l'entendement est au moins inutile. L'âme, hors d'elle-même, agitée des plus doux transports, souhaiterait faire éclater sa voix en cantiques de bénédiction. Déjà les fleurs entrouvrent leur calice, et répandent leurs premiers parfums. Ici, l'âme voudrait être vue de toutes les créatures et leur manifester sa gloire, afin de pouvoir, de concert avec elles, offrir à Dieu un plus beau sacrifice de louanges. Elle brûle du désir de partager avec elles un bonheur sous le poids duquel elle succombe. Elle est comme la femme de l'Évangile, qui appelle ses voisines et les convie à partager sa joie.
O ciel! que n'éprouve pas une âme lorsqu'elle en est là! Elle voudrait être toute convertie en langues pour louer le Seigneur. Elle dit mille saintes folies, qui charment Celui qui la met en cet état…
Une âme, dans cet état, voit clairement que les martyrs ne faisaient presque rien de leur part en endurant les supplices, parce que cette force leur venait d'une autre source. Mais aussi quelle souffrance pour elle, lorsqu'elle se voit condamnée à vivre encore en ce monde, sous la loi de ses sollicitudes et de ses devoirs!



Soyez à jamais béni, Seigneur, et que toutes les créatures chantent éternellement vos louanges!
O mon Roi! exaucez en ce moment ma prière. Puisque, par votre bonté et votre miséricorde, je suis encore, en écrivant ceci, possédée de cette sainte et céleste folie; puisque vous m'accordez, grand Dieu, une faveur dont je suis si indigne, faites, je vous en supplie, que tous ceux avec qui j'aurai des rapports deviennent fous de votre amour…
Si elle doit vivre encore, elle ne veut pas de repos en cette vie, et vous, Seigneur, gardez-vous de lui en donner. Cette âme voudrait déjà être libre: le manger la tue, le dormir la tourmente; elle voit que le temps de la vie se passe à prendre mille soulagements, et que rien cependant ne peut désormais la satisfaire hors de vous. Elle vit, ce semble, contre nature, puisqu'elle voudrait vivre, non en elle, mais en vous. O mon vrai maître et ma gloire, que la croix réservée par vous aux âmes qui arrivent à cet état est légère et pesante! légère, par sa douceur; pesante, parce qu'il est des temps où la plus invincible patience ne saurait la soutenir. Et toutefois, l'âme ne voudrait point en être déchargée, si ce n'est pour se voir avec vous. Quand elle se souvient qu'elle n'a rien fait pour vous, et qu'en vivant elle peut vous rendre quelque service, elle voudrait porter une charge beaucoup plus pesante encore, et ne mourir qu'au dernier jour du monde. Avec quelle joie elle sacrifie son repos au bonheur de vous rendre le plus petit service! Elle ne sait que désirer, mais elle connaît bien que vous êtes l'unique objet de ses désirs…

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