dimanche 13 mars 2016

Homélie 5e Dimanche de Carême

Homélie 5e Dimanche de Carême
Carmel de Saint-Maur – P Maurice Boisson

Textes du jour: Is 43, 16-21; Ps 125; Ph 3, 8-14 ; Jn 8, 1-11

Elle est jetée là ! au milieu de cercle d’hommes gardiens de la Loi de Dieu ; accablée du poids de leurs regards violents, et pervers, elle est meurtrie de honte… « Ces femmes-là, Moïse nous ordonne de les faire mourir en leur jetant des pierres ! » Cet ordre s’adressait aussi  aux hommes dans la même situation, mais celui avec qui elle était, n’était pas là ! Elle est seule, au milieu de ce cercle d’accusateurs, enfermée, et enfermée en elle-même dans sa culpabilité et sa faute.

En fait, elle sert de prétexte pour en accuser un autre : Jésus qu’on veut piéger et accuser… Et toi ? Que dis-tu ? Moïse nous a dit de lapider ces femmes-là ! La ficelle est grosse : si Jésus dit : Oh non ! Ne la tuez pas. Il est contre la loi de Moïse et lui aussi mérite la mort ! S’il dit, oui, oui, appliquez la loi, allez-y… Il dit le contraire de son message et de ce qu’il fait. Il n’est plus crédible…

Il y a des positions, des jugements, des regards, des paroles, qui enferment. Dans le mot enfer-mer, il y a « enfer »-être enfermé en soi-même et au milieu des autres, être enfermé dans sa méchanceté, dans sa vérité… La plus grosse pierre de la lapidation de cette femme, c’est celle-là : le poids qui lui tombe dessus de la part de ces hommes religieux et qui tombe sur le poids de sa faute.


Dans ce cercle de mort, il y a quelqu’un qui n’est pas enfermé et qui n’enferme pas. Celui-là, Jésus, casse et désamorce cette spirale qui allait conduire à la mort. Son attitude, calme, paisible, silencieuse, enraye et bloque la roue de la surenchère et de la provocation. La miséricorde est une force intérieure qui n’approuve pas le péché, mais qui donne au pécheur la possibilité de sortir de son enfer intérieur et celui des autres qui pèse sur lui.

Jésus se baisse, il n’est plus à la hauteur des accusateur, mais au niveau de l’accusée, rabaissée. C’est comme ça qu’il nous rejoint. Qu’il rejoint notre humanité : c’est la lettre de Paul aux Philippiens. Il fait silence… il écrit par terre ; fuyant leurs regards mauvais. Il renvoie chacun à sa conscience, eux et elle ; chacun à son propre péché, celui de l’infidélité et de beaucoup d’autres, en particulier celui qu’ils sont en train de commettre : l’infidélité à Dieu, par leur attitude de ruse, de violence, de refus de Jésus.

« Celui de vous qui est sans péché, irréprochable…, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. » Cette parole les touche, nous touche au cœur même de notre besoin de pardon… « Qui suis-je pour juger ? », répondait le pape François à un journaliste. Ils s’en allèrent, en commençant par les plus âgés. Quand on est plus âgé, comme nous, on est peut-être plus sensible à nos fragilités, à nos faiblesses, et surtout à nos besoins de miséricorde, parce qu’on se rend compte que des pesanteurs demeurent, même si l’ardeur de notre jeunesse pouvait nous laisser croire qu’on allait vite revenir parfait et saint ! Cette parole de Jésus a changé la donne, elle a brisé les cercles, les enfermements. Jésus reste seul avec cette femme. Saint Augustin dit : c’est le face-à-face de la misère… et de la miséricorde. Un face-à-face des faiblesses de l’humanité et des grâces de la divinité. Jésus ne dé-visage pas cette personne comme les voyeurs accusateurs, il en-visage de lui redonner un nouveau visage, un cœur nouveau, une vie nouvelle. « Voici que je fais toutes choses nouvelle !, c’est la 1re lecture.

VA.  Avance, relève-toi, reprends la route, ta vraie vie, ton amour, et ne pèche plus. Jésus n’approuve pas ce qu’elle a fait. Je ne te condamne pas, VA, retrouve ta dignité. Les pierres sont restées sur le tas de pierres, mais la pierre qui pesait sur son cœur est ôtée. Ce message de ce 5e Dimanche nous invite nous aussi à passer, de la condamnation au pardon, de nous jeter des pierres à construire ensemble, d’enfermer à ouvrir. Dans les enfermements où nous tiennent nos péchés, Dieu ouvre des espaces… pour aller… repartir, nous relever. « A défaut de pardon, notre vie est un enfer », dit saint Ignace. Si nous ne prions pas Dieu pour recevoir, puis redonner le pardon, la haine, le remords nous habitent, nous enferment, nous coupent des autres, nous placent en enfer. »

Et toi, que dis-tu ? Je ne te condamne pas, va, et désormais ne pèche plus.

 

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