jeudi 1 juillet 2010

Thérèse d'Avila Vie 18, extraits


Thérèse d’Avila, Vie 18 extraits
Avec l'Ordre du Carmel qui se prépare au V° centenaire de la naissance de Sainte Thérèse de Jésus (d'Avila), nous vous proposons une découverte pas à pas de son autobiographie


Daigne le Seigneur m'inspirer des paroles, afin que je puisse dire quelque chose de la quatrième eau qui arrose le jardin…
Dans toutes les précédentes manières d'oraison, il faut que le jardinier travaille... Mais dans ce nouvel état dont je parle, tout sentiment cesse; l'âme est absorbée par la jouissance, sans comprendre se dont elle jouit. Elle sent qu'elle jouit d'un bien qui enferme en lui seul tous les biens, et toutefois la nature de ce bien reste incompréhensible pour elle. Tous les sens sont tellement occupés par cette jouissance, que nul d'entre eux ne peut, ni à l'intérieur, ni à l'extérieur, s'appliquer à autre chose…

Quant à la nature et au mode de cette oraison qu'on appelle union, je ne saurais les faire comprendre... L'âme, il est vrai, sort quelquefois d'elle-même, semblable à un feu qui, en brûlant, jette des flammes; l'activité du feu redouble-t-elle avec impétuosité, alors aussi la flamme s'élance bien haut au-dessus du brasier, mais elle n'est pas d'une autre nature, et c'est toujours la flamme du foyer…

Ce que je prétends exposer ici, c'est ce que l'âme sent dans cette divine union. L'union, comme on le sait, est l'état de deux choses qui, auparavant séparées, n'en font plus qu'une. O mon Seigneur, que vous êtes bon! Soyez béni à jamais! Que toutes les créatures vous louent, ô Dieu qui nous avez tant aimés! Nous pouvons donc parler avec vérité de ces communications que vous daignez, dès cet exil, entretenir avec les âmes! Vous donnez de la sorte, même à celles qui sont justes, c'est déjà une largesse, une magnanimité bien grande, digne de vous enfin qui donnez en Dieu. O libéralité infinie, que vos œuvres sont magnifiques! Elles jettent dans l'étonnement tout esprit assez libre des vanités de la terre pour recevoir la lumière de la vérité. Mais vous voir accorder des grâces si souveraines à des âmes qui vous ont tant offensé, c'est là ce qui confond mon esprit…


C'est ici qu'a lieu quelquefois le vol de l'esprit ou l'adhésion à l'amour céleste… J'ai reconnu clairement que l'élévation de l'esprit était une faveur particulière, bien qu'il semble en apparence, je le répète, qu'elle ne diffère point de l'union. Qui ne voit la différence qui existe entré un grand feu et un petit? Et cependant l'un est feu aussi bien que l'autre. Mais avant qu'un petit morceau de fer s'embrase dans un petit feu, il faut beaucoup de temps; qu'on jette dans un grand feu un fer d'une dimension même beaucoup plus grande, en très peu de temps il semble dépouiller sa nature. Il existe, je crois, une différence analogue entre ces deux grâces du Seigneur…


Je ne dirai rien au reste dont je n'aie une grande expérience. Voici un fait certain: lorsque je voulus commencer à traiter de cette dernière eau, je vis que cela m'était plus impossible que de parler grec. Arrêtée par une pareille difficulté, je laissai là mon écrit, et je m'en allai communier. Béni soit le Seigneur qui favorise ainsi les ignorants! O vertu d'obéissance, que tu es puissante! Dieu éclaira mon entendement, tantôt par des paroles, et tantôt en me mettant dans l'esprit la manière dont je devais m'exprimer…


Maintenant que nous parlons de cette eau, qui vient du ciel avec abondance pour pénétrer et abreuver tout ce jardin, on voit déjà de quel repos jouirait le jardinier, si le Seigneur la versait ainsi toutes les fois qu'il en est besoin. Et si, grâce à un temps toujours tempéré qui remplacerait l'hiver, le jardinier voyait, à toutes les saisons, les fleurs et les fruits embellir son jardin, quel plaisir ne goûterait-il pas? Mais, tant que dure notre vie, cela est impossible. Il faut toujours veiller, et se mettre à l'œuvre quand une eau tarit, pour la remplacer par une autre.

Cette eau céleste dont je parle tombe souvent quand le jardinier y pense le moins. Dans les commencements, il est vrai, c'est presque toujours à la suite d'une longue oraison mentale. Dieu se plaît d'abord à faire monter l'âme vers lui de degré eu degré; ensuite il prend cette petite colombe, et la met dans le nid, afin qu’elle s’y repose. L’ayant vue longtemps soutenir son vol, travaillant de toutes les forces de l’entendement et de la volonté à chercher son Dieu et à lui plaire, il veut lui donner sa récompense! Un seul instant de ce repos divin suffit pour la payer de tous les travaux qu’elle peut endurer ici-bas.

Tandis qu’elle cherche ainsi son Dieu, l’âme se sent, avec un très vif et très suave plaisir, défaillir presque tout entière; elle tombe dans un espèce d’évanouissement, qui peu à peu, enlève au corps la respiration et toutes les forces. Elle ne peut, sans un très pénible effort, faire même le moindre mouvement des mains. Les yeux se ferment, sans qu'elle veuille les fermer; et si elle les tient ouverts, elle ne voit presque rien. Elle est incapable de lire, en eut-elle le désir; elle aperçoit bien des lettres, mais comme l'esprit n'agit pas, elle ne peut ni les distinguer ni les assembler Quand on lui parle, elle entend le son de la voix mais elle ne comprend pas ce qu'elle entend…
Quelque temps que dure cette oraison, jamais elle ne nuit à la santé...
A la vérité, si j’en juge pas mon expérience, cette oraison est dans les commencements de si courte durée, qu'elle ne se révèle pas d'une manière aussi manifeste par les marques extérieures et par la suspension des sens; mais par l'abondance des grâces dont elle enrichit, on voit évidemment que le feu du soleil qui a éclairé l'âme a dû être bien ardent, puisqu'il l'a ainsi liquéfiée...

Venons maintenant aux sentiments intérieurs de l'âme dans cet état...Sortant de cette oraison, et me préparant, après avoir communié, à écrire sur ce sujet, je cherchais dans ma pensée ce que l'âme pouvait faire pendant ce temps. Notre Seigneur me dit ces paroles: « Elle se perd tout entière, ma fille, pour entrer plus intimement en moi; ce n'est plus elle qui vit, c'est moi qui vis en elle. Comme elle ne peut comprendre ce qu'elle entend, c'est ne pas entendre, tout en entendant. »


Ceux que Dieu a élevés à cet état auront quelque intelligence de ce langage; ce qui se passe alors est si caché, qu'on ne saurait en parler plus clairement. J'ajouterai seulement ceci: l'âme se voit alors près de Dieu, et il lui en reste une certitude si ferme, qu'elle ne peut concevoir le moindre doute sur la vérité d'une telle faveur…
Il y a ici une remarque à faire, et une vérité dont on doit se pénétrer: c'est que cette eau du ciel, cette faveur insigne de Dieu, laisse toujours dans l'âme de très grandes richesses spirituelles, ainsi que je vais le dire.


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