dimanche 18 septembre 2016

ONU: impliquer les consommateurs dans la gestion de l’eau



ONU: impliquer les consommateurs dans la gestion de l’eau




Chute d'eau, Andorinha, Brésil - wikimedia commons
La gestion de l’eau doit impliquer « les consommateurs, les planificateurs et les décideurs à tous les niveaux », affirme le Saint-Siège. Il appelle à avoir une attention aux « préoccupations des pauvres ».
Mgr Ivan Jurkovic, observateur permanent du Saint-Siège à l’ONU à Genève, est ainsi intervenu le 16 septembre 2016 au Dialogue interactif sur les droits humains, dans le cadre de la 33ème Session du Conseil des droits de l’homme.
Voici notre traduction intégrale de l’intervention :
Discours de Mgr Jurkovic
La délégation du Saint-Siège tient à exprimer sa profonde préoccupation pour le fait que près de 783 millions de personnes manquent d’eau potable et que plus de 2,5 milliards n’ont pas accès à l’assainissement de base. De plus, à l’échelle mondiale, un tiers de toutes les écoles n’a pas accès à l’eau potable et à l’assainissement, et 160 millions d’enfants souffrent d’un retard de croissance et de malnutrition chronique liés à ces problèmes.

La Résolution 64/292 de l’Assemblée générale des Nations Unies reconnaît le droit à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit humain qui est essentiel à la pleine jouissance de la vie et de tous les droits de l’homme. En septembre de l’année dernière, l’Agenda 2030 a reconnu que l’eau et à l’assainissement étaient un problème de base, a établi l’objectif de développement durable 6 consacré à l’eau et à l’assainissement, à des liens clairs avec les objectifs liés à la santé, à la sécurité alimentaire, au changement climatique, à la résilience aux catastrophes et aux écosystèmes, parmi beaucoup d’autres. Afin d’atteindre les objectifs ambitieux de l’Agenda 2030, nous devons aborder l’accès universel à l’eau potable et à l’assainissement, ainsi que les questions de la qualité et de l’offre, en tandem avec la gestion améliorée de l’eau pour protéger les écosystèmes et construire la résilience.
Notre monde a une dette sociale importante envers les pauvres qui ne disposent pas d’accès à l’eau potable, car ils se voient refuser le droit à une vie conforme à leur dignité inaliénable. Le développement durable et les perspectives des droits de l’homme exigent à la fois de réduire les inégalités et d’éliminer les disparités dans l’accès aux services de base. À cet égard, la gestion durable de l’eau devient un enjeu social, économique, environnemental et éthique, qui concerne non seulement les institutions, mais aussi l’ensemble de la société.
L’exploitation intense et sans discernement des ressources aboutit à des situations graves de dégradation irréversible et menace la survie des générations futures sur cette terre. Des choix imprudents se poursuivent aujourd’hui et résultent dans une augmentation de l’exploitation de l’énergie et des ressources naturelles, situées dans les pays les plus pauvres, à l’avantage économique de nombreux pays industrialisés. Dans sa Lettre encyclique, Caritas in veritate, le Pape Benoît XVI a observé que « le stockage des ressources naturelles, qui dans de nombreux cas se trouvent dans les pays pauvres eux-mêmes, donne lieu à l’exploitation et à de fréquents conflits entre les nations et en leur sein. »
Comme l’a déclaré le pape François l’an dernier à l’Assemblée générale des Nations unies, les piliers du développement humain intégral, à savoir « logement personnel, travail digne et convenablement rémunéré, alimentation adéquate et eau potable ; liberté religieuse, et, plus généralement, liberté de pensée et éducation », ont « un fondement commun, qui est le droit à la vie, et, plus généralement, ce que nous pourrions appeler le droit à l’existence de la nature humaine elle-même ». Aujourd’hui, il est impossible de parler du « bien commun » sans prendre en considération le droit de vivre dans un environnement sain. La lutte contre la pauvreté et la faim requiert toujours plus d’interventions ciblées et de solidarité dans l’objectif de garantir l’accès universel à l’eau. La promotion du développement humain intégral, spécialement pour ceux qui travaillent dans l’agriculture, exige une gestion adéquate des ressources en eau. Ainsi l’Eglise catholique enseigne que « L’eau, de par sa nature même, ne peut pas être traitée comme une simple marchandise parmi tant d’autres et son usage doit être rationnel et solidaire. Sa distribution fait traditionnellement partie des responsabilités d’organismes publics car l’eau a toujours été considérée comme un bien public, caractéristique qui doit être conservée même si sa gestion est confiée au secteur privé. Le droit à l’eau,1011 comme tous les droits de l’homme, se base sur la dignité humaine et non pas sur des évaluations de type purement quantitatif, qui ne considèrent l’eau que comme un bien économique. Sans eau, la vie est menacée. Le droit à l’eau est donc un droit universel et inaliénable ».
Monsieur le Président, ma Délégation voudrait rappeler que, pour promouvoir et atteindre le bien commun, il est nécessaire de protéger et de promouvoir le droit à l’eau comme un « devoir des autorités civiles ». Pour réaffirmer la dignité humaine et le bien commun de toute la famille humaine, nous devons promouvoir une sage hiérarchie des priorités pour l’utilisation de l’eau, surtout là où il y a des demandes d’eau multiples et potentiellement en concurrence.
Par conséquent, il faut des politiques qui protègent ce bien dans les circonstances actuelles. A cet égard, le Saint-Siège est conscient que les situations varient beaucoup et pour cela recommande avec insistance la planification de politiques valides et efficaces pour les différents contextes. La communauté internationale doit faire face au besoin moral urgent d’une nouvelle solidarité en considérant les ressources naturelles. Ce changement ne peut être accompli que par la motivation et l’éducation de la jeunesse à la solidarité, l’altruisme et la responsabilité. La dernière de ces vertus les aidera à être d’honnêtes administrateurs et politiciens.
La gestion de l’eau devrait être fondée sur une approche participative, impliquant les consommateurs, les planificateurs et les décideurs à tous les niveaux. Hommes et femmes devraient être impliqués dans la gestion des ressources en eau et dans le partage des bénéfices qui vient d’une gestion durable de l’eau. En accomplissant l’Agenda 2030, les préoccupations des pauvres pour l’eau deviennent les préoccupations de tous dans une perspective de solidarité. Cette solidarité est une détermination ferme et persévérante de s’engager pour le bien commun, pour le bien de tous et de chaque individu. Cela présuppose l’effort pour un ordre social plus juste et demande une attention préférentielle à la situation des pauvres. Le même devoir de solidarité qui revient aux individus existe aussi pour les nations : les nations développées ont le très pressant devoir d’aider les nations en voie de développement.

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