dimanche 28 janvier 2018

Homélie du 4ème Dimanche année B



Homélie du 4ème Dimanche année B

Carmel de Saint-Maur —Père Maurice Boisson
            
            « C’était plus fort que moi ! J’aurais dû ne pas être si méchant, pas ceci, pas cela… » « J’aurais dû m’écouter ! » Ecouter qui, écouter quoi qui habite en moi ? On connait bien ce mécanisme intérieur que Saint Paul, lui-même, n’avait pas honte d’avouer comme quelque chose de difficile : « Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas » (Rm7,19).

            Y-a-t-il un colocataire en moi ? Écoutons l’Évangile de ce dimanche.
            En pleine assemblée de prière, un homme tourmenté par un esprit mauvais se met à crier : « « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Je sais qui tu es : tu es l’envoyé de Dieu. » Cet homme dit « nous » : « Que nous veux-tu ? » Ce n’était pas une formule de politesse, un nous de majesté. Cet homme tourmenté n’était pas seul en lui-même. Quelqu’un d’autre que lui avait squatté la partie centrale de son intérieur. Quel est ce qui, ce quoi, parfois plus fort que moi ? Serais-je conditionné, déterminé par mon passé, mon histoire, mes forces intérieures ? Mais alors, je suis encore davantage conditionné par la première des forces qui est en moi ! la grâce, la présence et la force de Dieu ! L’Esprit du meilleur en moi, qui m’appelle à la liberté, à être vraiment moi-même.


            C’est cette tension qui souvent est en nous, entre la tentative du malin, de l’esprit du mal pour s’héberger en nous, et ce que nous sommes, habités de Dieu. Cet homme tourmenté, en qui l’esprit mauvais était venu se loger… il l’avait peut-être laisser entrer par faiblesse, par connivence, par l’illusion d’une promesse mensongère d’un faux bonheur : « Tu sauras, tu seras, tu verras… » « Je sais qui tu es ! » Cela nous rappelle nos origines et c’est aussi l’actualité de notre humanité.
            Que nous veux-tu ? Es-tu venu pour nous perdre ? Ou pour libérer cet homme tourmenté ? Pour chasser le squatteur qui veut devenir l’habitant. Il nous arrive de nous dire à nous-mêmes ou à d’autres : « Ça, ce n’est pas moi ! Ce n’est pas toi ! Tu n’es pas comme ça ! Ce n’est pas ton coeur, mon coeur… » Nous sommes parfois affrontés, comme Paul, à une lutte intérieure pour rester ce que nous sommes, icônes de Dieu, et ce que nous sommes appelés à devenir : des êtres libres dans le Christ qui nous libère. Un jeune moine dit un jour à un moine âgé: « Abba Antoine, moi, je n’ai pas de combat ! » Abba Antoine lui dit : « Tu n’as pas de combat parce que tu n’as pas de porte. Mets une porte à ton coeur. Tu verras que tu as un combat. »

            Jésus a bien compris cet homme tourmenté : « Il l’interpella vivement », non pas ce pauvre homme, mais le squatteur d’un moment : « Tais-toi, sors de cet homme », en grec les verbes sont plus forts : « Musèle-toi, ferme la !  Déguerpis de là ! Tu n’es pas chez toi. » Jésus distingue cet homme de celui qui voudrait prendre son chez lui. Il libère cet homme pour le rendre à lui-même.
            Nous avons en nous-mêmes un espace de liberté, toujours à agrandir, à élargir, qui nous permet, avec la force du Christ et de l’Esprit de dire au mal : « Tais-toi, sors, tu n’es pas chez toi, même si j’ai eu la faiblesse de t’entrouvrir la porte. » Il y a en nous plus que nous-mêmes, plus que notre passé, notre histoire, nos comportements. Il y a la grâce, la beauté, la bonté, l’Amour. Et « Ma grâce te suffit » (2Co12,9) dira Jésus à Paul. Il savait à qui il parlait ! Cette grâce, cette présence de Dieu est première en nous, en chacun, dès l’origine. Nous avons à veiller à la porte de notre conscience, de notre raison, de notre coeur. Sainte Catherine de Sienne dit que « L’être humain est beau parce qu’il vient du désir de Dieu ». Cette beauté intérieure laisse des traces à l’extérieur et rend le monde plus beau. Ne la laissons pas être squattée par toutes les « mochetés » qui tentent de prendre sa place.

            « Jésus le Christ, lumière intérieure, ne laisse pas mes ténèbres me parler. Donne moi d’accueillir ton Amour  » … et ta liberté !

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