dimanche 16 juin 2013

Homélie 11° dimanche C

Homélie 11° dimanche C
Carmel de Saint-Maur - P. Maurice Boisson

 Vous ne trouvez pas qu’il y a un petit parfum de scandale dans cette scène ? Ca peut choquer, en effet : Jésus est invité chez un notable, Simon ; pas Pierre, mais un pharisien, de ces gens avec qui jésus avait beaucoup de démêlés, ce qui n’arrange rien dans cette affaire.

On commence à manger. Tout d’un coup, sans prévenir, ni sonner à la porte, ni s’excuser, arrive en trombe une prostituée bien connue dans la ville. Elle se précipite directement vers Jésus, elle pleure sur ses pieds, les essuie de ses cheveux défaits, les embrasse, y verse du parfum. Ces gestes osés sont choquants pour Simon. On peut le comprendre ; en plus, ça se passe chez lui. Choquant, oui, si - comme Simon – on en reste à ce qu’on voit, au superficiel, à la surface, aux gestes de cette femme perdue.

C’est le regard de Simon, souvent le notre : s’en tenir à la surface. « Si ce Jésus, que j’ai eu le malheur d’inviter, était un homme de Dieu, il saurait qui est cette femme qui le touche (Luc 7,39), il réagirait. Nous, on la connaît : une pécheresse. »

Eh oui ! pauvre Simon - pauvres nous - qui regardons souvent comme un regarde des étiquettes sur un rayon, la façade d’une maison ou un catalogue. Nous oublions qu’il y a l’invisible à nos yeux de chair, un invisible en chacun - visible seulement aux yeux du cœur, et d’un cœur aimant - visible aux yeux de Dieu. L’essentiel, le mystère de chacun, le secret intérieur de cette femme, autrement, au-delà des apparences, de sa réputation, de son attitude. On la voit autrement et autre que les regards de la rue et de Simon, teintés de mépris, de condamnation ou de pitié.

Qu’y a-t-il dans son cœur ? Jésus ne repousse pas cette femme, il n’est pas insensible. La fin du récit semble vouloir nous faire deviner cette sensibilité de Jésus : avec les douze, des femmes accompagnaient Jésus, note Luc 8,1-2. Il donne quelques noms et ajoute : « Et beaucoup d’autres… » (Luc 1,3).

Jésus, ni insensible ni naïf, comprend que celle qui est à ses pieds n’est pas ici pour séduire, mais pour être séduite par cet amour absolu qu’elle recherche, par ce désir de dignité, de respect, d’amour vrai.

Pour – quoi - en deux mots – passe-telle par-delà les bienséances ?


Elle sait, parce qu’on lui a dit sans doute, qu’elle trouvera dans le regard de Jésus le regard de l’amour infini de Dieu qu’elle cherche à tâtons, comme source de paix et de bien-être intérieur.

« Elle avait appris que Jésus mangeait chez le Pharisien », note Luc 7,37. Simon voyait la prostituée comme un intruse venue mettre la pagaille dans ce repas. Jésus lui dit : « Tu vois cette femme ? » (Luc 7,44)

C’est le regard de Dieu, qui nous invite aujourd’hui à regarder comme lui. Toute vraie rencontre avec Dieu commence par un regard :  « Et Dieu vit que cela était bon » (Genèse 1,10.12.18.21.25) – les premiers mots. Dans la vie aussi, parce que au-delà de la surface et des façades, il y a comme un invisible secret, une invisible présence de grâce ou tout peut recommencer.

« Les vrais, les seuls regards d’amour sont ceux qui nous espèrent » a écrit le Père Baudiquey dans son commentaire du tableau de Rembrandt représentant le retour du fils prodigue.

Le secret de l’attitude de cette femme, Jésus nous en dit le sens en racontant à Simon cette petite histoire : « Simon, j’ai quelque chose à te dire (Luc 7,40), t’as rien compris… Si deux personnes te doivent de l’argent, tu effaces leurs dettes, on n’en parle plus. La quelle sera la plus contente ? » -  « Celle qui me doit le plus », dit Simon. C’est évident. C’est tout le secret de cette rencontre et de notre propre relation à Dieu. Elle montre beaucoup d’amour parce qu’elle se rend compte de tout ce qui lui est pardonné. C’est beaucoup : « nombreux », écrit Luc (7,47) à propos de ses péchés.

Une immense reconnaissance sans parole. Elle recouvre la paix intérieure.

« Va en paix ! » - lui dit Jésus (Luc 7,50). « Tu es aimée, vraiment aimée, tu es aimée quand même, tu es pardonnée. Ta confiance, même si elle a choqué Simon, te remet debout ! »

Jésus invite Simon et nous-mêmes à cette confiance qui consiste à compter sur la grâce de Dieu plus que sur notre secrète suffisance.

C’est l’expérience de David dans la première lecture : « J’ai péché contre le Seigneur ! » - « Le Seigneur a pardonné ton péché, tu ne mourras pas. » (2 Samuel 12,13)

C’est l’expérience de cette femme pardonnée. C’est ce que nous avons demandé dans la très belle prière d’ouverture de cette Eucharistie : « puisque l’homme est fragile et que sans toi il ne peut rien, donne-nous toujours le secours de ta grâce » pour que nous répondions à ton amour.

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