dimanche 10 mai 2015

Homélie 6e dimanche de Pâques 2015

Homélie 6e dimanche de Pâques 2015
Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson

Actes 10,25-26.34-35.44-48 ; Psaume 97 ; 1 Jean 4,7-10 ; Jean 15,9-17

« Aimez-vous les uns les autres ! » « Dieu vous aime ! » « Soyez dans la joie ! » (cf. Evangile de ce dimanche)

Voilà de belles paroles ! « Trop beau pour être vrai et réalisable ! » - me disait quelqu’un récemment.

« Regarde : deux cents ans après, on se bat un peu partout sur la planète, on se tue, on ne s’accepte pas ! Même autour de nous, en famille, dans les villages, et même dans les paroisses, on n’arrive déjà pas à s’entendre, alors pour s’aimer, bonjour ! Tout ça, ce sont de belles paroles du dimanche ! »

J’ai fait remarquer à cet ami que notre monde, notre société, nos divers groupes, notre entourage, n’étaient quand même pas un champ de bataille ! De belles choses se faisaient pour vivre ensemble, se comprendre, s’aider, s’aimer.

« Ces paroles dont tu me dis qu’elles sont belles, mais irréalisables, elles sont aussi des réalités, des gestes, des attitudes, des actes. Et toi, moi, nous, on peut essayer de faire exister réellement, là où on est, ce désir de Dieu sur nous : s’aimer. »

C’est le testament de Jésus - paroles avant sa mort – on vient de l’entendre ; Tout est dit, tout est là et tout est à faire, pour donner chair et corps à ces paroles.

Ce testament n’est pas du vent ! Il est signé avec du sang, le sang d’une vie donnée par Amour, jusqu’au bout.

La validation du don, c’est la Résurrection du Christ, la raison donnée à l’Amour, même si le contre-amour est toujours à l’œuvre et semble parfois prendre le dessus - comme le disait mon ami. Et il est aussi à l’œuvre en nous ; mais le don de l’Amour qui a eu raison en Jésus ressuscité aura raison sur toutes les formes du mal.

Ce que nous faisons quand nous essayons d’aimer bien, vraiment, ne peut jamais mourir parce que c’est de Dieu, de lui, du cœur, de l’être même de Dieu qui n’est qu’Amour. C’est la deuxième lecture.

Ces belles et sûres paroles de Jésus sont l’essentiel de la vie tout court, le noyau dur de l’existence - et on le sait bien.

« Qu’est-ce que je ne donnerai pas pour qu’on retrouve la paix, pour qu’on se reparle, pour qu’on s’entende, pour qu’on s’aime, pour qu’il n’y ait plus jamais la guerre, même la petite « guégerre » ! »

Jean-Paul Sartre disait : « L’enfer, c’est les autres. »

L’enfer, ça peut être aussi moi, mais c’est de ne pas nous aimer les uns les autres. Ne pas aimer, c’est s’enfer-mer (le même mot).

On le sait bien aussi : On est qui, on est quoi, on est quoi ensemble, sans amour, sans liens, sans attention, sans affection ?

Si personne, jamais, ne nous avait parlé, nous serions des muets.

Si personne, jamais, ne nous avait touchés, nous serions des momies.

Si personne, jamais, ne nous avait aimés, nous ne serions personne.

« L’amour vient de Dieu. »

« Dieu est amour. »

« C’est lui qui nous a aimés. »

« Celui qui aime est né de Dieu. »

(1 Jean 4,7-8.10.16)

« Comme le Père m’a aimé (c’est la source), moi aussi, dit Jésus, je vous aime. Aimez-vous les uns les autres » (Jean 15,9.12.17)… et pas n’importe comment, pas comme on aime le chocolat ou le cinéma, pas pour posséder, dominer, utiliser, mais en accueillant un don qui nous rend donnant à notre tour.

Comme la plus belle fille du monde, on ne peut pas donner ce qu’on n’a pas.

La capacité et la qualité de bien-aimer, cela se reçoit, de la source, comme un ruisseau se reçoit d’une source et peut irriguer la terre. Coupé de la source, il croupit et s’assèche.

« Comme le Père m’aime, je vous aime ; aimez-vous »… c’est un courant, ça circule, ça vit - de la source à l’infini des autres et de l’autre.

Pour battre, notre cœur, notre être, a besoin d’oxygène, d’être irrigué par le sang. Pour aimer, notre cœur, notre être, a besoin  de recevoir de l’Amour.

On sait bien aussi que ce que nous demande Jésus, c’est difficile. Il en a fait lui-même l’expérience. C’est un apprentissage de chaque jour qui se terminera dans la rencontre de celui qui est Amour et que nous aurons cherché, souvent à tâtons.

En nous demandant de nous aimer les uns les autres, Jésus ne nous dit pas : « Ça y est, vous y êtes, aimez-vous, Alléluia ! Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil… »

Alors oui, pour le coup mon ami aurait raison : de belles paroles, de belles chansons…

Jésus nous indique le chemin et les moyens : aimer comme lui ; demeurer dans son Amour et rester connectés à la source.

Sur la tombe de l’Abbé Pierre, il est écrit : « Il a essayé d’aimer » - lui qui répondait à une question d’un animateur de télévision : « Pour vous, c’est quoi la vie ? » – il disait : « La vie, c’est le temps que Dieu nous donne pour apprendre à aimer. »

Puisons, dans cette Eucharistie – la source – cette énergie d’apprendre à réaliser au quotidien ce que Jésus nous demande aujourd’hui. Cette énergie s’appelle : la force d’aimer.

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