dimanche 10 juin 2012

Thérèse d'Avila, Fondations 12, extraits

Thérèse d'Avila

Fondations, 12 (traduction Marcelle Auclair), extraits


De la vie et de la mort d'une religieuse nommée Béatrice de l'Incarnation que Notre-Seigneur amena dans cette maison. Sa vie et sa mort furent si parfaites qu'il est juste d'en faire mémoire.


1 Quelques années avant Dona Casilda était entrée dans ce couvent sa parente éloignée, une jeune fille nommée Dona Beatriz Onez, qui étonnait toutes les soeurs par les grandes vertus que le Seigneur suscitait en elle; les religieuses et la prieure affirment que, sa vie durant, jamais elles ne virent en elle d'imperfection, ni son visage s'altérer pour quoi que ce soit, sa modeste allégresse témoignait constamment de la joie intérieure qui régnait en son âme. Elle se taisait sans paraître triste… Jamais elle ne s'est plainte de rien ni d'une de ses soeurs, jamais elle ne montra de mécontentement par un mot ou une expression, quelle que fût la fonction qui lui incombait…; cela venait de ce qu'elle gardait la pensée constante de l'éternité pour laquelle Dieu nous a créés. Elle avait toujours sur les lèvres la louange de Dieu et une très grande reconnaissance; enfin, une perpétuelle oraison.

2 Jamais elle ne faillit à l'obéissance, mais elle faisait vivement, gaiement, parfaitement, tout ce qu'on lui commandait. Immensément charitable envers le prochain, elle disait qu'elle se laisserait couper en mille morceaux pour que nulle âme ne se perde et que toutes puissent jouir de leur frère Jésus-Christ: c'est ainsi qu'elle appelait Notre-Seigneur. Dans ses graves maladies dont je parlerai plus tard, elle supporta de grandes souffrances, de terribles douleurs, avec tant de patience et de joie qu'on eût pu croire que c'était pour elle un délicieux régal. Notre-Seigneur lui en prodiguait sans doute de spirituels, sinon il lui eût été impossible de souffrir avec tant d'allégresse.

3 Il advint un jour, à Valladolid, que plusieurs hommes furent condamnés à être brûlés pour de grands crimes. Elle devait savoir qu'ils n'étaient pas préparés à mourir comme il l'eût fallu; cela lui causa une si grande affliction qu'elle se tourna avec douleur vers Notre-Seigneur, le suppliant obstinément de sauver ces âmes; elle offrit… de subir toute sa vie des peines et des épreuves autant qu'elle pourrait en supporter. Elle eut la première poussée de fièvre cette nuit même, et depuis elle souffrit toujours, jusqu'à sa mort. Les criminels firent une bonne fin, ce qui fait penser que Dieu avait écouté sa prière…

5 Sa consolation était de parler de toutes les choses spirituelles avec la prieure. Tant que dura sa maladie, jamais elle ne causa le moindre ennui, elle faisait tout ce que voulait l'infirmière, même lorsqu'il ne s'agissait que de boire un peu d'eau. Il est courant que les âmes enclines à l'oraison demandent la souffrance, lorsqu'elles en sont exemptes; mais celles qui dans les souffrances mêmes se réjouissent de les subir sont rares

6 … elle montrait en tout une grande humilité. Elle se réjouissait de la vertu des autres… elle demeurait en paix quoi qu'il lui arrivât, et son expression était toujours égale…

7 Elle accomplissait les travaux et les fonctions qui lui incombaient dans l'esprit qu'il fallait pour n'en pas perdre le mérite, et disait à ses soeurs: «La plus petite des choses que nous faisons n'a de prix que si c'est pour l'amour de Dieu: nous devrions, mes soeurs, ne bouger les yeux que dans cette intention, et pour lui être agréable.» …

8 Donc, lorsque vint le moment où Notre-Seigneur voulut la retirer de cette vie, ses douleurs et tant de maux s'intensifièrent de telle façon qu'on allait parfois la voir pour louer Dieu de la joie avec laquelle elle les supportait. En particulier, l'aumônier, confesseur de ce monastère, qui est un bon serviteur de Dieu, désira l'assister au moment de la mort: il la tenait pour sainte … Il était donc auprès d'elle ainsi que ses soeurs lorsqu'un peu avant neuf heures, un quart d'heure avant sa mort, toutes ses douleurs cessèrent; elle leva ses yeux pleins d'une très grande paix, et son visage exprima une telle joie qu'il était comme illuminé; elle devait voir quelque chose qui l'emplissait d'une grande joie, car elle sourit deux fois. Celles qui étaient là et le prêtre lui-même éprouvèrent un bonheur et une allégresse spirituelle tels qu'ils nous ont dit depuis qu'ils s'étaient crus au ciel. Dans cette même joie, les yeux au ciel, elle expira, et resta comme un ange; notre foi et sa vie nous font croire que Dieu l'a emportée dans sa paix en récompense d'avoir tant voulu souffrir pour lui….



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