Homélie Christ Roi 2013
Carmel de Saint-Maur - Père
Maurice Boisson
Dans notre mentalité
française, on n’imagine guère être les sujets d’un roi ; la révolution est
passée par là. Pourtant, ce titre et sa signification restent bien
d’actualité : les rois et les reines de ceci, de cela, ça ne manque
pas ! - celles et ceux qui sont les plus belles, les plus forts, qui ont le
plus de pouvoir, et souvent l’avoir ; et parfois c’est l’inverse : ce
terme de roi et de reine peut être aussi un injure et une insulte.
Tout cela ne nous aide pas à
comprendre que le Christ que nous fêtons aujourd’hui est Roi. Sa Royauté, son
Règne, c’est tout le contraire : il n’est pas sur un podium ni sur un
trône, il est pendu à une croix, on se moque parce qu’au-dessus de sa tête est posée
une inscription : « Celui-ci est le roi des Juifs ». Alors les
passants ricanent : « Si tu es
le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! » (Luc 23,37) - c’est
l’Evangile de ce dimanche.
Or nous fêtons aujourd’hui un
Roi dont nous sommes les frères, les amis, et non les sujets. Nous suivons un
Roi d’humilité, Roi sans palais, Roi sans armée !
Le Christ est Roi :
- habite-t-il château et
palais ? - une crèche d’animaux est son berceau ;
- sa couronne est-elle de
pierres précieuses ? – elle est tressée d’épines ;
- ses vêtements sont-ils de
tissus d’or ? – une simple tunique tressée par sa mère ;
- roule-t-il en voiture
blindée ? – un ânon est sa monture ;
- ses grades sont-ils casqués
et armés ? – quelques amis un peu froussards, trouvés à la pêche ;
- son sceptre royal ? –
des mains qui guérissent, qui remettent debout, qui consolent,
pardonnent ;
- son pouvoir ? – un
cœur qui aime à l’infini ; c’est pour ça qu’il est sur cette crois, entre
deux voleurs, des larrons.
Et c’est l’un des deux
larrons, celui qu’on dit bon - et qui
n’en est pas moins larron – qui nous dit qui sont ce Roi et son Royaume. Alors
que tout le monde rigolait, ce larron se tourne vers son voisin, et lui dit
tout bas : « Souviens-toi de
moi quand tu viendras inaugurer ton Règne ! » (Luc 23,42).
Au moment où se déchaînaient
la violence, la haine, sur cette colline du Calvaire, au moment où le mal
s’acharne à détruire tout amour, à ruiner toute espérance, à couvrir de son
obscurité les quelques lumières allumées par ce crucifié - Jésus -, un
balbutiement, sorti d’un corps souffrant et d’un cœur repentant, atteint le
voisin crucifié comme lui, appelé par son prénom : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton
Règne ! »
Et ce voisin, compagnon de
misère, se fait le Roi du don, le Roi du pardon, le Roi du service, le Roi de
la paix, de la justice, le Roi de l’Amour – on l’entendra dans la Préface.
C’est lui qui, à partir de ce
moment – aujourd’hui – prend le pouvoir et le gardera pour toujours, un pouvoir
« sans limite et sans fin » (Préface) sur toutes les forces et les
formes du mal qui atteindront ses frères – nous : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis » (Luc
23,43) - dans ce monde nouveau de Dieu.
C’est ça, être Roi à la
manière de Dieu. C’est cette Royauté que nous, ses amis baptisés en lui qui
nous a faits prêtres, prophètes et rois, c’est ce pouvoir que nous sommes
amenés à exercer : serviteurs de l’Amour.
Le podium des amis de ce
Christ Roi, c’est la ras du sol, de la vie, des relations, là où nous avons à exercer
notre pouvoir - celui du Christ -, sur le mal.
Ce pouvoir, comme celui que
nous voulons suivre, est d’être serviteur de l’Amour, du bien, de la vérité, de
la paix, de la justice.
Nous sommes tous, plus ou
moins, et de quelque manière, des larrons, mais des bons larrons, que Jésus – le Christ Roi -, prend avec lui pour
travailler avec lui, aujourd’hui, à la réalisation de ce Règne, celui de la
civilisation de l’Amour, du cœur.
« Amour
qui nous attends au terme de l’histoire, ton Royaume s’ébauche à l’ombre de la
Croix ; déjà sa lumière traverse nos vies » - et notre monde (Chant E173).
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