dimanche 6 mars 2016

Homélie 4e Dimanche de Carême
Carmel de Saint-Maur - P Maurice Boisson
Textes du jour : Jos 5, 9a.10-12 ; Ps 33 ; 2 Co 5, 17-21 ;
Lc, 5, 1-3.11-32, Le fils prodigue

Cette histoire nous touche beaucoup. Elle a inspiré de grands peintres, comme Rembrandt, Arcabas, et d’autres. Elle a suscité des réconciliations, inspiré des modes de relation, purifié nos fausses représentations de Dieu, révélé le vrai visage et le cœur de Dieu, Père de toute miséricorde.
Ce récit nous touche beaucoup parce qu’il rejoint le plus profond de l’être humain : nos errances, nos ruptures, nos repentirs, nos retours, nos fragilités, nos capacités à accepter d’être aimé, toujours. Il rejoint le plus profond de l’être de Dieu : Amour, Miséricorde, Pardon, accueil, relèvement, vie.
En cette histoire: « Qui est Dieu », et « qui nous sommes », se rejoignent pour guérir nos errances et nous faire reprendre la route.

En fait, c’est notre propre histoire qui nous est racontée.

Qui ne se reconnaît pas dans les deux fils ? dans le plus jeune, parti, repenti, revenu, accueilli… et dans l’aîné, resté bien sagement à la maison, mais jaloux et en colère de l’accueil de fête fait par le Père à son frère de retour de ses escapades désordonnées qui l’ont naufragé. Il y a les deux en nous.

Et qui ne se sent pas appelé, même si c’est difficile, à ressembler au Père qui accueille, rétablit la relation cassée, redonne à son fils la dignité de fils… qui ne  sent pas au fond de lui-même, que c’est là le vrai chemin, et que c’est ce dont aujourd’hui nous avons besoin ?
C’est facile de nous reconnaître dans le jeune fils. Oh ! on n’a pas fait les 400 coups, ni mené une vie de désordre ! Il nous arrive de nous éloigner, de Dieu, des autres, et de ce fait, de nous-mêmes, et ainsi de dilapider notre héritage intérieur, de nous trouver dépossédés de ce qui nous fait vivre, de nous retrouver seuls avec notre misère et notre faim intérieure, avec nos regrets aussi, que les plaisirs ni l’héritage matériel ne comblent ! Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs. Mais personne ne lui en donnait. Alors, « il rentre en lui-même », dans le secret, le mystère de notre être, là où, quoi qu’il arrive, nous retrouvant face à nous-même, il y a toujours un « quelque chose », une petite braise prête à repartir, un tout petit peu de levain, prêt à nous re-soulever. « Je me lèverai. J’irai vers mon Père », cette braise, ce levain, c’est justement avoir ce pressentiment que quelqu’un l’attend, son Père, à qui un jour il a claqué la porte. Il l’attend, son Père, les yeux usés de guetter et de pleurer… « Comme le fils était encore loin, son Père l’aperçut, fut pris aux entrailles, courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. »

Des explications ? Des comptes ? Ce qui s’est passé ? Rien de tout cela ? Ce fils croyait peut-être se retrouver devant un juge, il se retrouve dans des bras aimants. La force de la miséricorde est plus efficace que le jugement. Vite !... Les mains ouvertes, larges, déployées, du Père, se posent sur les épaules frêles et déchirées de son fils, pour lui faire appuyer son visage sur son cœur qui continue de battre pour lui ; sans parole, il renaît de nouveau, il retrouve sa dignité de Fils, le Père est resté le Père.
Qu’on aimerait souvent avoir assez de force intérieure pour pouvoir, comme le Père, espérer, attendre, pleurer, courir, à la rencontre et accueillir quiconque, d’une manière ou d’une autre, s’est éloigné, est parti dans quelque errance. Qui oserait accuser le Père de faiblesse ? La faiblesse est dans la méchanceté, la vengeance, le refus, qui nous tirent vers le bas ; la force, l’énergie, sont dans l’amour, la force d’aimer que le Père met en nous.

La faiblesse est précisément dans la jalousie et la colère, la parole méchante, du fils aîné, en qui aussi on se retrouve. « Ton fils que voilà, qui a dévoré ton bien avec des prostituées, tu fais tuer pour lui le veau gras ! T’en as jamais fait autant pour moi qui suis resté près de toi !
L’amour et l’accueil du Père pour le jeune n’enlèvent rien à l’amour pour son aîné. « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, tout ce qui est à moi est à toi… » Pourquoi serais-tu jaloux des liens rénovés, et des retours, et méchant ?

Oui, cette histoire nous touche beaucoup. Parce que ce n’est pas une histoire, c’est la vie, c’est la réalité ; la nôtre, celle du monde. C’est aussi une clef, un chemin, un appel : que chacun puisse trouver en nous pour la vivre ensuite un reflet de l’agir et du cœur de Dieu Miséricorde. Essayons pour cette 4e semaine de Carême, ce passage : « de l’errance à la maison du Père », de nos éloignements à la force d’aimer, je me lèverai, et j’irai vers mon Père.

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