samedi 3 octobre 2015

Homélie Fête de Ste Thérèse de Lisieux, Carmel de St Maur, Mgr Gueneley


SAINTE THÉRÈSE de L’ENFANT JÉSUS et de la SAINTE FACE
Carmel de Saint Maur

    Is 66, 10-14 ; 1 Jn 4, 7-16 ; Mt 11, 25-30

         Lorsque Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face écrit ces paroles que nous connaissons bien : « J’ai compris que l’Amour seul faisait agir les membres de l’Eglise, que si l’Amour venait à s’éteindre, les apôtres n’annonceraient plus l’Évangile, les martyrs refuseraient de verser leur sang […], je compris que l’Amour renfermait toutes les vocations, que l’Amour était tout, qu’il embrassait tous les temps et tous les lieux. Alors je me suis écriée : ma vocation, enfin, je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour ! » lorsqu’elle dit cela, elle se situe dans la ligne de ce qu’écrit Saint Jean,  c’est-à-dire à la source de la vie humaine, à savoir Dieu qui est Amour, et qui, en communiquant cet Amour à tout homme lui permet de donner sens à son existence. « L’amour vient de Dieu … Celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour. »

         Mais, comprenons bien : cet amour est plus de l’ordre de la volonté que des sentiments. Il est un choix de donner sa vie pour Dieu, pour l’Évangile, pour le Christ, pour les autres. Cet amour est de l’ordre du don de sa vie, du service, du discernement, du jugement éclairé pour déterminer où se dépenser, où consacrer ses énergies. La référence de cet amour est Dieu lui-même, qui  « a envoyé son Fils en sacrifice de pardon (littéralement, en propitiation) […] comme Sauveur du monde, […] il nous a donné part à son Esprit. » L’amour dont Dieu nous a aimés et nous aime a conduit son Fils sur la croix. Plus on contemple le Christ, plus on apprend à aimer comme lui.

         « Sans doute, au Carmel, on ne rencontre pas d’ennemis, écrit Sainte Thérèse, mais enfin il y a des sympathies, on se sent attirée vers telle sœur au lieu que telle autre vous ferait faire un long détour pour éviter de la rencontrer ; ainsi sans même le savoir, elle devient un sujet de persécution. Eh bien ! Jésus me dit que cette sœur, il faut l’aimer, qu’il faut prier pour elle, quand même sa conduite me porterait à croire qu’elle ne m’aime pas » (ms C) Aimer de façon pratique, sans paroles, mais en actes, tout simplement.

         C’est cet amour qui nous pousse à prendre au sérieux les paroles de Jésus et à nous associer à sa louange du Père : « Père, ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » L’amour conduit à la mission, à l’annonce de l’Évangile, à être, comme Dieu, miséricordieux, compatissant, attentif aux souffrants, aux démunis. Ce que le prophète Isaïe dit de Dieu, l’Eglise, doit le faire sien pour le bien de l’humanité : « Je dirigerai vers elle la paix comme un fleuve […] Vous serez comme des nourrissons que l’on porte sur son bras, que l’on caresse sur ses genoux. De même qu’une mère console son enfant, moi-même je vous consolerai, dans Jérusalem vous serez consolés. » Le pape Jean-Paul 1er  écrivait : « Celui qui aime le Christ pour de bon ne peut pas refuser d’aimer les hommes qui sont la famille de Dieu. Même s’ils sont laids, méchants et ennuyeux, l’amour doit les transfigurer un peu. »

         La Bulle d’indiction du Jubilé extraordinaire de la miséricorde écrite par le pape François, comme  son encyclique Laudato Si sur la sauvegarde de la maison commune, nous donne des pistes concrètes pour la mise en pratique d’une charité sociale : ce qu’il appelle les œuvres de miséricorde ou la conversion. « L’exemple de sainte Thérèse de Lisieux nous invite à pratiquer la petite voie de l’amour, à ne pas perdre l’occasion d’un mot aimable, d’un sourire, de n’importe quel petit geste qui sème paix et amitié. Une écologie intégrale est aussi faite de simples gestes quotidiens par lesquels nous rompons la logique de la violence, de l’exploitation, de l’égoïsme. En attendant, le monde de la consommation exacerbée est en même temps le monde du mauvais traitement de la vie sous toutes ses formes. » (LS 230) Petits gestes et grandes stratégies, dit-il.

         Chacun de nous a une vocation personnelle. Dieu porte sur chacun de nous son regard de bonté et de tendresse et nous appelle à entrer dans son Royaume en marchant à la suite de Jésus. La plupart des hommes réalisent leur vocation dans le monde en fondant une famille, ou en étant célibataire, tout en exerçant une profession. Certains sont en attente de travail. D’autres encore exercent des activités non lucratives. D’autres sont empêchés de travailler à cause de la maladie ou de l’exil. Parmi les hommes et les femmes qui constituent l’humanité, certains sont appelés à la vie consacrée, comme vous, mes sœurs. D’autres encore reçoivent un ministère pour « le service de l’Eglise et des hommes », selon la formule habituelle. Aujourd’hui, nous sommes trois, Maurice, Louis et moi-même, à célébrer notre jubilé de 50 années de ministère presbytéral ou épiscopal. Nous rendons grâce à Dieu de nous avoir conduits jusqu’à ce jour dans la foi et l’amour du Christ, en suivant le Christ, en annonçant l’Évangile et en le vivant le plus fidèlement possible. Nous mesurons le chemin parcouru avec les épreuves, nos propres faiblesses, les obstacles, les aléas d’une période riche en événements et en courants de pensée, avec les préoccupations d’être à la fois serviteurs de l’Évangile et présents dans la pâte humaine, et aussi avec les joies suscitées dans les rencontres que nous avons faites. Nous voulons vous faire partager notre action de grâce et vous exprimer notre reconnaissance  à vous, mes sœurs, tout spécialement, puisque le Carmel de Lons-le-Saunier a toujours été très proche des séminaristes et des prêtres du diocèse de Saint-Claude, que vous priez pour le diocèse, que vous soutenez le dialogue œcuménique.
La vocation de Sainte Thérèse de Lisieux a été de proclamer qu’il suffit d’aimer, que l’amour rend capables les plus petits de faire de belles et grandes choses. Aimer paraît facile à certains moments. Cela est plus difficile à d’autres moments. Le poids de l’amour prend la forme du poids de la croix. Mais si nous aimons avec le Christ, le fardeau de la croix est moins lourd. Prions les uns avec les autres, les uns pour les autres, afin que les chrétiens de toute confession qui écoutent la parole de Dieu comme une parole de pardon, de soutien, de miséricorde, d’amour « ne se lassent jamais d’offrir la miséricorde et soient toujours patients pour encourager et pardonner. Qu’ils se fassent la voix de tout homme et de toute femme », qui souffre et espère être mieux ! Que chacun et chacune de nous dise avec confiance : « Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse, ton amour qui est de toujours !» (Ps 25, 6)
   Saint Maur, jeudi 1er octobre 2015                                             + Mgr Philippe GUENELEY

        

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