Carmel de Saint Maur - Père Marc Baudot
Homélie pour le mercredi des cendres (Matthieu 6,1-6,16-18) mercredi 14 février 2024
Il nous est bon (ce soir) de nous rappeler les origines et le sens du carême. Au commencement de l’Église, cette période de 40 jours était réservée aux catéchumènes adultes qui allaient être baptisés dans la nuit de Pâques. Mais, dès le 4ème siècle, tous les baptisés vont être invités à s'associer aux catéchumènes dans une attitude de renouvellement de leur vie baptismale. Être baptisé, c’est être plongé dans la victoire du Christ sur la mort, c’est partager sa résurrection.
Pendant des siècles on a oublié que le carême était un chemin vers Pâques. Il a été réduit à un temps de pénitence durant lequel on insistait surtout sur des aspects moralisants. Aujourd’hui, vivre les 40 jours du carême, c’est suivre le Christ au plus près, c'est redécouvrir qu’au cœur de la foi chrétienne, il y a la mort et la résurrection de Jésus. C’est redécouvrir qu’être baptisé c'est entrer dans l’histoire d’un peuple, c’est rejoindre la longue marche du peuple de l’Alliance.
L’évènement qui a fondé le peuple d’Israël, c’est l’Exode. Le peuple a traversé à pied sec la Mer Rouge, mais avant d’entrer dans la terre promise, il a dû affronter le désert. De la terre d'esclavage - l’Égypte - jusqu’à la terre promise, le chemin a été long. Quarante ans ! C’était le temps d’une génération.
Le
chemin s’inscrit entre deux traversées des eaux : la Mer Rouge au départ, et le
Jourdain à l'arrivée. L’eau du Baptême au départ de la vie chrétienne et
l'eau qui bénit le corps au moment de sa mort, au moment du grand passage.
Entre les deux, c’est une longue marche, c’est notre vie.
Le peuple d’Israël a souvent entendu et médité cette Parole de Dieu : ‘’
L’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche
de Dieu ‘’. Et aussi : ‘’ Ô mon peuple, je t’en supplie, choisi la vie
! ‘’
Pendant ces 40 jours, nous sommes invités à nous poser cette question : de quoi avons-nous vraiment faim ? Qu’est-ce qui nous nourrit vraiment ? Autrement dit : que vivons-nous, qu’espérons-nous, que bâtissons-nous ? Mais d'abord, nous dit l'apôtre Paul, ’’ Laissez-vous réconcilier avec Dieu ‘’, avec le vrai visage de Dieu que Jésus nous a révélé. Laissez-vous aimer, laissez la vie vous envahir, vous traverser et vous transformer.
Sous les trois termes : aumône, prière et jeûne, c’est en fait l’ensemble de notre vie humaine qui se trouve ainsi récapitulée. ‘’L’aumône’’, le partage, recouvre l'ensemble de notre relation aux autres. Cette relation est fondamentale, car ‘’ Dieu, nous ne le voyons pas ‘’ et le prochain est donc pour nous sa manifestation : ‘’ ce que vous faites au plus petit d’entre vos frères, c’est à moi que vous le faites ’’ nous dit le Christ.
Sous le mot "prière", il faut entendre notre relation à Dieu. Prendre du temps pour lui dire notre bonheur d'être ses enfants bien-aimés. Lui confier notre vie, la vie de ceux qui nous sont chers, la vie tourmentée de notre monde.
Enfin, par le "jeûne", c’est bien sûr notre relation à la nature, aux biens qu’elle procure, à la consommation, qui est envisagée. Redécouvrir la modération, la frugalité. Que personne ne s’approprie plus de biens que ceux dont il a besoin ! Le jeûne que je préfère, dit Dieu, n’est-ce pas ceci : « libérer les hommes injustement enchainés, les délivrer des contraintes qui pèsent sur eux, rendre la liberté aux opprimés, supprimer tout ce qui les tient esclaves. C’est partager ton pain avec celui qui a faim. » Voilà le carême que préfère notre Dieu.
Il y a d’autres formes de jeûne qui pourraient tout autant nous faire grandir pendant ces 40 jours, et qui me viennent à l’esprit. Le jeûne de la langue, en choisissant de faire attention aux paroles que nous disons avec ou sans intention de blesser, mais qui font mal... Le jeûne des yeux en portant un regard de soutien et non de mépris ou d’indifférence... Le jeûne des oreilles, en choisissant d'écouter vraiment ce que les autres nous disent, en cherchant à comprendre leurs mots avec le sens qu'ils leur donnent et non avec le sens que nous, nous leur donnons... Le jeûne de la main, en choisissant de la tendre en geste d’ouverture, de l’ouvrir en geste de partage, de la creuser en geste d’accueil... Le jeûne du cœur, en choisissant de considérer l’autre comme quelqu’un de bien. Vous avez probablement d’autres idées de jeûnes...
Un dernier mot : Le rite des cendres va nous rappeler que nous sommes poussière, terre ; mais si nous nous laissons modeler par les mains de Dieu, nous devenons une merveille !
Nous sommes poussières dans l’univers, mais nous sommes la poussière aimée de Dieu ! Une poussière précieuse, destinée à vivre pour toujours !
Laissons-nous aimer pour aimer à notre tour ! Bon carême à toutes et à tous !
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