dimanche 8 avril 2018

Homélie du 2ème Dimanche de Pâques - Dimanche de la Divine Miséricorde - Année B


Homélie du 2ème Dimanche de Pâques - Dimanche de la Divine Miséricorde - Année B
Carmel de Saint-Maur — Père Maurice Boisson

             Il en a du succès, Thomas ! Et de plus en plus ! Dans une société où il faut tout vérifier, prouver, démontrer. Saint Thomas n’est pas dépaysé aujourd’hui quand, dans les relations et vis-à-vis des institutions la méfiance l’emporte sur la confiance et détend les ressorts de la vie ensemble.

            On se reconnaît bien dans Thomas, le jumeau - c’est le surnom qu’il portait, « Didyme », notre jumeau. Il est souvent cité : « Quand je verrai, je croirai ! Je me méfie, je suis comme Thomas ! » Pourtant, Thomas est quelqu’un de très généreux, une forte personnalité, sympathique.  Il est prêt à « mourir avec lui » (Jn 11, 16) Que lui est-il arrivé ? Ce qui peut arriver à chacun. Il avait tout misé sur Jésus quand il était parti avec lui. il lui avait donné toute sa confiance. Et puis, l’aventure ne s’était pas déroulé, ni fini, comme lui, Thomas, l’avait imaginé. C’est l’échec… provisoire. Mais ce provisoire n’était pas dans la tête de Thomas.

            Le soir de Pâques, Jésus ressuscité vient au milieu de ses amis, Thomas n’est pas là, parti sans doute ruminer sa tristesse quelque part dans la montagne ou au bord du lac. A son retour, les amis lui racontent la nouvelle. Il ne les croit pas.

            Thomas est en panne de confiance. Il ne croit pas ceux qui ont vu Jésus vivant. Il a perdu confiance en Jésus. Et par conséquent, il n’a plus confiance en lui-même. Quelque chose en lui est brisé, comme un ressort. Le ressort de la confiance. C’est notre expérience humaine que Thomas a vécue et qui sera guérie par la rencontre de la Miséricorde de Dieu, dans le Christ ressuscité. La confiance n’est pas naïveté, ni faiblesse, ni insouciance. La confiance n’est pas guimauve. La confiance est un risque, qui provient d’un choix. Un risque est à prendre et cela demande de l’énergie. « Chaque jour, nous sommes appelés à refaire le chemin de l’inquiétude vers la confiance » (Frère Alois in Pèlerins de confiance : le chemin de communion suivi à Taizé).

            Tout n’est jamais complètement perdu. Et en Thomas, tout n’était pas complètement éteint ni cassé. Sinon, il ne serait jamais revenu le dimanche suivant. De nouveau, dans la maison, Thomas est là, Jésus revient… pour lui, pour nous. Les portes sont verrouillées, et surtout, le coeur de Thomas est verrouillé. Quand le coeur et l’esprit sont verrouillés, parfois, seuls le code de la Grâce du Christ et la Miséricorde du Père peuvent ouvrir. Les portes verrouillées, Jésus entre. Il commence à faire à tous le cadeau intérieur essentiel pour que s’ouvrent les coeurs : « La Paix soit avec vous ! » Puis, à Thomas, il ouvre toutes grandes les mains : « Vois, regarde, et touche mon côté ». Par ce geste, Jésus invite Thomas, et nous avec lui, à déposer nos propres blessures dans les plaies du Ressuscité. Nos propres misères deviennent celles du Ressuscité. Jésus ne blâme pas Thomas, il ne méprise pas ses doutes, il ne lui reproche pas sa panne de confiance. Avec douceur, il lui tend ses mains. « Sois croyant », il l’invite à la confiance.

            C’est cela la miséricorde, que nous fêtons ce dimanche. La miséricorde n’est pas un discours. Etre miséricordieux, c’est quelqu’un, c’est Dieu, c’est la rencontre avec ce qu’Il est. Saint Thérèse de l’Enfant Jésus le dit : « Dieu n’est qu’amour et miséricorde » (Lettre 247 à l’Abbé Bellière). La miséricorde, ce sont deux réalités : le coeur (corde) qui s’ouvre à celles et ceux qui ont des misères (miseri), les misères humaines de toutes sortes. Une attitude humaine « issue de mes entrailles » dira Jésus à Sainte Faustine (Petit Journal, §699). La miséricorde est une attitude intérieure. Elle s’accueille et se redonne.
            C’est Thomas et sa brisure intérieure, c’est Pierre et son reniement, c’est la Samaritaine et sa vie compliquée, c’est Marie-Madeleine et ses larmes…
            Comme pour Thomas, la rencontre des mains et du coeur du Ressuscité sont toujours un nouveau départ : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » « Tu sais bien que je t’aime ! » dit Pierre, « Donne-moi de cette eau vive » dit la Samaritaine. Nous serons miséricordieux à notre tour, si nous acceptons de remettre nos nos blessures dans les plaies du Christ Ressuscité. « Avance ta main ! » Que serions-nous sans le doute de Thomas, les lâchetés de Pierre. La miséricorde de Dieu brise les carapaces de nos suffisances pour nous rendre poreux à la tendresse du Père et aux besoins de nos frères et soeurs.
Jumeaux de Saint Thomas, laissons-nous

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