Leur histoire et leurs pèlerinages en 1873
Chapitre 33
SAINT-MAUR
TOMBEAU DU PATRON DE LA PAROISSE.

Maur était issu d'une famille patricienne de Rome. Né en 512, il fut le disciple chéri de saint Benoit et vint dans les Gaules pour y établir la règle monastique de son illustre maitre.
C'est dans ce but qu'il fonda, vers 543, l'abbaye de Glanfeuil en Anjou, sur les bords de la Loire, et communément nommée, à cause de cela, Saint-Maur-sur-Loire.
Il y mourut le 15 janvier 584.
Son corps fut inhumé dans l’une des quatre églises du monastère et y reposa l'espace d'environ 260 ans. En 845, Gauzelin, abbé de Glanfeuil, en fit l'exhumation avec une grande magnificence et le transféra dans une nouvelle église, plus convenable, qu’il avait fait bâtir pour y placer le précieux dépôt; mais les Normands, après avoir sillonné l'océan atlantique, ayant pénétré en France par l'embouchure de la Loire et pillé Nantes en 843, ne permirent point aux religieux de Glanfeuil d'y laisser les saintes dépouilles de leur fondateur. Ce trésor était pour eux d'un prix incomparable : aussi, fuyant le flot envahissant des barbares, quittèrent-ils Glanfeuil en toute hâte. Ils se retirèrent d'abord à Saint-Savin de Poitiers, puis à Saint-Martin d'Autun, et enfin à l'abbaye de Baume-les-Messieurs (864), emportant toujours avec eux les reliques de saint Maur.
Atton, Audon, Odon ou Eudes, comte du Scodingue ou de la Bourgogne supérieure, et père de saint Bernon, restaurateur de Baume et fondateur de Cluny, leur donna au sud-est de Lons-le-Saunier un lieu désert dont la position leur permettait de découvrir l’approche des barbares jusqu'à la Saône et de se retirer au besoin dans des endroits inaccessibles de la haute montagne.

Les religieux construisirent, au centre de ce domaine, un monastère et une église dans laquelle ils placèrent le corps de leur vénéré patron. Les prodiges qui s'y opérèrent par l'intercession de saint Maur, ne tardèrent pas à attirer d'innombrables pèlerins et à donner naissance à un village.
Telle fut l'origine de la commune de Saint-Maur.
Le prieuré et l'église furent donnés à l'abbaye de Baume, et la possession lui en fut confirmée en 1133, par une charte d'Anséric de Montréal, cinquante cinquième archevêque de Besançon.
Ces faits sont attestés par plusieurs écrivains dont la véracité ne saurait être mise en doute. Citons en premier lieu la Translation des reliques de Saint Maur, écrite par un moine nommé Odon ou Eudes, qui fut témoin de l'événement jusque dans ses moindres détails. Le récit de ce religieux a été édité par dom Jacques du Breul, bénédictin de Saint-Germain-des-Prés, mort à Paris en 1614. Le P. Héribert Rosweide l'a collationné avec un manuscrit de Raucloistre (Rubea Vallis), abbaye fondée dans l'archidiocèse de Malines en 1371. Citons également la Chronique de Raoul Glabert, moine de Cluny au XIe siècle, — Sigebert de Gemblours, mort en 1112, — Trithème, chroniqueur allemand, mort en 1516, — dom Nicolas-Hugues Menard, dans son Martyrologe des saints -de l'Ordre de Saint-Benoit (1629, in-8°), Francois-Ignace Dunod de Charnage, mort en 1151 à Besançon, sa patrie, et auteur d'une précieuse Histoire des Séquanois ou Mémoire du Comte de Bourgogne (3 vol. in-4°, 1735-1740).
Or, à cette époque, c'était la coutume des Bénédictins de laisser, comme un gage de reconnaissance, quelques reliques dans les lieux qu'ils traversaient. « C'est par suite de transmigrations semblables, que nous possédons, par exemple, dans le diocèse [de Saint-Claude], à Gigny, les restes de saint Taurin; il parait constant d'ailleurs que c'est même aux moines de Glanfeuil qui, suivant l'expression de Glaber, portaient avec eux leurs objets sacrés (sacram supellectilem), que nous devons des reliques de saint Savin, près de Poligny, et de saint Renobert à Bellefontaine.