dimanche 27 avril 2014

Homélie 2e dimanche de Pâques 2014

Homélie 2e dimanche de Pâques 2014
Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson

Heureusement qu’il y a eu Thomas, notre jumeau. Il a douté, il n’a pas fait confiance à ses amis. Il nous a laissé la plus belle profession de foi de l’Evangile : « Mon Seigneur et mon Dieu. » (Jean 20,28)

Heureusement qu’il y a eu Pierre. Il a renié son maître et ami devant une jeune serveuse. Ce fut le premier Pape. Ses successeurs récents, Jean XXIII et Jean Paul II sont aujourd’hui déclarés officiellement des saints.

Heureusement qu’il y a eu Marie Madeleine, proche amie de Jésus. Il lui avait chassé sept démons. Elle a été la première à qui Jésus ressuscité s’est montré vivant, et la première qui a annoncé la nouvelle aux apôtres.

Heureusement qu’il y a eu Paul, Augustin, François d’Assise, Charles de Foucauld et les autres. Une part de leur vie n’a pas été exemplaire. Ils ont permis à l’Eglise de tenir le cap de l’Evangile.

Thomas, les autres, nous-mêmes, sommes touchés par la Miséricorde de Dieu.

A nous aujourd’hui, Jésus ressuscité continue de dire : « Mets ton doigt dans ma plaie, dans mes mains, mon côté. » (cf. Jean 20,27) – « Pas sur mes cicatrices, mais dans mes plaies encore ouvertes. C’est bien moi. »

Oui, on se retrouve bien dans notre jumeau Thomas. On lui ressemble comme deux gouttes d’eau, et notre monde aussi : « Je ne crois qu’à ce que je vois ! Il me faut des preuves. » Il faut tout vérifier, s’assurer de tout, sans laisser de place à l’inconnu.

En même temps, on n’a jamais été autant balloté par toutes sortes d’opinions, non vérifiées. On gobe aisément ce qui se dit, ce qui traîne, les rumeurs et les « on dit » :  « Mais c’est vrai, on l’a vu à la télé et dans le journal !

« Si je ne vois pas (…), je ne croirai pas ! » - dit Thomas (Jean 20,25). Ce Thomas, il n’avait pas cru les autres, il avait manqué le premier rendez-vous au soir du premier dimanche. Il a dû attendre le dimanche suivant pour en avoir le cœur net, pour que son cœur et son esprit, encore plus verrouillés que les portes du lieu où ils étaient, s’ouvrent à une présence – une présence qui déverrouille parce qu’elle n’a pas besoin de se prouver. La présence se suffit : parce qu’elle est faite d’attention et d’amour, sans reproche, à Thomas, elle le déverrouille.

Un amour dont on exige toutes les preuves n’en est plus un : c’est un contrat intéressé, qui met des verrous.

Croire, c’est faire confiance, et  pas d’abord lire les notices qui veulent expliquer et prouver.

Thomas était dans la méfiance : « Si je ne vois pas (…), je ne croirai pas ! »

La rencontre et la reconnaissance de la présence bien réelle de celui avec qui il avait, avec les autres, bourlingué sur les routes de Galilée pendant trois ans, cette rencontre a fait tomber toutes les revendications de preuves.

Le récit ne dit pas que Thomas ait touché les plaies de Jésus… La présence a suffi, le regard d’amour du premier appel a suffi pour re-donner (re-faire) confiance et laisser jaillir du cœur de notre ami Thomas la plus belle expression de foi : « Mon Seigneur et mon Dieu. » Thomas, qui voulait toucher pour croire, c’est lui qui a été touché.

Au cœur de nos incrédulités, laissons-nous toucher par la Présence qui redonne confiance.

Cette rencontre de Thomas, avec Jésus ressuscité, qui est aussi notre expérience, est une belle rencontre de miséricorde. Et ça tombe bien, en ce dimanche de la Miséricorde, qui est le dimanche de Thomas, comme l’appellent nos frères d’Orient.

En s’approchant de Thomas, qui lui demanda de toucher ses plaies, Jésus l’invite à déposer ses propres blessures, ses doutes, son orgueil, dans les plaies ouvertes que le ressuscité lui tend.

Le cœur de Thomas, et ses propres plaies intérieures, s’en trouvent ressuscités ; il est réconcilié avec lui-même, avec ses questions, avec la confiance, avec les autres qu’il n’a pas cru, avec son ami Jésus, de qui il a douté.

En ce dimanche de la Miséricorde, n’hésitons pas à déposer dans les plaies du Crucifié – Ressuscité nos propres plaies intérieures, nos blessures, nos méfiances, nos fragilités, comme celles de Pierre, de Marie Madeleine et des autres. Ressuscitées par l’Amour du Christ, elles nous permettent d’être perméables à la grâce, d’être miséricordieux, parce que poreux aux blessures et aux plaies des autres, et de pouvoir dire ou redire notre foi et notre confiance : « Mon Seigneur et mon Dieu. »

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