Ste
Thérèse d’Avila -
Carmel de Saint- Maur
Homélie du Père Michel Martin
Il
n’est pas si fréquent que les trois textes bibliques de la
liturgie aient une si belle cohérence.
Il
y a d’abord le lien de la prière :
J’ai
prié et l’esprit de la Sagesse est venu en moi.
L’Esprit
vient au secours de notre faiblesse, car ne nous savons pas prier
comme il faut.
Seigneur,
je t’en prie, donne-la-moi, cette eau vive, que je n’aie plus
soif.
Il
y a ensuite le lien du don :
Don
de la Sagesse :
J’ai prié et l’intelligence m’a été donnée.
Don
de l’Esprit :
L’Esprit qui vous été donné ne fait pas de vous des esclaves
mais des fils.Don de l’eau vive : Donne-moi à boire…Si tu savais le don de Dieu.
Le
Livre de la Sagesse est écrit quelques dizaines d’années avant
Jésus-Christ.
La
Lettre aux Romains est écrite au milieu du premier siècle.L’Evangile de Jean est écrit à la fin du premier siècle.
Dans
des contextes différents et semblables à la fois : la capitale
intellectuelle d’Alexandrie, la ville impériale de Rome, la
métropole d’Ephèse au confluent des grands courants
philosophiques et religieux…
Voici,
à trois étapes de la Révélation, trois remarquables textes,
témoins de l’intelligence croyante, reliant ces deux grands
ensembles littéraires que l’on appelle aujourd’hui l’Ancien et
le Nouveau Testament.A trois époques différentes séparées seulement de quelques décennies, dans trois contextes différents, il s’agit de la même question, du même effort pour pénétrer un peu plus, un peu mieux, le même mystère fondamental : la relation entre les hommes et Dieu.
La
Sagesse,
notion grecque qui désigne le moyen de la connaissance, est
interprétée dans la foi juive comme un autre nom de la Révélation
divine. La Sagesse créatrice dévoile la volonté et les intentions
de Dieu. Elle prolonge la vie de Dieu et elle est associée à toutes
ses œuvres.
Des
justes en qui elle demeure, la Sagesse fait les
amis de Dieu.
La
Lettre aux Romains,
c’est l’Evangile de Paul, lui qui a été saisi par le Christ et
a été envoyé pour annoncer la Bonne Nouvelles aux nations. Et à
Rome, le voilà bien au carrefour des nations. Il proclame que
l’Esprit reçu introduit ceux qui le reçoivent dans l’intimité
filiale de Jésus et de son Père. L’Esprit fait les
fils et les héritiers de Dieu.
L’Evangile
de Jean
est à la croisée de l’hellénisme [la
connaissance et la vérité, le logos]
de la tradition juive [le
symbolisme biblique de l’eau, de la nourriture céleste, de la
vigne, du temple]
et du gnosticisme [le
salut par la connaissance et l’aversion pour la réalité
charnelle].
Le don de l’eau vive fait les
christs de Dieu.
Que
font-ils ces trois auteurs bibliques, au long d’un siècle de
confrontation et de dialogue entre la raison et la foi ?
Eh
bien, ils travaillent, ils réfléchissent, ils méditent, ils
échangent, ils écrivent…pour annoncer l’Evangile et proposer la
foi dans la société de leur temps, « leur société
actuelle ».
Je
ne connais pas suffisamment Thérèse de Jésus, mais je sais quand
même qu’elle vit au 16° siècle, et quel siècle :
Renaissance, Réforme protestante, Concile de Trente… Je sais aussi
qu’elle finit par dire : « Que
rien ne te trouble,
Que
rien ne t'effraie ;
Tout
passe,
Dieu
ne change pas,
La
patience obtient tout ;
Celui
qui a Dieu ne manque de rien.
Dieu
seul suffit. »
Ce n’est pas pour rien qu’elle est la première femme à avoir
été déclarée Docteur de l’Eglise et il n’est pas étonnant
que les trois textes bibliques de sa fête soient si magnifiquement
bien choisis.
Etre
les amis de Dieu, dit la Sagesse.
Préférer
la Sagesse aux trônes et aux sceptres, à la richesse même, aux
pierres précieuses, et même à tout l’or du monde qui n’est
alors qu’un peu de sable. Préférer la Sagesse à l’argent que
l’on regarde alors comme de la boue. Aimer la Sagesse plus que la
santé et la beauté, et même que la lumière, parce que la clarté
de la Sagesse, elle, ne s’éteint pas.
N’est-ce
pas ainsi que l’on devient des christs, comme le dit aux nouveaux
baptisés Saint Cyrille de Jérusalem ? N’est-ce pas cela
devenir chrétien ?
Etre
fils et héritiers de Dieu, dit St Paul.
Ne
plus avoir peur et se laisser conduire par l’Esprit, se laisser
pousser par lui jusqu’à crier vers le Père en l’appelant
« Abba ! ». Devenir héritier et accepter l’héritage
du Royaume, de la vie éternelle. Assumer le passif et l’actif,
vivre la Pâque avec le Crucifié-Ressuscité, souffrir avec lui pour
être avec lui dans la gloire.
N’est-ce
pas ainsi que l’on devient, petit à petit, des christs, comme le
dit Saint Cyrille aux nouveaux baptisés ? N’est-ce pas cela
devenir chrétien ?
Etre
plongé dans l’eau vive, dit St Jean.
Renaître
dans la source jaillissante pour la vie éternelle.Boire l’eau vive de l’expérience spirituelle pour y trouver le Dieu que l’on recherche.
Ne plus avoir soif et ne plus devoir puiser dans le puits profond de Jacob.
N’est-ce
pas ainsi que l’on devient, petit à petit, des christs ? N’est-ce
pas cela devenir chrétien ?
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