vendredi 20 juillet 2018

16 Juillet 2018 Homélie de Mgr Philippe GUENELEY


NOTRE-DAME DU MONT CARMEL
1 Rois 18, 42-45 ; Ga 4, 4-7 ; Jn 19, 25-27


 Carmel de Saint-Maur, lundi 16 juillet 2018  
                   Homélie de Mgr Philippe GUENELEY


            La lecture du premier Livre des Rois qui évoque la figure du prophète Elie a sa place dans la liturgie sans doute parce qu’il est question du Mont Carmel : « Elie monta sur le sommet du Carmel », et parce que, selon la tradition, les ermites appelés Frères de la bienheureuse Vierge Marie vécurent sur le Mont Carmel et seront à l’origine de l’Ordre du Carmel. Elie tient une place particulière dans l’histoire d’Israël et surtout dans l’histoire du prophétisme. Au temps du roi Achab (9ème siècle avant Jésus Christ), les prophètes sont persécutés par la reine Jézabel, originaire de Sidon, en Phénicie (l’actuel Liban) et qui est de religion cananéenne et pourchasse ceux qui ne croient pas au dieu Baal. La mission d’Elie n’est pas facile : il va annoncer au roi une grande sécheresse, donc une famine, et doit s’enfuir loin, où il sera nourri par les corbeaux. Il accomplira un miracle en faveur d’une veuve à Sarepta et de son fils. Il exterminera les prophètes de Baal avant d’annoncer au roi la fin de la sècheresse. Puis viendra l’épisode de la rencontre avec Dieu sur le mont Horeb, de Dieu présent dans le murmure d’une brise légère. Elie poursuit sa mission avant de choisir Elisée pour lui succéder.

            Pourquoi vous avoir rappelé cette histoire du prophète Elie en ce jour où Sœur Maria Clara va prononcer ses vœux temporaires dans l’Ordre de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel ? Le chemin parcouru par Sœur Maria Clara jusqu’à aujourd’hui fut un long chemin qui lui a permis de découvrir ce que le Seigneur attendait d’elle. Comme Abraham, elle a quitté son pays d’origine et parcourant quelques pays est parvenue ici discerner plus précisément sa vocation. Dieu peut se révéler dans les grands événements, mais on fait plus souvent l’expérience de la présence de Dieu et de son action dans les événements quotidiens, plus modestes. Elie fait l’expérience de la patience avant d’annoncer la venue de la pluie : « Sept fois de suite », il s’adresse à son serviteur. Dans son cheminement, Sœur Maria Clara, comme beaucoup d’entre nous, a su attendre pour prononcer son oui au Seigneur de façon plus éclairée.  

Ce que nous apprend aussi Elie, c’est l’importance du discernement. Elie avait prédit la sécheresse, c’est lui encore qui annonce la venue de la pluie. Tout prophète qui parle au nom de Dieu  est appelé à discerner les signes des temps en prenant appui sur la parole de Dieu et en se laissant éclairer par son Esprit. Elie assume sa mission seul. Reconnaissons-le, dans de multiples situations, le discernement se fait à plusieurs. Souvenez-vous de cela, ma Sœur : pour percevoir ce que nous avons à faire, pour déceler ce qui est du Royaume de Dieu, un discernement communautaire est souvent nécessaire. En ce sens, la communauté est une aide. Certes, à l’origine de toute vocation religieuse, il y a le Seigneur Dieu, il y a le Christ (« Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis », dit Jésus). L’appel de Dieu s’adresse à une personne. Mais cette vocation est accompagnée par la communauté Eglise, elle est discernée par l’Eglise qui appelle celui ou celle qui pense être appelé (e).

