lundi 5 août 2013

Homélie 18e dimanche C


Homélie 18e dimanche C
Carmel de Saint-Maur  P. Maurice Boisson

Si vous vous êtes levés ce matin en n’ayant pas trop le moral, je ne sais pas si vous avez bien fait de venir à la messe. A première vue - à première audition - pourrions-nous dire, la Parole de Dieu de ce dimanche pourrait nous démoraliser !

« Vanité des vanités, tout est vanité ! » (Ecclésiaste 1,2)

Ca commence bien ! Les premiers mots de la première lecture, qui continue : « Quel profit l’homme retire-t-il de toute la peine qu’il se donne sous le soleil ? » (Ecclésiaste 1,3)

« A quoi bon se fatiguer - en plus sous le soleil - à quoi bon se casser la tête ? On est si peu de chose. On se donne de la peine, des soucis, même qu’ils nous empêchent parfois de dormir, mais pourquoi, Seigneur ? Pour rien ; c’est un scandale ! » Même Georges Marchais avait repris cette phrase.

« Tout ce qu’on fait est vanité - c’est-à-dire vain, qui ne vaut rien. Finalement, pourquoi on se donne tant de peine ? » Avouez que ce monsieur qui a écrit la première lecture découragerait un régiment, ou même un monastère.

Le Psaume reprend cette même chanson : « Mille ans sont comme hier, c’est un jour qui s’en va, une heure dans la nuit. » (Psaume 89,4) – « L’homme ! Ses jours sont comme l’herbe ; comme la fleur des champs, il fleurit : dès que souffle le vent, il n’est plus, même la place où il était l’ignore. » - dit le Psaume 103 (v. 15-16).

On connaît bien ces moments de passage en creux, de « blues », où on peut être fatigué, blessé, découragé, prêt à baisser les bras…

Ce n’est pas fini. L’Evangile remet une couche. Une affaire d’héritage. On sait bien que ces affaires de partage peuvent empoisonner la vie, les relations dans les familles, être causes de disputes et de brouilles. « Dis à mon frère de partager avec moi notre héritage » (Luc 12,13). Jésus ne fait pas le notaire. Il nous renvoie à nos responsabilités. Et là encore on pourrait penser qu’il nous sape le moral. « A quoi bon entreprendre, à quoi bon faire fructifier, à quoi bon développer son affaire, s’agrandir, construire un Carmel, ou tout simplement travailler ? A quoi bon ? » - « Cette nuit même, on te redemande ta vie. Et ce que tu auras mis de côté, qui l’aura ? » (Luc 12,20)

Ce n’est pas un encouragement à la paresse, à l’inconscience, à baisser les bras ou au laisser-aller.

En fait, c’est comme sur un rond-point. Si on ne sait pas où on va, on tourne et on tourne dans notre soupe ! Il nous faut une direction, des indications, un sens à la vie. Celui que nous donne la Parole de Dieu de ce dimanche. Elle nous évite de tourner, de nous empêtrer dans la satisfaction de l’avoir et des biens. La Parole de Dieu donne la direction où il serait bon d’aller pour ne pas nous trouver devant un panneau « sans issue », mais sur une route qui ouvre un espace de bonheur, de paix intérieurs et de relations heureuses.

Quelques clignotants indicateurs peuvent nous éviter de nous perdre. « Gardez-vous bien de toute âpreté au gain » - dit Jésus (Luc 12,15). Il dit : « La vie d’un homme, fût-il dans l’abondance, ne répond pas de ses richesses » (Luc 12,15). Tout homme répond de ce qu’il est.

Où sont les vrais biens ? Hier, quelqu’un me disait : « On ne me demandera pas : ‘Qu’est-ce que tu avais ? – mais : ‘Qu’est-ce que tu étais ? »

Quand on pense en termes d’avoir, de possession - c’est ce que dit Jésus dans cet Evangile – et l’avoir et la possession ne concernent pas seulement les biens matériels, on peut vouloir ou croire posséder la vérité, le pouvoir, la renommée, la première place. Sur ce terrain germe l’envie, la jalousie, la tristesse - au fond - de ne pas avoir, et la méchanceté pour avoir.

Il n’y a pas besoin de beaucoup avoir pour que ça germe. Mais quand se dégonfle ces boursoufflures, ces baudruches, c’est le désespoir qui pousse, et on rejoint notre ami de la première lecture : « Tout est vanité. »

« Recherchez donc les réalités d’en haut » (Colossiens 3,1). Voilà un deuxième clignotant, c’est la deuxième lecture. Les choses d’en haut : pas les choses en altitude, dans les nuages, qui planent à 15 000 mètre de haut. Le haut, c’est le très bas, le fond du cœur, de l’être, les trésors intérieurs, les qualités de l’être de chacun au-delà des façades. C’est la prière du Psaume : « Apprends-nous la vraie mesure de nos jours » (Psaume 89,12).

Quelle est la vraie mesure de notre vie ? Dans nos sociétés on est préoccupés par le savoir – c’est bien, par le savoir-faire – c’est bien, mais est-ce qu’on l’est autant par le savoir Etre ?

Finalement, on a bien fait de venir l’écouter, cette Parole de Dieu qui nous aide à vivre.

« Apprends-nous la vraie mesure de nos jours »

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