vendredi 18 juillet 2014

Homélie Notre-Dame du Mont Carmel - 2014

Homélie Notre-Dame du Mont Carmel - 2014
Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson

C’est la grande fête de la famille et des amis du Carmel. Une fête, ça se fête ! La fête est inscrite dans les gènes de l’humanité, dans tout cœur humain et dans ceux du peuple de Dieu. La fête ravive, dans la joie et l’action de grâce, la mémoire d’événements, de personnages, qui ont créé une histoire, une âme commune, un avenir commun, dans une nation, un village, une famille, l’Eglise… La fête donne l’occasion, non pas de s’enfermer dans un passé,  mais, appuyés sur nos racines, de vivre un présent et d’ensemencer un avenir.

Aujourd’hui, nous fêtons, par la Vierge Marie et le prophète Elie, l’origine, l’histoire et le présent de la grande et belle aventure de l’Ordre du Carmel, que Sainte Thérèse définit comme l’Ordre de Notre Dame, et dont  les premiers ermites du Mont Carmel se sont inspirés du prophète Elie. Une histoire aussi faite de tant de témoins – bien sûr les grands et grandes saints et saintes connus – mais, en plus grand nombre, les inconnus, discrets, ignorés, dont vous, mes Sœurs, et nous, les amis, à notre manière, nous sommes : maillons de cette chaîne conduisant à d’autres maillons…

Aussi, la Parole de Dieu de ce soir nous invite à raviver l’une des institutions – je crois qu’on dit « charisme » - qui font de la spiritualité du Carmel une contribution très précieuse à la recherche du monde d’aujourd’hui : une recherche de Dieu qui s’exprime de bien des manières et qui traduit un profond désir du cœur humain.

L’expérience du prophète Elie et de la Vierge Marie, cités dans les lectures, nous parle d’un Dieu proche : de nous, de l’humanité, de tous ceux qui le cherchent avec droiture. La fréquentation de cette proximité de Dieu nous façonne intérieurement, nous fait exister d’un certain style de vie. Cette présence de Dieu proche, parfois discrète, parfois dans la nuit, correspond à cette recherche très forte sur le sens de l’existence, de la vie, des événements, des relations, de l’amour, de la vie, de la mort – à ce désir d’aller à une source.

Une des vraies questions d’aujourd’hui est celle de l’intériorité, de la solidité intérieure, qui peuvent permettre un repérage, des balises, une direction, et surtout un but, dans un tourbillon qui ne comble pas les désirs du cœur humain.

En approchant de la proximité offerte de notre Dieu tout Autre et tout proche - tout près - nous nous retrouvons nous-mêmes : c’est en nous retrouvant nous-mêmes que nous retrouvons, en vérité, les autres, et l’Autre avec un grand A (en vérité).

Le prophète Elie, qui, pensait-on, habitait les grottes du Mont Carmel avec ses disciples, cet homme au cœur de feu, a fait l’expérience de la rencontre toute proche du Dieu vivant – non pas dans le bruit des éclairs, la tempête ou encore moins dans le vent, mais dans le murmure d’un fin silence (cf. 1Rois 19,9-18). Alors, il a pu avoir du nez, le nez de Dieu, pour flairer et anticiper les événements – c’est la première lecture : « Ne vois-tu pas ce petit nuage, gros comme le poing ? » (cf. 1 Rois 18,42b-45a). Il annonce la pluie bienfaisante dans la sécheresse.

Il y a, dans le cœur de chacun, ce désir d’apercevoir ce petit nuage : un petit signe, gros comme la main, annonçant un mieux, un meilleur, un peu de bienfait, de fraîcheur, de bonté, dans ce qui arrive, invitant à tourner les yeux là où la nuit est moins épaisse et où apparaît une lueur d’aube.

Saint Jean de la Croix exprime bien cette soif intérieure de trouver ce que notre cœur désire. C’est une intuition du Carmel, je le pense, et aussi d’autres familles spirituelles, d’être signe, indicateur, accompagnateur sur ce chemin de désir, cette voie – une « petite voie » - qui conduit à la fréquentation de Dieu tout proche. Ce chemin passe par la prière, l’oraison, bien sûr, que Sainte Thérèse d’Avila définit par « écouter, commencer, entrer en relation » - « Un échange d’amitié avec Celui dont nous savons qu’il nous aime » (Vie 8,5). S’il nous aime, c’est qu’il est proche, au point de faire de nous ses fils et ses filles bien-aimés – c’est l’Evangile (Luc 11,28) et la seconde lecture (Galates 4,4-7) : « Voici ta mère, (…) voici ton fils » (Luc 11,26.27) - « Fils, vous l’êtes, et pas esclaves »- dit Paul (cf. Galates 4,7).

Quelle proximité plus grande que celle du lien, du sang, de l’amour, et, dira Jésus, de ceux qui vivent de la Parole de Dieu ? C’est pourquoi cette proximité de Dieu peut se trouver aussi au milieu des marmites – dit encore Sainte Thérèse – ou dans le plus quotidien de nos vies, et il y a des marmites pas rien que dans une cuisine !

Sœurs et frères, réunis, pour l’action de grâce, dans cette Eucharistie qui fait mémoire d’un passé, qui rend présent, tout près, tout proche, le don de l’amour, en Christ - qui nous ouvre l’avenir -, puisons l’énergie, la grâce et la joie de contribuer à indiquer à notre monde le chemin de l’essentiel, de l’intériorité, la petite voie étroite de la solidité intérieure, qui conduit à approcher et combler ce que notre cœur désire : « Celui – dit Saint Augustin – qui est plus intime à moi-même que moi-même. » Celui que nous ne recherchions pas, dit encore Saint Augustin, si nous ne l’avions déjà trouvé.

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