vendredi 23 mars 2012

Thérèse d'Avila, Fondations 2, extraits

Thérèse d'Avila
Livre des Fondations, 2 
(traduction Marcelle Auclair), extraits
Avec l'Ordre du Carmel qui se prépare au V° centenaire de la naissance de Sainte Thérèse de Jésus (d'Avila), nous vous proposons une découverte du Livre des Fondations.


CHAPITRE II

Comment notre Père Général vint à Avila, et ce qui s'ensuivit.


1 Les Généraux de notre Ordre résident à Rome, jamais aucun d'eux n'était venu en Espagne, une visite semblait donc impossible. Mais rien n'est impossible à Notre-Seigneur pour l'accomplissement de ses desseins…Je redoutais deux choses: l'une, que le Général ne me fît des reproches… l'autre, qu'il me donnât l'ordre de retourner au monastère de l'Incarnation, de la Règle mitigée, ce qui aurait fait mon désespoir...Notre-Seigneur fit mieux que je n'eusse pu le penser, car le Général le sert avec tant de sagesse, il est si prudent et si docte qu'il tint l'œuvre pour bonne et ne me manifesta aucun mécontentement. Il se nomme Fr. Jean-Baptiste Rubeo de Revena…

2 Lorsqu'il vint à Avila, je m'efforçai d'obtenir qu'il vînt à Saint Joseph… Je lui rendis compte simplement et sincèrement de ce qui s'était passé… Je lui dévoilai mon âme et lui fis en partie le récit de ma vie, bien qu'elle soit fort misérable. Il me réconforta beaucoup et m'assura qu'il ne m'ordonnerait pas de quitter ce monastère.

3 Notre manière de vivre le réjouit, il y vit le portrait - imparfait cependant, - de ce qu'était notre Ordre à son origine, car nous observions dans toute sa rigueur la première Règle que ne suivent plus les autres monastères, soumis à la Règle mitigée. Dans son désir de voir ces débuts beaucoup se développer il me donna des patentes très en règle pour fonder d'autres monastères, et des garanties telles qu'aucun Provincial ne pourrait y faire obstacle. Je ne les lui demandai point, mais il comprit d'après ma manière d'oraison que mon désir était grand de servir à rapprocher de Dieu quelques âmes.

4 … lorsque je vis le grand désir qu'avait notre Révérend Père Général qu'on fondât de nouveaux monastères, je crus déjà les voir faits. Je me rappelai ce que Notre-Seigneur m'avait dit, et je vis déjà s'ébaucher ce qu'alors je n'avais pas compris… L'Évêque (Don Alvaro de Mendoza), insista pour obtenir de lui, avant son départ, la permission de fonder dans son évêché quelques monastères de moines déchaux de la première Règle…Il eût bien voulu le faire, mais il trouva des oppositions dans l'Ordre même; il abandonna ce projet momentanément, pour ne pas troubler la Province.

5 Quelques jours plus tard, je considérai combien il était nécessaire, si nous fondions des monastères de religieuses, qu'il y eût des religieux soumis à la même Règle… remettant tout dans les mains de Notre-Seigneur, j'écrivis à notre Père Général une lettre pour le supplier de toutes mes forces, lui donnant les raisons pour lesquelles ce serait grandement servir Dieu; les inconvénients n'étaient pas tels qu'ils dussent empêcher une œuvre aussi bonne; je mis en avant le service de Notre-Dame, envers qui il avait une grande dévotion. C'est elle sans doute qui négocia; cette lettre lui parvint à Valence, et de là même il m'envoya l'autorisation de fonder deux monastères, dans son désir de voir l'Ordre croître en perfection…


6 Cette autorisation me réconforta, mon souci pourtant ne fit que grandir; il n'y avait pas à ma connaissance dans toute la Province de religieux capable de mettre le projet à exécution, ni de séculier qui puisse en prendre l'initiative. Sans cesse je suppliais Notre-Seigneur d'éveiller quelqu'un, ne fût-ce qu'une personne. Je n'avais pas non plus de maison, ni le moyen d'en avoir. Voilà donc une pauvre religieuse déchaussée, sans nulle autre aide au monde que l'aide du Seigneur, chargée de patentes et de bons désirs, mais sans possibilité d'agir. Ni le courage ni l'espérance ne flanchaient, car le Seigneur qui avait donné ceci donnerait cela. Tout me semblait possible, et je me mis à l'ouvrage.

7 Ô grandeur de Dieu! Comme vous montrez votre puissance en donnant de l'audace à une fourmi! Lorsque ceux qui vous aiment, Seigneur, ne font pas de grandes actions, n'accusons que notre lâcheté et pusillanimité!Qui donc plus que vous aime à donner à condition que quelqu'un veuille recevoir, qui paie mieux les services rendus? …

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