jeudi 13 septembre 2012

Thérèse d'Avila

Fondations, 21 (traduction Marcelle Auclair), extraits


Avec l'Ordre du Carmel qui se prépare au V° centenaire de la naissance de Sainte Thérèse de Jésus (d'Avila), nous vous proposons une découverte du Livre des Fondations

De la fondation du glorieux Saint-Joseph du Carmel de Ségovie qui fuit fondé pour la fête même de saint Joseph en l'année 1574.

1 J'ai dit comment, après la fondation des monastères de Salamanque et d'Alba et avant que celui de Salamanque ait sa maison propre, le P. Maître Pierre Fernandez, alors commissaire apostolique, m'avait donné l'ordre de me rendre pour trois ans à l'Incarnation d'Avila; il vit l'embarras où se trouvait la communauté de Salamanque, et il m'envoya les installer dans une maison à elles. Un jour, en oraison, le Seigneur me fit dire d'aller fonder à Ségovie. Cela me parut impossible, je ne pouvais partir sans ordres, j'avais compris que le commissaire apostolique, le Maître Fr. Pierre Fernandez, n'avait pas envie qu'on fît de nouvelles fondations; et je voyais que tant que les trois ans que je devais passer à l'Incarnation ne seraient pas écoulés, il avait bien raison. Telles étaient mes réflexions, lorsque le Seigneur me dit d'en parler, et qu'il agirait.

2 Le commissaire apostolique était alors à Salamanque, je lui écrivis qu'il savait comme moi que j'avais ordre de notre Révérendissime Père Général de ne jamais négliger de fonder un monastère lorsque j'en verrais l'opportunité. Un de ces monastères étant agréé par Ségovie, tant par la ville que par l'Évêque, je le fonderais si Sa Paternité me l'ordonnait, je ne lui en parlais que pour être en règle avec ma conscience et je serais tranquille et contente, quoi qu'il me commandât. Telles furent mes paroles, à peu de chose près, et j'ajoutai que cela serait utile au service de Dieu. Sa Majesté le voulait bien sans doute, car il me dit immédiatement de le fonder, et me donna son autorisation…

3 II y avait à Ségovie une dame nommée Dona Ana de Jimena, veuve du possesseur d'un majorat. Elle avait été me voir à Avila; grande servante de Dieu, elle avait toujours été appelée à la vie religieuse…

4 Cette bienheureuse dame nous procura la maison et tout ce qui lui sembla nécessaire tant pour l'église que pour nous, je n'eus donc à cet égard que peu de difficultés. Mais afin que nulle fondation n'en soit exempte, en sus d'arriver à Ségovie avec une grosse fièvre, des dégoûts et maux intérieurs faits d'une très grande sécheresse et obscurité de l'âme, ainsi que des maux corporels de toute sorte dont la crise aiguë dura bien trois mois, je fus tout le temps malade pendant les six mois que j’y passai.

5 Nous posâmes le Très Saint-Sacrement le jour de Saint Joseph; bien que nous ayons l'autorisation de l'Évêque et celle de la ville, je n'avais voulu entrer que la veille, secrètement et de nuit. Il y avait longtemps que l'autorisation avait été accordée, mais comme j'étais alors à l'Incarnation, où je dépendais d'un autre supérieur que du supérieur général notre Père, je n'avais pu faire cette fondation; l'Évêque n'avait donné l'autorisation que verbalement à un gentilhomme nommé André de Jimena qui s'en occupa pour nous; il ne fut pas inquiet de ne pas l'avoir par écrit, je ne pensais pas non plus que cela importât; je me trompais, car lorsque le Proviseur apprit que le monastère était fait, il vint, très en colère, nous interdire de dire la messe. Il voulait même faire mettre en prison celui qui l'avait dite, un frère déchaux qui accompagnait le P. Julien d'Avila et un autre serviteur de Dieu nommé Antoine Gaytan…

7 Mes filles, vous qui lirez ces fondations, il est bon que vous sachiez ce que nous leur devons; sans y avoir aucun intérêt, ils se sont donné beaucoup de mal pour ces monastères dans lesquels vous êtes heureuses de vivre. Recommandez-les à Notre-Seigneur, qu'ils tirent quelque profit de vos prières; si vous saviez ce qu'ils ont souffert, les mauvaises nuits, les mauvais jours, la fatigue des voyages, vous le feriez de grand cœur.

8 Le Proviseur ne voulut pas quitter notre église sans laisser un alguazil à la porte, j'ignore dans quel but; cela servit à effrayer un peu ceux qui y étaient. Mais ce qui se passait après la prise de possession ne me troublait jamais beaucoup, c'est avant que j'avais peur. Je fis appeler quelques personnes, parentes de l'une des soeurs que j'avais amenées, notables de la ville, pour qu'ils parlent au Proviseur et lui disent que j'avais l'autorisation de l'Évêque… Enfin, on finit par le convaincre de nous laisser le monastère, mais il nous enleva le Très Saint-Sacrement. Cela ne nous troubla point, nous vécûmes ainsi jusqu'à l'achat d'une autre maison, et bien des querelles avec elle. Nous en avions eu de nombreuses avec les moines franciscains pour une maison située près d'eux; pour celle-ci, ce fut avec ceux de la Merci, et avec le Chapitre qui touchait une rente sur cette maison.

9 Ô Jésus! Qu'il est difficile de lutter contre la diversité des opinions! Lorsque tout semblait fini, tout recommençait car il ne nous suffisait pas d'acquiescer à ce qu'on nous demandait: un autre inconvénient surgissait aussitôt. Cela ne semble rien lorsqu'on en parle, mais ce fut bien pénible à vivre…





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