dimanche 8 mars 2015

Homélie 3e dimanche Carême B 2015 -

Homélie 3e dimanche Carême B 2015 -
Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson

Exode 20,1-17 ; Psaume 18 ; 1 Corinthiens 1,22-25 ; Jean 2,13-25

Récemment, dans notre région, dans le département voisin, des églises ont subi des vols d’objets sacrés, des tabernacles ont été fracturés, des hosties répandues. Plus loin de nous, des églises, comme celle que le Père Nachon a construite (au Niger) ont été brûlées ou détruites. Il arrive aussi que des symboles forts, comme ceux touchant au culte des morts ou à l’identité de la nation, soient profanés.

Ces actes, qui peuvent traduire un refus, une méconnaissance, une volonté de détruire ce qui est sacré, sont un signe de déshumanisation. Tout être humain, quelles que soient ses convictions, sa religion, son athéisme, ressent qu’il y a en lui plus que lui-même, quel que soit le nom qu’on donne à ce « plus » ou à cet « autre ».


Entrant dans le Temple, Jésus fait un fouet avec des cordes, il en chasse tout le monde, il renverse les comptoirs des changeurs d’argent. Le pays était encore sous l’occupation romaine et on n’acceptait pas dans le temple la monnaie de l’occupant pour payer les offrandes ; il fallait faire du change pour avoir la monnaie du pays.

« Dégagez-moi tout ça, dit Jésus, ne faites pas de la maison de mon Père une maison de commerce ! (Jean 2,16) Ce lieu est un lieu sacré, un sanctuaire. »

Saint, sanctuaire : ces mots viennent  de « couper » - ce qui est séparé du profane, réservé (dans ce cas) au service de Dieu, et plus largement à ce qui dépasse l’humain ou aux symboles des valeurs fortes, collectives ou personnelles.

Le sacré suppose respect, parce que c’est sacré ; on n’en fait pas n’importe quoi.

Ce geste de Jésus, avec son fouet et sa voix forte, a dû marquer les esprits ; il nous rappelle deux balises essentielles, tout à fait d’actualité :

Première balise : il y a des lieux, des objets, des choses, des symboles, sacrés - exprimant ce qui nous dépasse, nos convictions, comme le service de Dieu, les symboles d’une nation, d’une civilisation, ou de religion. On les respecte sans en faire des idoles, comme la première lecture nous met en garde. Ce lieu est saint, cet objet, ce symbole, est sacré, on le traite comme tel, et pas comme dans un vide-grenier ou comme un hall de gare.

Le problème d’aujourd’hui, déjà au temps de Jésus, c’est qu’on ne sait plus distinguer ce qui est sacré de ce qui ne l’est pas. Je lisais dans le journal cette semaine : « Il faut sanctuariser le mois d’août » (préserver les vacances) ! Comme on veut sanctuariser l’école ou un terrain de foot. Comme le feuilleton à la télé : « c’est sacré ». Comme « j’adore » ce tableau, ou un gâteau aux fraises. Quand tout est sacré, quand tout se vaut, rien ne vaut, rien n’est sacré ; il n’y a plus de valeurs. Comme l’écrit un observateur de la société : « Si tout se vaut, alors le cannibalisme est une affaire de goût » - la vie n’est  rien.

L’Evangile nous ramène toujours aux valeurs essentielles, à ce qui est sacré, vraiment. C’est quoi pour nous ? Ce qui se respecte, non pas à cause d’une loi, mais à cause de ce qui fait de nous des humains, et des êtres religieux en qui est marquée l’empreinte ou l’ADN du créateur. C’est encore la première lecture.

Deuxième balise : plus encore que les choses, les lieux, les symboles sacrés,  c’est l’être humain qui est sacré, la personne humaine. C’est encore l’Evangile : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai » (Jean 2,19). « Il parlait du sanctuaire de son corps » (Jean 2,21).

« Vous êtes le Corps du Christ » (1 Corinthiens 12,27). « Le sanctuaire de Dieu, qui est sacré, c’est vous » - dit encore Paul (1 Corinthiens 3,17).

Toute personne humaine est sacrée, image de Dieu - même si parfois l’image est loin du modèle -, résidence de Dieu. « Dieu demeure en nous », nous répète Saint Jean. « Vous êtes le temple de l’Esprit », dit encore Paul (cf. 1 Corinthiens 6,19).

« La conscience de chacun, dit le Concile Vatican II, est un sanctuaire » - un lieu sacré, inviolable, où on ne peut s’approcher qu’en ôtant ses sandales, comme auprès du buisson ardent.

On ne peut pas faire n’importe quoi de la personne humaine, de sa vie, au début, au milieu, à la fin ; on ne peut pas traiter n’importe comment sa situation, ses convictions, sa dignité.

« Vous êtes les pierres vivantes de la construction du Corps du Christ », dit Paul (cf. Ephésiens 2,22). Les êtres humains sont la maison de Dieu. « Arrêtez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce » (Jean 2,16).

« Vous savez que le temple de Dieu, c’est vous  » (1 Corinthiens 3,17).

C’est nous, c’est l’humanité.

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