dimanche 23 juin 2013

Homélie 12° dimanche C


Homélie 12° dimanche C
Carmel de Saint-Maur - P. Maurice Boisson

 
C’est la mode des sondages d’opinion, des cotes de popularité - qui sont en hausse ou en baisse. Ce n’est pas nouveau, ce désir de savoir ce qu’on pense de nous, si on a la cote ! Et ce n’est pas seulement vrai en politique.

Jésus lui-même aurait-il cédé à ce procédé ? Se préoccuperait-il de l’image qu’on a de lui, de sa cote ? Cet Evangile pourrait nous y faire croire, d’autant plus que Jésus se rendait bien compte qu’il n’était pas accueilli chez les siens, dira saint Jean (cf. Jean 1,11), qu’il était dans un pays occupé. L’histoire récente de notre pays peut nous aider à comprendre. On attendait un libérateur de l’occupant. L’histoire et la religion de ce pays annonçaient, attendaient, désignaient ce libérateur. Et Jésus semblait être celui-là. Mais quelles méprises et mal donne sur sa mission et sur sa personne. « N’est-il pas le fils du charpentier ? …» (Matthieu 13,55 et Marc 6,3).

Une fois de plus, l’Evangile nous invite à aller au-delà des apparences, des « on dit que », « il paraît que ». Une carte d’identité, un signe extérieur, ne suffisent pas pour rendre compte de qui nous sommes. On n’a jamais fini de connaître quelqu’un. Le grand danger, c’est de croire qu’on connaît : si on connaît, on n’a plus rien à connaître, c’est bouclé, l’étiquette est mise. On range la boîte, on ferme le livre, on désactive le désir de connaître.

« Pour la foule, qui suis-je ? » - demande Jésus à ses amis (Luc 9,18). Il ne dit pas : « Qu’est-ce qu’on pense de mon dernier miracle, de ma dernière homélie, de cette rencontre avec cette pécheresse chez le pharisien, qui a fait tant de bruit ? » 

« Je suis qui pour les gens ? » Personne n’est réductible à ce qu’il fait, à ce qu’il dit. Et les réponses transmises par les amis ne sont guère rassurantes pour Jésus : on l’identifie à des figures du passé – Elie ou un prophète d’autrefois – lui qui vient pour faire du neuf dans la religion, dans les relations, dans la place de l’argent, du pouvoir, dans l’idée qu’on se fait de Dieu.

Aujourd’hui, l’éventail des réponses à cette question est très vaste : « Je suis qui pour les gens ? » Un sage pour les Bouddhistes, un prophète pour les Musulmans, un révolutionnaire, un rêveur, un ami des pauvres, un personnage inventé, Dieu qui est vivant parmi nous, etc.

Mais Jésus ne se contente pas de demander à ses amis ce qui se dit sur lui. « Et vous, que dites-vous ? Pour vous – pour toi, Pierre, Jacques et les autres, pour toi, Maurice, Daniel, Odile, Michèle et chacun de nous – je suis qui ? » (cf. Luc 9,20)

« Vous me connaissez un peu plus que ces gens. » Ce serait intéressant, à un moment ou à un autre, de prendre quelques minutes pour répondre. « Pour toi, je suis qui ? »

Il ne s’agit pas d’un sondage d’opinion, mais d’une démarche qui engage : la rencontre de Quelqu’un. Pas quoi, mais qui. Il ne s’agit plus d’une définition mais d’une relation. Pas une définition d’idée, de formule toute faite, de cote, mais d’une relation à Quelqu’un, qui se dit par ce qu’on vit avec lui, de lui.

Pierre, parlant souvent un peu trop vite, répond : « Tu es le Messie de Dieu » (Luc 9,20).

« C’est évident ! Bien sûr, tu viens nous libérer de ces Romains et rétablir un roi sur ce pays, comme Dieu le veut ! »

Une fois de plus, Pierre tape à côté. Jésus défend de dire cela (cf. Luc 9,21). Pourquoi ?

Un triomphateur ? – Un serviteur.

Un libérateur acclamé sur les Champs Elysées ? – Un pauvre homme en pleurs au Mont des Oliviers, et pendu au Golgotha.

Et ceux qui voudront croire en lui prendront le même chemin, ajoute Jésus : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive. » (Luc 9,23)

Il ne dit pas « qu’il prenne ma croix », mais « sa croix ». C’est déjà pas rien ! La croix que chacun a de diverses manières. Il ne dit pas de porter toutes les croix du monde, comme certains croient ou aiment le faire, mais sa croix.

Cette petite conversation bien actuelle, à l’écart, avec ses amis, sous forme de sondage, nous met en garde contre la tentation de voir l’autre comme je voudrais qu’il soit, contre la tentation de nous fabriquer un Dieu, un Jésus, à notre mesure, selon  nos sentiments, à notre image.

C’est l’inverse : cette conversation nous invite à nous redire que, chrétiens, nous sommes du Christ, de Quelqu’un de vivant – « qui suis-je ? » - et pas d’abord d’une doctrine, ou d’idées qui en découlent, de comportement aussi. Ce qui est premier, c’est de connaître, de fréquenter, d’aimer Celui en qui nous croyons.

Alors, la question « Pour vous, qui suis-je ? » pourrait devenir : « Pour vous, pour toi, Qui il est ? – celui qui inspire ta vie.

Frère Roger de Taizé disait : « Ne parle de Jésus qu’à celui qui te le demande, mais vis de telle manière qu’on te le demande. »

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