lundi 13 avril 2015

Homélie 2° dimanche de Pâques

Homélie 2° dimanche de Pâques
Carmel de Saint-Maur  - P Farel Djembo
 
Chers frères et sœurs peuples de Dieu, nous célébrons le deuxième dimanche de Pâques ou dimanche de la Miséricorde. Hier le Souverain Pontife a promulgué la Bulle d’Indiction du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde intitulé « Misericordiae Vultus » (Le Visage de la Miséricorde). La semaine dernière, dans la nuit de Pâques avait retenti l’annonce de la résurrection. Ce fut une nuit unique, particulière et non semblable aux autres nuits de l’histoire des hommes. Parmi les symboles forts j’en retiens 4 plus importants de la vie de Pâques et dans la vie des Ressuscités en Christ : la lumière (cierge pascal), la Parole de Dieu (lectures de la liturgie, mémoire vivante et mémorial de l’action de Dieu au cœur de la création), l’eau (symbole du baptême, signe du passage de la mort à la vie de Dieu) et l’Eucharistie (sacrement de Pâques, nourriture des ressuscités, signe du sacrifice parfait, unique du Seigneur et prophète de l’amour donné des hommes entre eux).

Pour méditer avec vous les lectures je choisis une seule question : comment faire pour rester avec les autres fragiles, inconstants, apeurés, enfermés qui ont vu le Ressuscité et qui témoignent ? et je me focaliserai sur trois paroles : peur, pardon et paix.

La situation des disciples à la suite de la Résurrection est particulière. Après la souffrance, la crucifixion, la mort et la rencontre avec les femmes, les disciples demeurent dans la peur. La peur est la paralysie de la vie. Dans la peur l’homme n’entrevoit plus un lendemain, il est vaincu par les événements et ne peut s’ouvrir au futur à l’autre à l’Invisible au Ressuscité. La peur est la nuit de la vie et de l’histoire. Et c’est elle qui tient unie les disciples. Et bien plus elle est au cœur du scandale de la foi. Il y a bien des peurs dans la vie des disciples : la peur de la mort. Et pourtant le vrai disciple devrait attendre la mort comme les sentinelles attendent l’aurore. Qui a vu le Ressuscité entré dans la gloire du Père n’a pas peur de la mort. Il y a la peur de la confrontation avec ceux qui n’ont pas rencontré le Christ et n’ont pas accepté la proposition du Christ. Et pourtant, Jésus envoie ses disciples comme des brebis au milieu des loups. La peur est un mauvais conseiller. Elle rend parfois les disciples du Christ agressifs, intolérants, des gueulards. Et pourtant celui qui est convaincu de sa foi en Jésus le Ressuscité a la paix. Il ne peut hurler il vit simplement sa foi, la présente aux autres et on voit ses œuvres. La peur nous installe dans nos traditions, nous ferme à la nouveauté. La peur de la démocratie, de la rencontre avec les autres cultures, la peur du renouveau, la peur de l’autre, du différent, etc. C’est cette peur qui enferme les disciples au point de penser que ceux qui sont dehors sont une menace. Cette séparation des disciples a une signification théologique qui fait des disciples du Ressuscité des étranges au milieu d’un monde hostile et contraire au message du Ressuscité vie. Le Seigneur n’a -t-il pas dit que « Vous êtes dans le monde et non pas du Monde » ? Il faut aller à la rencontre de ce monde. C’est un préalable pour l’évangélisation. Enfin la peur de témoigner du Christ selon l’Esprit  par crainte d’être pris pour un illuminé. Très souvent sont animés d’une pudeur pour témoigner de notre foi en face du monde. Qui déclare d’avoir vu le Ressuscité avec le regard de la foi est tenu pour un malade. Qui aujourd’hui témoigne la raison de ses choix de vie comme conséquence de sa Rencontre personnelle avec le Ressuscité ?

Avec la peur et la souffrance intérieure des disciples, on balbutie l’amour. Le disciple n’est plus capable de regarder l’autre parce que marqué et blessé. Il découvre une humanité tragique, son péché. Il le prend mal.  Jésus est au milieu des disciples comme celui qui rejoint l’homme dans sa souffrance, dans sa fragilité pour le restaurer. Le 8ème  jour qui est un jour de plus des 7  jours de la création. La présence du Christ est le Signe de la nouvelle création. Un jour qui va au-delà de l’histoire humaine pour la faire entrer dans l’éternité. Thomas qui apparait 3 fois dans l’Evangile est dit jumeau et nulle part n’est mentionné son jumeau. Il est notre jumeau. Il est le jumeau de l’homme en quête de sa foi, qui se pose des questions, qui n’accepte pas des formules toutes faites. Il est un homme tourmenté par le péché de l’autre. Thomas ne comprend pas l’enfermement des disciples, le choix de ne pas sortir. La peur, la fragilité des frères sont des interrogations de Thomas. Pourquoi croirait-il à ceux-là ? Il est jumeau de tous ceux qui sont victimes des injustices à cause des croyants, il est jumeau de tous ceux qui ne comprennent pas le choix des supérieurs, jumeau des chrétiens qui sont déçus de leurs pasteurs, des hommes et des femmes trahis par leurs proches; Thomas s’interroge et se demande au final qui suivre, qui écouter. Il observe et vit mal la misère des frères et de la communauté, l’incohérence des uns et l’inconstance de plusieurs. Cependant  Thomas n’est pas jumeau de ceux qui jugent les frères et s’éloignent de la communauté, se targuent d’être des parfaits. Néanmoins il ressent des blessures intérieures. Mais Thomas reste avec les frères qui essaient de le persuader. Jean met le verbe à limparfait montrant la difficulté des de l’amener à saisiret à accepter que le Ressuscité est vivant,  que la miséricorde existe c’est-à-dire qu’ils ont vu celui qui au-delà de toutes ces fautes pardonne. Le pardon ou la miséricorde de Dieu fait naitre la paix. « La miséricorde n’est pas un simple concept » dit le Pape François dans Misericordiae Vultus. Elle est une réalité à découvrir, admirer et servir. L’Eglise est le signe crédible de la miséricorde. La vie des Chrétiens est appelée à être mise entre les mains du Ressuscité pour contempler dans le crucifié le vrai Dieu qui sauve. C’est de lui que Thomas témoignera parce que parvenu à contempler le Ressuscité non pas avec les yeux matériels mais avec les yeux de la foi. Thomas professe sa foi d’une manière sublime : Mon Seigneur et mon Dieu.

Le Ressuscité qui pardonne est le Prince de la paix. La paix s’installe en nous quand le disciple contemple le Ressuscité non pas avec les yeux matériels mais spirituels. La paix s’installe en nous quand nous regardons l’autre comme choix de Dieu, don de Dieu et sacrifice unique et parfait du Christ et quand la communauté porte les frères dans l’esprit et dans le corps comme éclairés par la 1ère lecture. Aucun frère dans la vie de Pâques n’est un poids ou un fardeau pour les autres. Le frère est une merveille, un prodige de Dieu sur ma route.  Celui qui a rencontré le Ressuscité a vaincu le monde et est devenu un être nouveau en Christ rappelle la 2ème lecture. Celui qui fait l’expérience du pardon et de la paix du Ressuscité n’a pas peur, il ne déserte pas les lieux de la rencontre avec l’autre, il est ouvert à la vie de Dieu, il proclame par ses œuvres et sa vie la joie du Ressuscité. Mais où en sommes-nous effectivement ?

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