dimanche 21 septembre 2014

Homélie 25e dimanche A – 2014 -

Homélie 25e dimanche A – 2014
 Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson

« C’est pas juste ! » Ce comportement du vigneron, ça mériterait une manif ou une grève ! Il donne à ceux qui ont vendangé douze heures d’affilé, sous la chaleur, la même paie qu’à ceux qui ont travaillé une heure - et encore - à la fraîche ! « C’est un scandale ! » – disait quelqu’un.

« Pourquoi se fatiguer, si on a tous pareil à la fin ? Pourquoi essayer de mener une vie honnête, juste, charitable, en bon chrétien, si ce mécréant de Léon, qui a fait n’importe quoi et le reste, passe avant moi la porte du Paradis parce qu’il s’est repenti au dernier moment ! A quoi bon ? »

C’est pas juste… à nos yeux, à notre raisonnement… mais si c’était la logique de Dieu, dans laquelle il voudrait nous entraîner ?

Cette histoire n’est pas une leçon de droit du travail, ni de justice sociale : elle nous dit tout simplement que dans sa relation avec nous, avec les hommes, Dieu ne raisonne et n’agit pas comme nous. Il le dit d’ailleurs dans la première lecture : « Mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes chemins ne sont pas vos chemins » (Isaïe 55,8).

Le psaume complète : « La bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse, pour toutes ses œuvres » (Psaumes 144,9).

Et Jésus en rajoute : « Vas-tu regarder avec un œil mauvais, jaloux, parce que moi, je suis bon ? » (Matthieu 20,15).

« Si je suis bon - dit Dieu – pourquoi penser que je suis mauvais ? C’est à toi à t’accommoder à mon regard, à penser comme moi, et à prendre mon chemin. »


En fin de compte, dans cette affaire, personne n’est lésé, le contrat de départ est respecté, ce qui était convenu est tenu ; ce qui a été donné aux derniers n’a rien enlevé aux premiers. « Je ne te fais aucun tort – dit le vigneron (Matthieu 20,13) – tu as ce qui te revient. » C’est juste.

Cette parabole nous dit que les relations ou le vivre ensemble ne sont pas faits que de contrats ou d’accords : il y a une autre logique que celle du marché ou de la comptabilité des heures de travail.

L’Evangile nous entraîne plus loin : si un de vos enfants, ou petits-enfants, ou un ami, ou quelqu’un de proche, est plus difficile – comme on dit – on ne lui dit pas : « On t’aime moins que les autres parce que tu le mérites moins. » – Mais : « On t’aime autant et plus parce que tu en as peut-être plus besoin en ce moment. » Est-ce que ça enlève de l’amour, de l’affection, aux autres ? Ça n’enlève rien, au contraire, les plus d’attention, d’amour, d’aide, enrichissent tout le monde, des premiers aux derniers.

« Tu as besoin de cette pièce d’argent que j’ai donnée aux premiers arrivés, tu ne l’as peut-être pas méritée, mais tu en as besoin et on t’aime. » - c’est ça, la logique de Dieu, qui n’est pas notre pensée, ni notre chemin, souvent. « Mes chemins – dit Dieu – sont bien au-delà des marchandages, des jalousies, des petits calculs de vos mérites. »

« L’amour n’a pas de mesure - dit quelqu’un que vous connaissez bien (Saint Augustin) –, sinon celle d’aimer sans mesure. »

L’estime, la reconnaissance, la confiance, ça se mérite, mais la pensée de Dieu, dans cette histoire, c’est aussi que personne ne soit oublié, ni écarté de l’appel à venir à la vigne. Les premiers ouvriers sont jaloux, mais les derniers, s’ils sont derniers, ils n’y sont pour rien et ils le disent, ça les rend malheureux : « Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire – dit le vigneron – Ils lui répondirent : Parce que personne ne nous a embauchés – (on croirait lire le journal de ce matin) - Allez, vous aussi, à ma vigne » (Matthieu 20,6-7).

Ils goûtent la joie d’avoir gagné leur pièce, qui leur permet d’assurer une journée à leur famille.

Pourquoi notre cœur et notre esprit seraient aussi fermés pour reprocher à Dieu de donner à ces derniers autant qu’aux premiers ?

Le vigneron se fâche et Dieu se fâche : « Prends ce qui te revient, et va-t’en. Je veux donner à ce dernier autant qu’à toi » (Matthieu 20,14)…

-          au bon larron repenti à la dernière minute : autant qu’à toi ;

-          au fils prodigue parti et revenu : autant qu’à toi ;

-          à la pécheresse Marie Madeleine : autant qu’à toi ;

-          à Paul le persécuteur, à Pierre qui a renié, à Thomas l’incrédule, et aux autres : autant qu’à toi.

Au fait ! toi, moi, qui protestons que ce n’est pas juste que les derniers soient premiers, si on faisait partie de ces derniers ? On devrait se réjouir et remercier de recevoir autant que les autres ! … cette pièce d’amour dont tu as besoin, même si tu ne la mérites pas…

« Seigneur, apprends-moi tes chemins, fais-moi connaître tes pensées. »

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