dimanche 1 avril 2012

THérèse d'Avila, Fondations 4, extraits

Thérèse d'Avila

Livre des Fondations, 4
(traduction Marcelle Auclair), extraits


Avec l'Ordre du Carmel qui se prépare au V° centenaire de la naissance de Sainte Thérèse de Jésus (d'Avila), nous vous proposons une découverte du Livre des Fondations.

Où l'on traite de quelques grâces que le Seigneur accorde aux religieuses de ces monastères, et où on indique aux Prieures quelle doit être leur attitude à leur égard.

1 Je ne sais si le Seigneur m'accordera temps et vie; aussi, comme je dispose en ce moment d'un peu de l'un et de l'autre, je crois devoir, avant de poursuivre, donner aux supérieures quelques avis qui les aideront à comprendre et guider leurs filles pour le plus grand profit de leur âme…

2 … Les âmes ne doivent pas craindre d'être abusées, comme je l'ai dit dans plusieurs petites choses écrites pour les soeurs; jamais le Seigneur ne laisse au démon la liberté de nous tromper au point de nuire à notre âme, tant que notre conscience reste pure et que nous vivons dans l'obéissance; c'est plutôt lui qui est dupé. Dès qu'il l'a compris, il nous fait moins de mal que nous en font nos méchantes humeurs et notre imagination, en particulier lorsqu'il s'agit de caractères mélancoliques; car les femmes sont naturellement faibles, et l'amour-propre qui règne en nous est subtil…

3 Du fait même de nos péchés, les choses de l'oraison et de la perfection sont tellement oubliées en ce monde que je dois m'expliquer: étant donné que ceux qui craignent de s'engager dans cette voie sans en connaître les périls sont nombreux, que serait-ce si nous en montrions quelques-uns? …

4 Quoi, Seigneur! C'est vous qui nous délivrez souvent du danger auquel nous nous exposons, même si nous agissons contre vous! Comment, alors, pourrait-on admettre que vous pourriez ne pas nous sauver lorsque nous ne cherchons qu'à vous contenter et à nous délecter en vous? Jamais je ne le croirai. Il se peut que le jugement secret de Dieu autorise certaines choses qui de toutes façons devaient arriver: mais jamais le bien n'a causé le malQue cela nous incite à avancer courageusement sur les durs chemins qui conduisent aux sommets de la vie, et non pas à avoir peur d'y cheminer: car à la fin des fins, si nous restons humbles, avec l'aide de la miséricorde de Dieu nous atteindrons cette ville de Jérusalem où nos souffrances nous sembleront peu de chose, des bagatelles, comparées à nos joies.

5 Donc ces colombiers de la Vierge Notre-Dame commençaient à se peuples; la Divine Majesté témoigna de ses grandeurs en ces femmelettes faibles, mais fortes du désir de se délier de toutes choses créées… Que celles qui nous succéderont et qui liront ceci soient sur leurs gardes, qu'elles n'accusent pas les temps si elles ne voient pas tout ce que nous voyons: à Dieu, tous les temps sont bons pour accorder ses grâces à quiconque le sert sincèrement; qu'elles cherchent plutôt à découvrir si elles ont failli en cela, et qu'elles y remédient.

6 J'entends parfois dire qu'à l'origine des ordres religieux, Dieu accordait de plus grandes grâces à nos saints précurseurs, fondements de l'édifice, qu'il ne nous en accorde aujourd'hui; cela est vrai. Mais nous devrions comprendre que nous sommes nous-mêmes fondements pour tous ceux qui viendront après nous. Si nous, qui vivons aujourd'hui, ne déméritons pas de nos prédécesseurs, si ceux qui nous succéderont font de même, l'édifice restera solide. A quoi me sert que les saints du passé aient été ce qu'ils furent si de par ma bassesse les mauvaises habitudes ravagent l'édifice? C'est clair: les nouveaux venus s'occupent moins de ceux qui ont vécu il y a de longues années que de ceux qu'ils voient vivre. Plaisante chose que de regretter de n'avoir pas été parmi les premières, sans considérer la différence qu'il y a entre ma vie, mes vertus, et les mérites de ceux à qui Dieu accordait de si grandes faveurs!

7 Ô Dieu! Que d'excuses tortueuses, de duperies manifestes! …Nulle d'entre nous n'a raison de se plaindre; mais que celle qui verrait déchoir son Ordre s'efforce d'être la pierre angulaire sur laquelle on reconstruira l'édifice, et le Seigneur l'y aidera…

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