            La Lettre de Saint Paul aux Galates met l’accent sur un des aspects fondamentaux de la vie consacrée : « Dieu a envoyé son Fils […] pour faire de nous des fils », qui sont des héritiers du Royaume de Dieu. Certes, c’est le baptême qui nous établit dans cet état de fils de Dieu, par la plongée dans la mort et la résurrection du Christ et par le don de l’Esprit du Fils. Mais la vie consacrée marque un pas de plus, elle exprime un accueil plus marqué de cet esprit filial qui renforce les liens avec Dieu le Père. Sœur Maria Clara, puissiez-vous mesurer en ce jour l’immense grâce qui vous est faite de prononcer avec une conviction plus grande le nom de Dieu-Père. Fille de Dieu, vous l’êtes par la grâce de Dieu. Consacrée à Dieu, vous l’êtes encore par la grâce de Dieu. Et il ne suffit pas de prononcer le nom de Père en s’adressant à Dieu, il faut encore vivre en fils bien-aimé, à la ressemblance du Fils unique. Vous le serez en faisant comme Sainte Thérèse de Lisieux le disait, en étant fascinée par Jésus, le divin Soleil de l’amour, en imitant Jésus dans son obéissance, dans sa pauvreté, dans sa chasteté. Sainte Thérèse écrivait : « O Jésus, mon premier, mon seul Ami, toi que j’aime uniquement, […] je ne suis pas un aigle, j’en ai simplement les yeux et le cœur, car malgré ma petitesse extrême j’ose fixer le Soleil Divin, le Soleil de l’Amour et mon cœur sent en lui toutes les aspirations de l’Aigle… Le petit oiseau voudrait voler vers ce brillant Soleil qui charme mes yeux. » Etre fils de Dieu, c’est voler vers ce Soleil qu’est le Christ. Si votre cœur, votre intelligence et votre volonté s’attachent de plus en plus au Christ, vous grandirez dans la foi, vous progresserez dans l’amour. C’est en prenant appui sur le Seigneur, c’est en suivant le Christ, le Fils unique, que vous poursuivrez la route de fille consacrée avec persévérance. Ne lâcher pas la main du Père, dont vous avez déjà mesuré la miséricorde, la bonté et la tendresse. Sœur Maria Clara, par votre consécration il s’agit de renforcer votre relation à Dieu, d’accorder à Dieu la première place : « Seigneur, mon partage et ma coupe, de toi dépend mon sort », dit le psaume 15, verset 5.



            L’évangile de Jean souligne une dimension essentielle de votre vie de carmélite : la relation à Marie, de laquelle, par la volonté même de Jésus en croix, vous êtes devenue la fille : « Il dit au disciple : « Voici ta mère ». Quel beau cadeau ! Jésus le redit aujourd’hui. Il vous le redit aujourd’hui à vous, Sœur Maria Clara, il vous le redit à vous, mes sœurs carmélites, il le redit à chacun, chacune de nous. La mère de Jésus est aussi notre mère. La maternité universelle de Marie prend naissance à la croix et nous inonde. Nul ne peut être disciple de Jésus, s’il ne reçoit pas Marie pour Mère. Appartenant à l’Ordre du Carmel, les sœurs, vous êtes dans une situation particulière. Marie veille sur vous, elle vous accompagne de son amour maternel, et vous êtes invitées à l’imiter dans sa disponibilité à Dieu, dans sa joie, dans son cantique d’action de grâce, dans son humilité, dans son obéissance.

            Tourner votre regard vers le Christ, Soleil d’Amour, et aussi, tourner votre regard vers Marie, « la sainte parmi les saintes, celle qui nous montre le chemin de la sainteté et qui nous accompagne », comme le dit le pape François (Gaudete et Exsultate 176) « Elle n’accepte pas que nous restions à terre et parfois elle nous porte dans ses bras sans nous juger », comme elle a porté son Fils Jésus. « Parler avec elle nous console, nous libère et nous sanctifie ; elle n’a pas besoin de beaucoup de parole […] Il suffit de chuchoter encore et encore : « Je vous salue, Marie… » (Pape François, o.c. 176)

            Sœur Maria Clara, par votre profession religieuse, vous allez rendre plus profonde votre consécration à Dieu. Vous consentez librement et ardemment à ne pas vous contenter d’une existence « médiocre, édulcorée, sans consistance », pour marcher en présence de Dieu Père, dans l’amour, en étant sainte et sauvée. Que le Seigneur vous soit en aide ! Et nous qui vous accompagnons, puissions-nous nous encourager les uns les autres à avancer encore plus loin sur le chemin de la foi et être des témoins courageux de l’amour de Dieu, des fils du même Père, qui voient en tout homme quel qu’il soit un frère à aimer et à servir !


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