vendredi 1 novembre 2013

Homélie Toussaint 2013


Homélie Toussaint 2013
Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson

Dans un petit village du Jura, il y a quatre ans, un homme est mort. Il vivait seul. Les gens du village le chahutaient un peu, se moquaient, le prenant pour un « pas bien malin » ; mais il avait un grand cœur, toujours prêt à rendre un service, à donner un coup de main ; un homme sans histoire, avec les autres, serviable, cordial, un grand cœur, quoi, sous des apparences de « pauvre type » - entre guillemets.

A son enterrement, quelques personnes l’avaient accompagné, avec ses deux neveux qui lui restaient comme famille. Trois semaines après, sur sa tombe de terre, au pied d’une simple croix de bois, une plaque, sur laquelle on peut encore lire : « A toi, notre oncle, « Pauvre type », mais « riche gars ». Pauvre type… mais riche gars. On est au cœur de cette fête de la Toussaint, de toutes celles et ceux qui sont heureux – dit Jésus – parce qu’il ont été de riches gars et de riches femmes.

Ce brave oncle ne figure pas sur la liste dans le calendrier des saints - comme d’ailleurs celles et ceux à qui nous pensons aujourd’hui. Certes, ils n’étaient pas parfaits ! Mais ce n’est pas pareil - être saint et être parfait, – d’ailleurs, ça ne va pas souvent ensemble ! Etre saint c’est se laisser enrichir le cœur de la richesse du Cœur de Dieu - même sans le savoir, et cela au creux même des pauvres types ou des pauvres femmes que nous sommes ; comme Saint François, Augustin, et les autres.

« Les saints ont mal commencé - disait le Curé d’Ars – mais ils ont bien fini. » On a encore des chances !

Riches gars, riches femmes par leur cœur, c’est cette foule immense dont parle Saint Jean dans la première lecture : « Ils ont traversé la grande épreuve » (Apocalypse 7,14) – la traversée de la vie, plus ou moins longue, plus ou moins secouée par des tempêtes de toutes sortes. Ce sont celles et ceux que nous fêtons aujourd’hui.

Ne craignons pas de laisser retentir à notre mémoire - à notre cœur surtout - tous ces visages burinés par le travail, les soucis, les épreuves, la maladie ; visages éclairés des moments de joie, d’affection, dont les traits sont marqués d’un bonheur ou d’une souffrance, discrète, secrète. Ces visages où les rides – dont nous avons si peur – ne sont plus un signe de déclin mais comme des craquelures d’une chrysalide qui s’entrouvre à la vie.

« J’ai vu une foule immense » (Apocalypse 7,9) – dit Saint Jean ; foule de gens non pas allongés dans la terre, mais debout, vêtus de blanc - de lumière- devant Dieu.

« Jésus vit toute la foule qui le suivait » (Matthieu 5,1) : la première ligne de l’Evangile. Le regard de Jésus perce les apparences des pauvres types et de ce que nous sommes, pour faire apparaître la richesse que chacun porte en soi. Cette richesse du cœur, c’est des traits de ressemblance à Dieu.

Alors vous êtes heureux si vous êtes désemcombrés de vous-même et de vos bricoles pour faire un peu de place aux autres, à l’essentiel… les pauvres de cœur (Matthieu 5,3).

Heureux…

- si vous avez le cœur gros de la peine des autres – les miséricordieux, Dieu est comme ça ;

- tous les raccommodeurs d’existence déchirée par la méchanceté et la bêtise – les doux – les faiseurs de paix ;

- toi qui pleures parce que les morsures de la vie te donnent quelques raisons, de pleurer, souvent en secret. Dieu essuie tes larmes ;

- heureux si tu restes honnête et droit dans les injustices et la magouilles ;

- réjouissez-vous de toutes ces richesses de votre cœur. Dieu est comme ça. Vous êtes sur un chemin de bonheur, dès maintenant, même si on se moque de vous et qu’on vous prend pour des pauvres types - comme l’oncle - parce que vous n’êtes pas conformes à la pensée et au mode de vie unique. Vos visages, vos cœurs, ont ces traits de Dieu.

« Ce n’est pas étonnant – dit Saint Jean dans la deuxième lecture – nous sommes appelés enfants de Dieu – et nous le sommes dès maintenant » (cf. 1 Jean 3,1).

La Toussaint n’évoque pas forcément la grisaille, la tristesse - « un temps de Toussaint » - mais plutôt un ciel étoilé. On ne peut pas compter les étoiles. Certaines brillent plus que d’autres, elles ont même un nom : les saints officiels du calendrier – mais toutes les étoiles envoient leur lumière. S’il n’y avait dans ce ciel que des étoiles qui ont un nom, le ciel serait bien vide et triste !

Ils envoient leur lumière, les parents, les proches, les amis, le mari, l’épouse, l’enfant - l’oncle de tout à l’heure. C’est l’Amour aux cent, aux mille visages, immense fresque de richesses du cœur – on l’a chanté au début – ce meilleur du cœur de chacun qui ne peut mourir parce que c’est aussi le meilleur de Dieu, si on peut dire. « Riche gars, riche femme, je te reconnais, tu as des traits de moi… alors, heureux si vous essayez de me ressembler, « votre récompense sera grande dans les cieux » (Matthieu 5,12). Beau programme !

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