lundi 10 juin 2013

Homélie du 10° dimanche C


Homélie du 10° dimanche C
Carmel de Saint-Maur - P. Maurice Boisson

« Ne pleure pas ! » (Luc 7,17) Chacun de nous a dit et s’est entendu dire ces trois mots ; paroles de consolation, de proximité, de partage, de désir d’apaiser une épreuve, un chagrin ; ou aussi de communion à une grande joie.

« Ne pleure pas ! » On le dit aux enfants comme aux vieux parents, aux proches très chers comme à l’inconnu. Ces mots viennent d’un cœur touché par la peine de l’autre et voudraient pouvoir agir, aider, secourir, sans d’ailleurs pouvoir le faire, la plupart du temps, tellement l’accès au mystère intérieur de l’autre suppose un infini respect et une immense délicatesse.

Compassion : pâtir avec - partager de l’intérieur la peine.

« Ne pleure pas ! » Ce sont les mots de Dieu, répétés tout au long de la Bible : « Console-toi, mon peuple. » C’est la brève parole de Jésus - que nous venons d’entendre - à une pauvre veuve allant enterrer son jeune fils.

C’est aussi ce que dit Elie, dans la première lecture, à une femme dont le fils vient de mourir : « Donne-moi ton fils ! » (1 Rois 17,19)

Ces quelques mots disent toute la tendresse de Dieu pour nous - pour tous - son désir et son action pour redonner vie, rendre la vie, redonner souffle. Dieu nous communique cette compassion pour qu’à notre tour nous redonnions vie, souffle, moral, sens.

Contrairement à d’autres situations dans l’Evangile, celle - par exemple - de l’officier romain (Luc 7,1-10), celle de Lazare (Jean 11,1-44), on n’a rien demandé à Jésus et on ne lui demandait rien. Il se rendait avec ses amis dans une petite ville voisine de Nazareth, lorsqu’il croise, en entrant dans la ville, un cortège funèbre : le jeune fils unique d’une veuve. C’est la rencontre inattendue.

Et Jésus est là, comme sur le chemin d’Emmaüs ou au bord du lac. Dieu nous croise dans nos quotidiens, sur les chemins qui sont les nôtres, quels qu’ils soient.

Dans cette rencontre, Jésus est saisi de pitié pour cette femme. Le mot grec dit : « il est dévoré aux entrailles ». Il s’arrête, comme il s’arrête pour l’aveugle au bord du chemin. Pas de discours, ni de théories : « Oh, vous savez, c’est la volonté de Dieu. » - « Qu’est-ce que vous en savez ? » - « Et il sera bien heureux… »

Trois mots de Jésus : « Ne pleure pas ! »

Un geste interdit par la religion : il touche la civière, ce qui rendait impur. Il touche comme il touche le lépreux - dans l’illégalité - comme il touche les yeux de l’aveugle, les oreilles du sourd, la langue du muet, le cœur de Marie Madeleine. Il communique sa vie, son énergie, son souffle, comme - au premier matin du monde - il a touché de son doigt - selon le célèbre tableau - le doigt du premier être humain.


 « Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi. » (Luc 7,14) Jésus, comme Elie, ne se contente pas de consolations d’usage. Une deuxième parole qui fait sortir de l’enfermement - comme à Lazare : « Lazare, viens dehors ! » (Jean 11, 43) - sortir de ce qui t’enferme dans ton tombeau.

Jésus a pouvoir sur la mort, pas seulement physique - il le manifestera à notre résurrection – mais sur toutes les morts, les morsures et les blessures de la vie, qui peuvent nous empêtrer.

« Regarde, ton fils est vivant ! » (1 Rois 18,22), dit Elie. « Lève-toi », dit Jésus.

« Alors le mort se redressa, s’assit et se mit à parler. Et Jésus le rendit à sa mère. » (Luc 7,15)

Il rend la vie à tous les deux. La vie, le souffle, sont redonnés.

Ils s’étaient croisés par hasard à l’entrée d’une ville : les uns accompagnant la mort, les autres accompagnant la vie. Les uns et les autres reconnaissent que Dieu est là, sur nos routes, quelles qu’elles soient, si nous savons nous arrêter.

Il nous arrive de nous croiser sans nous rencontrer. Ce peut être vrai dans un village, une famille, peut-être dans un monastère!

On est sûr que Dieu croise nos chemins, s’arrête : « Ne pleure pas ! » - « Lève-toi. » - « Revis ! » - « Tu es vivant. » - « Reprends ton souffle, remets-toi à parler. » Dieu a visité son peuple : c’est la conclusion de cette rencontre. Non pas un petit « coucou », un petit « à plus ! ».

Laissons-nous toucher par la tendresse infinie de Dieu, au plus profond de nous-mêmes, pour que ceux que nous croisons se sentent aussi touchés, relevés, par la Compassion que Dieu met dans nos cœurs.

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