150 ans du Carmel de Lons-le-Saunier/Saint-Maur,
14 Septembre 2013
Homélie de Mgr Vincent Jordy
Mes sœurs, chers amis,
En cette fête de la Croix Glorieuse, nous avons la
joie de célébrer les 150 ans de ce monastère du Carmel. Par cette célébration,
nous voulons tout à la fois rendre grâce pour l’œuvre passée, la fidélité de
Dieu et la fidélité des sœurs, nombreuses, qui depuis la fondation ont vécu et
prié dans ce Carmel, nous voulons nous réjouir des fruits que vous portez
aujourd’hui et nous voulons aussi renouveler notre espérance pour les temps qui
viennent, le futur.
1-
Avant toutes choses, nous voulons rendre
grâce à Dieu pour le chemin parcouru.
Il est important de le rappeler, le passé, les
racines, la mémoire, sont constitutives de la tradition du Carmel dont vous
vivez.
Le Carmel est né en Orient il y a près de huit
siècles, quand des hommes ont voulu vivre le mystère de la solitude et de
l’écoute de la Parole de Dieu sur le mont Carmel, dans le sillage du prophète
Elie. A la force et à la radicalité du prophète, les premiers carmes vont unir
le mystère de la douceur de la mère de Dieu, la Vierge Marie, comme modèle de
celle qui écoute la Parole, l’a accueillie dans son sein afin de produire du
fruit et de collaborer ainsi à l’œuvre du salut.
Ce mystère du Carmel, fondé sur Elie et sur Marie,
va traverser la Méditerranée dès le XIIème siècle et se déployer en Occident
avant de se féminiser au XVème siècle et d’être réformé en profondeur un siècle
plus tard par Thérèse d’Avila, pour revenir à l’intuition fondamentale du
silence et de la solitude pour s’unir à Dieu dans l’amour et produire un fruit
apostolique.
C’est ce mystère du Carmel que vous portez, mes
sœurs, dans ce monastère. Vous êtes ici parce que vous avez, certainement de
bien des manières, selon votre origine, votre histoire, perçu l’appel de Dieu à
venir sur cette terre du Carmel pour y chercher et y vivre l’union au Christ.
Cette union au Christ, dans l’amour, est un chemin
balisé par les maîtres du Carmel, comme votre père saint Jean de la Croix qui
nous éclaire à travers les siècles. Il vous invite à suivre l’amour crucifié,
livré pour nous ; il vous invite à vous laisser dépouiller à sa suite, à
vous laisser aimer pour porter du fruit.
2-
En ce sens, si nous rendons grâce pour le
passé, la fidélité à la tradition du Carmel dans ce monastère et de ces maîtres
spirituels, nous nous réjouissons de ce que vous apportez aujourd’hui à
l’Eglise et au monde.
En effet, le Cardinal Jean Daniélou écrivait dans
un livre que chaque chrétien devrait pouvoir lire ou relire : « Il
est certain que l’athéisme provient en partie de la difficulté à trouver Dieu
dans le monde actuel. Les hommes étaient habitués à trouver Dieu à travers le
monde de la nature. Le monde technique leur bouche le chemin vers Dieu. »
Que dirait-il aujourd’hui ?
Et le Père Henri de Lubac écrivait, dans « Le
drame de l’humanisme athée » que « ce mystère de l’homme coupé de
ses sources et qui ne se comprend plus » est le cœur du mystère du
drame de l’Occident.
Il est vrai que nombre de nos contemporains
aujourd’hui - nous en connaissons certainement - ici, en Occident,
expérimentent un mode de vie qui ne les satisfait pas ou plus. Ils éprouvent
surtout un manque, un mal-être : faut-il rappeler qu’un pays comme le
nôtre, où nous avons tout de même un niveau de vie très satisfaisant, a aussi
le malheureux privilège d’être le champion du monde de l’utilisation
d’anti-dépresseurs, d’anxiolytiques, et du nombre de personnes tentées de
mettre fin à leurs jours ? Cela traduit bien le mal-être de l’homme.
« L’homme passe infiniment l’homme »,
disait Pascal. Encore faut-il rappeler à l’homme qu’il a une dimension
éternelle, encore faut-il lui rappeler qu’il a une dimension infinie qui a
besoin d’être éclairée, nourrie, aidée, enrichie. Encore faut-il alors des
lieux où cet infini, ce mystère du Dieu créateur et sauveur soit honoré,
rappelé, mis en lumière comme une lanterne dans la nuit.