Homélie du 33 ème dimanche - Année A
Carmel de Saint-Maur — Père Maurice Boisson
Le 1er dimanche
de l’Avent, dans 2 semaines, nous prierons le Notre Père avec une nouvelle
formule : « Et ne nous soumets pas à la tentation » deviendra
« Et ne nous laisse pas entrer en tentation. »
Je vous propose
aujourd’hui une homélie sur
ce changement. Car il ne s’agit pas d’une simple modification de mots mais de
notre expérience, connue, de tiraillements entre notre désir de faire le bien
et nos voix intérieures qui nous chantent que faire le contraire serait bien
meilleur !
Pourquoi
changer cette formule ? Qu’est-ce que cela change ?
C’est Jésus qui
nous a appris à prier ainsi : « Quand vous priez, dites Notre Père… »
(Lc11,2) Mais Jésus n’a rien écrit, il n’a rien enregistré, il n’a pas même
envoyé un mail ! Ses actes et ses paroles se sont transmis oralement, de bouche
à oreille parmi ses amis. Ce n’est que quelques 30 ou 50 ans plus tard , voire
plus, que ce qui se transmettait au sujet de Jésus a été mis par écrit.
Jésus parlait
l’araméen, la langue des gens de son peuple, l’hébreu étant réservé aux textes
religieux et à la liturgie. Les évangiles ont été écrits en grec, la langue de
l’époque. 3 siècles plus tard, ils ont été traduits en latin, la langue du
peuple de l’empire romain… et plus près de nous, ils ont été traduits en
français et dans la plupart des langues du monde.
C’est dire la
difficulté à être le plus fidèle possible aux paroles, aux pensées, aux
intentions de Jésus, et pour ce qui nous concerne aujourd’hui, à la prière
qu’il nous a donnée : le Notre Père.
Alors pourquoi
changer ? On a toujours dit comme cela ! Non, pas toujours : seulement depuis
le concile Vatican II, il y a un peu plus de 50 ans.
« Ne nous
soumets pas à la tentation » peut nous laisser croire que Dieu nous
tenterait, qu’il nous soumettrait à une épreuve, à être tentés, pour voir si…
La tentation au mal, quel qu’il soit, ne vient pas de Dieu. La sollicitation et
le désir de Dieu pour nous ne nous poussent qu’à faire le bien. C’est là notre
réussite humaine et éternelle.
Mais il y a en
nous un appel plus ou moins fort qui voudrait nous faire croire que nous
serions bien plus heureux si nous coupions le son de la voix du bonheur de Dieu
et si nous écoutions les publicités de nos égoïsmes, de nos jalousies, de nos
pulsions de violence et de méchancetés
en tout genre. C’est ce que nous propose
le tentateur, le diviseur, le malin, comme étant le top de notre existence.
Notre
Père, Abba, - « Papa bien
aimé » dans la langue de Jésus - ne peut pas nous soumettre à ce test, à
cette épreuve. « Ne nous laisse pas entrer en tentation ! ». Le mot
grec d’origine, entrer, veut dire aussi « Ne nous laisse pas embarquer
dans cette épreuve de la tentation », aide-nous à ne pas nous laisser
embarquer dans cet engrenage destructeur de ce que nous pouvons être. La
tentation, chemin apparemment facile, est une épreuve difficile, c’est un
combat intérieur dont on ne peut jamais sortir vainqueur tout seul. Difficile
parce qu’il s’agit d’une épreuve, d’un test de nos choix intérieurs pour le
bien, le bon, le vrai, le juste, le digne, le respect, l’Amour… pour tout ce
qui peut rendre heureux, en vérité, nous, les autres et Dieu.
Si nous
adressons cette demande d’aide à notre Père, c’est que nous connaissons nos
fragilités, nos faiblesses, et que nous avons confiance en sa présence, en son
aide, avec notre consentement. « Il est malhonnête de prier pour la
victoire, si l’on n’a pas envie de se battre. » disait quelqu’un. Ne nous
laisse pas embarquer, nous faire arnaquer par les pubs illusoires et
mensongères du diviseur, du malin, de satan.
Dans nos
tourments, nos combats intérieurs, nos échecs, nos fragilités, laissons notre
Père, Abba, nous prendre dans ses bras. Il ne nous pousse pas au mal pour voir
si… mais il nous protège des virus du tentateur.
« Ne nous
laisse pas entrer, embarquer, nous faire arnaquer et détruire par le mal.
Délivre-nous du malin ! Et si nous nous laissons avoir, dans notre faiblesse,
pardonne-nous nos offenses. » « Donne-nous aujourd’hui ce dont nous
avons besoin aujourd’hui pour être heureux avec Toi, avec les autres, avec
nous-mêmes. »
« Il n’est
pas de prière plus douce qui ne commence d’une manière plus familière et plus
douce que le Notre Père » (St Albert le Grand dans son Commentaire de
Saint Matthieu).
Abba, Papa bien
aimé, ne nous laisse pas entrer en tentation, délivre-nous du mal !
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