Carmel de Saint Maur 24ème dimanche A.
Homélie Père Maurice BOISSON
Si 27,30-28,7; Rm 14,7-9; Mt18,21-35.
La question de Pierre à Jésus est de taille! C'est le cas de le dire. Elle termine les recommandations de Jésus sur la vie fraternelle des communautés chrétiennes entendues ces derniers dimanches. Cette question de Pierre, nous aurions pu la poser et nous nous la posons sans doute : "Lorsque mon frère - ou ma soeur- commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner? Jusqu'à 7 fois?". 7 était le chiffre parfait : ça veut dire toujours, toujours pardonner!... C'est un exploit ou une faiblesse! On n'arrive même pas à pardonner une fois!
La réponse de Jésus est aussi de taille! Il en rajoute! "Non seulement 7 fois, mais 70 fois 7 fois!" : à l'infini, toujours, sans limite.
Ça nous laisse rêveurs, impuissants, peut-être même agacés. Est-il vraiment possible de pardonner indéfiniment? Surtout que Pierre laisse entendre qu'il s'agit du pardon donné toujours au même frère - ou à la même soeur - qui recommence tout le temps à faire du mal. Pardonner 1 fois, 2 fois, ça passe, mais on est en droit d'attendre qu'il -ou elle- ne continue pas; Pardonner après plusieurs récidives, est-ce favorable à un changement d'attitude? "Il va me pardonner, allons, continuons!". Ces situations sont compliquées, difficiles, elles touchent le cœur des relations, elles atteignent le plus profond de nous-mêmes. Pardon difficile? Pardon impossible? Pardon superficiel pour avoir la paix? "Je te pardonne mais ça ne changera rien dans notre relation", ou bien, c'est la dernière ligne de l'Evangile : "Je te pardonne du fond du cœur et ça change pour l'un et l'autre".
"Mon Père vous traitera comme ce monsieur à qui son maître avait épongé une dette énorme mais ce monsieur a refusé de remettre une dette de rien du tout à un collègue. Ayant appris cela, le maître qui avait épongé la dette lui a demmandé de s'acquitter de ce qu'il devait. Le temps de sa vie n'a pas suffit pour rembourser". "Le Père vous traitera pareil si chacun de vous ne pardonne pas à son frère... du fond du cœur", en vérité , c'est-à-dire en ôtant jusqu'à la racine qui provoque le mal. C'est ce "fond du cœur" qui est difficile. C'est autre chose que de dire, à la sauvette et du bout des lèvres : "Je te pardonne !". Il s'agit non seulement d'une parole mais d'un engagement profond de notre être. Pardonner en vérité est difficile : car on n'est pas tout seul dans la relation. L'autre doit aussi reconnaître le mal qu'il -ou qu'elle- a fait, parfois réparer les torts causés, c'est justice, et avoir une volonté de changer. C'est ce que Dieu nous demande quand nous implorons son pardon : prendre conscience de notre faute, quand nous nous reconnaissons pécheurs « exprimer notre désir de revenir" : "Oui je me lèverai, j'irai vers mon Père". "J'ai péché contre toi, je reviens, fais de moi, ce que tu veux et ce que je mérite". On connaît la suite, la joie de la réconciliation en vérité. Le pardon n'est pas l'oubli de ce qui peut laisser des traces indélébiles...
Jésus répond à Pierre : "Pardonne jusqu'à 70 fois 7 fois" : toujours, à l'infini... parce que Dieu fait ainsi pour nous, il ne fait que de nous pardonner et de nous aimer. Pendant la messe nous demandons le pardon une douzaine de fois : tout pardon porte en lui-même un appel à une conversion, c'est inséparable, ce n'est pas un acte comme celui d'un coup d'éponge sur la table, nous ne sommes pas comme une toile cirée...
L'acte de pardonner et d'être pardonné est comme l'itinéraire du fils parti, revenu et accueilli : c'est un chemin à faire qui prend du temps, si on fait le chemin on est en chemin... La 1ère lecture nous donne quelques balises : éviter la rancune, la colère, la vengeance car c'est un chemin sans issue qui nous mène dans le mur. Laissons-nous guider par les paroles du Psaume de ce jour: "Dieu n'agit pas envers nous selon nos fautes, il ne nous rend pas selon nos offenses".
Oui, Seigneur, "toi, tu es tendresse et pitié, lent à la colère et plein d'Amour". Guide nous, Seigneur, sur les chemins difficiles du pardon, pour pouvoir dire comme tu nous dis : "Je t'aime, quand même!".
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