dimanche 21 juillet 2013

Homélie 16e dimanche C

Homélie 16e dimanche C
Carmel de Saint-Maur  P. Maurice Boisson

Chacun de nous sera sûrement content de manger à midi. Il y aura peut-être des invités, de la famille, des amis, à cette saison. On sera peut-être nous-mêmes invités.

La Sœur de service à la cuisine aura aussi préparé le repas pour la Communauté.

Des « Marthe » auront travaillé à préparer le repas !

Jésus lui-même, et ses amis, seront contents, comme d’habitude, à Béthanie, d’apprécier le bon repas de Marthe, après avoir parlé avec Marie.

Un petit brin de jalousie aurait-il agacé Marthe ? « Tu pourrais quand même dire à ma sœur de me donner un coup de main, si tu veux manger. Elle est là, assise, à t’écouter ! Moi je fais le boulot ! Ca ne te fait rien ? »

« Marthe, calme toi, pose-toi un peu. Aujourd’hui, ne mets pas les petits plats dans les grands » - « Tu t’agites pour bien des choses » (Luc 10,41) – Prends le temps d’être un peu avec nous, on est tout près de Jérusalem, trois kilomètres. Les choses ne s’arrangent pas pour moi. J’ai tant de choses à partager avec vous, comme d’habitude. Et puis, on s’y mettra tous, pour le repas. Pour les hommes, c’est plus important que tu sois avec nous, avec Marie, Lazare, moi et les amis ; fais pas la tête. Prions ? »

On a dit tellement de bêtises sur cette scène d’Evangile, en opposant Marthe et Marie, en opposant action / contemplation – travail / prière. « Il faut bien magner » - mais « il faut bien prier », bien sûr. Et on oppose Marthe - au fourneau et à l’épluchage -, à Marie – au salon ou à l’Eglise. Et on va plus loin en opposant Marie - qui est l’être - et Marthe qui fait le faire ! Non, on est à côté de l’Evangile.

Sainte Thérèse d’Avila, qui est quand même une référence en ce lieu, écrivait : « Si elle (Marthe) était demeurée absorbée comme Madeleine (Marie), il n’y aurait eu personne pour préparer le repas de cet Hôte divin. (…) Qu’elles ne l’oublient pas, il faut quelqu’un pour préparer le repas du divin Maître, et qu’elles s’estiment heureuses de servir avec Marthe » (Chemin de perfection 17, 5-6).

Dans ce petit dialogue, amical, fraternel, entre proches, où on peut se taquiner, Jésus dit quoi ? A nous : « Où est pour toi l’essentiel ? Qu’est-ce qui est important ? Tu es tiraillé par toutes sortes d’activités, même à la retraite ! Tu es très pris, agité, stressé, soucieux, inquiet, sollicité, occupé – comme on dit qu’un téléphone est occupé, « pas joignable ». Tu risques d’oublier l’essentiel, le nécessaire » - dit Jésus à Marthe.

« Pose-toi - dit Jésus à Marthe – pour que tes activités, qui sont bonnes, je t’en remercie, ne soient pas une source de tension intérieure, mais au contraire que tes activités et ta vie intérieure soient unifiées et source de paix. »

C’est sans doute un des grands enjeux de notre temps. Le Père Chevrier, fondateur du Prado, disait à ses prêtres : « Mettez l’intérieur, l’extérieur viendra toujours. »

« Où est l’essentiel, qu’est-ce qui compte le plus pour toi, qu’est-ce qui vaut, qui vaut le coup, qui vaut la peine ? »

En nous, il y a Marthe et Marie ensemble, nous sommes les deux. Si on est plus Marthe à certains moments, prenons garde à protéger notre qualité intérieure, c’est la source.

Saint Bernard n’était pas tendre envers son ancien disciple devenu le Pape Eugène. Il lui écrivait : « J’ai peur qu’au milieu de vos occupations sans nombre, vous finissiez par vous y faire et vous y endurcir le cœur au point même de ne plus en ressentir les dangers. Un cœur fermé à l’amour de Dieu et des hommes, voilà ce à quoi vous vous exposez, si vous vous laissez absorber entièrement dans ce travail insensé, sans rien réserver de vous-même. Tout cela n’est propre qu’à vous tourmenter l’esprit, épuiser le cœur et vous faire perdre la prière » (De la considération).

C’est vrai aussi pour nous, à notre place. On peut transposer si on n’est pas Pape.

Si on est plus Marie, rappelons-nous que les temps de proximité avec le Seigneur, de ressourcement, nous sont donnés pour un meilleur service, un meilleur amour des autres, et pour « trouver Dieu en toutes choses », dit Saint Ignace.

Merci à Marie de nous rappeler l’importance et la nécessité vitale de ces temps que nous prenons, comme ce matin - au milieu de nos occupations et activités - d’écoute, de prière, de nourriture intérieure.

Merci à Marthe de nous rappeler le service de l’accueil de l’autre, pratiqué par Abraham. C’est la première lecture. Abraham court à la rencontre des trois voyageurs, à l’heure la plus chaude de la journée. Il leur permet de refaire leurs forces. Ces voyageurs étaient des envoyés de Dieu (cf. Genèse 18,1-10a).

Puissions-nous offrir à toute personne, comme à Jésus, dans cet Evangile, le dévouement de Marthe et l’écoute de Marie.

Puissions-nous offrir, sans rien opposer, à la fois nos cœurs et nos mains, l’affection et la table, les fleurs et le pain.

Et merci aux « Marthe » qui ont ou qui vont préparer le repas tout à l’heure, et merci aux « Marie » qui nous permettent de prendre ce temps de prière et d’Eucharistie.

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