mardi 5 juin 2018

Homélie de la fête du Saint-Sacrement - Année B


Homélie de la fête du Saint-Sacrement - Année B
Carmel de Saint-Maur — Père Maurice Boisson

            Nous sommes tous rassemblés à la messe ce matin. Nous avons répondu à l’appel du Christ à partager son repas: le don de ce qu’il est.
            C’est le dernier repas que Jésus prend avec ses amis avant de partir pour le mont des oliviers. On connait la suite…

            Ce dernier repas est le premier repas qui a traversé les siècles et les frontières. Il continue de réunir les amis de Jésus, comme nous ce matin. On est au coeur de notre existence de chrétiens et au coeur de l’avenir définitif de notre humanité.
            L’Eucharistie, comme nous l’appelons aujourd’hui, « est la source inépuisable de la vie chrétienne » dit le concile Vatican II, la racine, le centre de la communauté chrétienne. Elle est la présence réelle du Christ qui nous donne ce qu’il est pour que nous devenions Lui, en communion à ce qu’il est et à sa parole, « Prenez, c’est mon corps ». Puis, prenant une coupe, il la leur donna et ils en burent tous…même Judas. « Ceci est mon sang versé pour vous ». Il ne s’agit pas d’une commémoration banale d’un passé mais de la présence réelle du Christ qui se fait nourriture d’Amour pour qu’à notre tour, nous soyons nourriture d’amour, de charité les uns pour les autres.


            Ce repas, comme au dernier soir, est sacré. Il est testament. Il demande tous nos soins, notre accueil et notre disponibilité, notre participation et notre appétit à nous laisser nourrir de la personne du Christ lui-même. Sainte Elisabeth de la Trinité, sortant de la messe de sa première communion, disait : « Je n’ai plus fin, Jésus m’a nourrie. » Comme pour tout, l’habitude nous guette : on connait,  les mêmes rites et les mêmes prières reviennent. On peut s’ennuyer, surtout pendant les homélies - elles ne sont pas l’essentiel de la messe.

            « Devenez ce que vous recevez », là est l’essentiel. Le corps, l’être du Christ. Dans le langage amoureux, on dit volontiers : « je te mangerai » , « j’ai faim de toi », « je bois tes paroles ».
            Devenir ce que nous recevons pour vivre, pour affronter la vie et ses turbulences, pour être témoins de celui que nous recevons. « Une Eucharistie qui ne se traduit pas en pratique concrète de l’amour est en elle-même tronquée » écrit Benoît XVI.

            Nous ne sommes pas seulement des êtres de chair. Nous sommes esprits, relations, sentiments, choix, comportements qui ont besoin d’être nourris. Sinon, la meilleure part de nous-mêmes risque de s’affaiblir, de s’étioler. C’est la ruse du démon. Il avait essayé avec Jésus au désert : « Tous ces cailloux, tu peux en faire des pains. » Ce qui lui valut la réponse cinglante de Jésus, combien actuelle et peut-être plus encore : « on ne vit pas seulement de pain et de choses matérielles pour exister vraiment. »

            Edith Stein, Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix, carmélite morte en déportation à Auschwitz, voyait dans l’hostie « pétrie de fin silence, le coeur de Dieu qui bat pour tous les hommes». Elle ajoute : « Ton coeur vient pénétrer le mien, je ne suis plus alors ce que j’étais avant. » Le don de l’Amour du Christ se fait nourriture : « Prenez et mangez » pour devenir ce que nous recevons. Non pas pour notre petite (ou grande) dévotion, non pas pour garder pour nous cet Amour qui s’abime si nous l’enfermons.
            Quelqu’un disait au curé d’Ars : « Je ne sais pas si je vais communier, je n’en suis pas digne! » Le Saint curé d’Ars, que l’on ne peut accuser de brader les sacrements, a répondu : « Bien sur que vous n’en êtes pas digne mais vous en avez besoin ! »

            Le don du Christ n’est pas une récompense aux soit-disants parfaits, dignes, comme on donne une image ou un bon point à un enfant bien sage. L’Eucharistie, c’est le pain pour la route. Il est parole et pain. Chaque Eucharistie est Emmaüs pour ceux qui marchent, pour qui ceux pour qui la vie est difficile. C’est la présence réelle du Christ qui demeure quand nous sortons de la messe, c’est même là qu’elle commence réellement, la messe.

            Nous ne vivons pas du souvenir du Christ, nous vivons de sa présence. Nous avons à la rendre présence réelle dans notre quotidien.

Devenons ce que nous recevons : le corps du Christ.

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