lundi 28 octobre 2013

Homélie 30e dimanche C


Homélie 30e dimanche C
Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson

Quelqu’un qui avait pas mal réussi matériellement dans la vie me racontait avec brio quelques-unes de ses réalisations. Il me dit avec beaucoup de conviction et de certitude : « Mais j’en parle pas. Moi, vous savez, mon Père, l’humilité, c’est mon fort ! » Avec un sourire, je lui réponds : « Ah oui ! Je vois ! Vous êtes fort en humilité. Alors parlons-en un peu. »

Dans la mentalité actuelle, parler de l’humilité, c’est risqué, ça paraît complètement décalé, quand tout nous dit – et la pression est forte – qu’il faut être le meilleur, le gagnant, le plus fort, le premier (et dès la maternelle !), le plus puissant - quitte d’ailleurs à écraser les autres pour y arriver.

Pourtant, c’est le message de l’Evangile d’aujourd’hui. Ne nous dérobons pas ! Parlons-en un peu !

« Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. » (Luc 18,14)

Voilà qui n’est pas très « tendance » ; cependant, ce que nous dit Jésus aujourd’hui est d’une grande actualité et d’un grand secours pour la qualité des relations, de la vie ensemble, et de notre relation à Dieu.

On voit la scène d’ici : dans le Temple, un homme est là, bien en évidence. Il prie « en lui-même » (Luc 18,11) - il ne prie pas Dieu - il se propose à l’admiration de Dieu : « Seigneur, regarde comme je suis bien, moi. Je ne suis pas comme les autres qui ceci, qui cela, et encore ceci. »

Cet homme était quelqu’un qui, en effet, non seulement observait scrupuleusement sa religion, mais qui en rajoutait. Pour cela, il se croyait un ayant-droit de la considération de Dieu : « Pas besoin de prier. Regarde-moi. »

Un autre homme était là aussi, à distance. Un « collaborateur » qui, en période d’occupation, travaille pour l’occupant, et, pire, en ramassant l’impôt. Quelqu’un de mal vu - à juste titre - et considéré comme un pécheur public. Il n’ose même pas lever les yeux. Mais il se propose humblement au pardon et à l’amour de Dieu : « Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis ! » (Luc 18,13)

C’est la clef de cette histoire.

A qui s’adressent ces deux petits portraits ? Pas à nous, sans doute ! Mais, dit la première ligne de cet Evangile, c’était « pour certains hommes qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient tous les autres » (Luc 18,9).

L’humilité, cette vertu, cette énergie intérieure qui vient de Dieu, que nous propose Jésus, n’est pas du gnangnan qui consisterait à se dévaloriser - en n’en pensant pas un mot, d’ailleurs - et qui est une belle forme déguisée d’orgueil, pour s’entendre dire : « Non t’es pas comme ça, tu as toutes les capacités pour… »

« Trop d’humilité est demi orgueil » – dit le proverbe.

Il s’agit d’être vrai sur soi-même. Le Publicain avait des raisons, de baisser la tête. Il l’a fait : l’amour de Dieu l’a relevé.

On n’en raconte pas à Dieu, qui « sonde les reins et les cœurs » (Jérémie 11,20). La lucidité sur nous-mêmes, sur nos générosités et nos faiblesses, nous permet de ne pas tomber dans ce que Jésus dénonce chez le Pharisien : « Je ne suis pas comme les autres, donc je les méprise. On vaut plus qu’eux. »

C’est bien vrai qu’on n’est pas tous pareils, heureusement. On n’est pas égaux sur beaucoup de points, on n’est pas tous doués, éduqués pareil. Mais, qui que nous soyons, quelques soient nos situations - les pires soient-elles - nous avons la même et égale dignité humaine. C’est fondamental. C’est vrai aussi dans l’Eglise concernant notre égale et même dignité de Baptisés.

« L’humilité est l’aspect le plus radical de l’amour », dit un grand spirituel, le Père Varillon.

Un regard qui dit : « Je vaux plus que toi » - ne peut dire : « Je t’aime ».

Le Pape François disait récemment : « L’humilité ne signifie pas avancer sur les routes les yeux baissés, mais répandre tout au long de cette route de l’humilité - la seule que Christ ait choisie - toute la charité de Dieu. »

« Je suis doux et humble de cœur. » (Matthieu 11,29)

Le Publicain est sorti grandi - grand de l’humble reconnaissance de ce qu’il était et de son humble prière : « Prends pitié du pécheur que je suis. »

« La prière du pauvre traverse les nuées » (Ben Sirac 35,17). C’est la première lecture.

L’autre, le Pharisien, non.

La puissance vient du pouvoir, de l’avoir, de la suffisance, de l’extérieur. La grandeur vient du cœur, de la qualité intérieure, de ce que nous sommes.

« La grâce des grâces – dit Bernanos – est de s’aimer humblement soi-même, comme n’importe quel membre souffrant du Christ. »

« Deux hommes montèrent au Temple pour prier. » (Luc 18,10)

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