samedi 29 septembre 2012

Thérèse d'Avila Fondations 24, extraits

Thérèse d'Avila Fondations, 24 (traduction Marcelle Auclair), extraits

Avec l'Ordre du Carmel qui se prépare au V° centenaire de la naissance de Sainte Thérèse de Jésus (d'Avila), nous vous proposons une découverte du Livre des Fondations


De la fondation de Saint-Joseph du Carmel dans la ville de Séville.

1 Lorsque le P. Maître Fr. Jérôme Gracian me rendit visite à Beas, comme je l'ai dit, nous ne nous étions encore jamais vus...Je fus extrêmement heureuse de son arrivée, tant j'avais entendu dire de bien de lui, mais je m'en réjouis bien davantage quand je commençai à avoir affaire à lui; il me plut tellement qu'il me sembla que ceux qui le louaient étaient loin de le connaître...

3 C'est à cette époque qu'on apporta pour fonder le couvent de Caravaca une autorisation qui n'était pas conforme à ce qu'exigeait mon projet...

4 II fut d'avis que la fondation de Caravaca ne se ferait jamais si je partais; il me dit aussi que ce serait bien et utilement servir Dieu que de fonder un couvent à Séville; cela lui semblait aisé, des personnes assez riches pour donner dans l'avenir une maison le lui demandaient; de plus, l'Archevêque de Séville favorisait tellement notre Ordre qu'il crut lui faire grand plaisir; on décida donc que la Prieure et les religieuses que je destinais à Caravaca iraient à Séville...

5 Nous organisâmes aussitôt le voyage, car les grosses chaleurs commençaient; le Père commissaire apostolique, Gracian, partit à l'appel du nonce, et nous pour Séville avec mes bons compagnons, le P. Julien d'Avila, Antoine Gaytan et un moine Déchaux. Nous allions dans des chariots très couverts, telle était toujours notre façon de voyager...

6 Nous eûmes beau nous hâter, nous n'arrivâmes à Séville que le jeudi avant la Sainte Trinité, après avoir beaucoup souffert de la chaleur en route...

7 La veille de la Pentecôte, Dieu leur infligea une grande peine en me donnant une forte fièvre. Je crois que leurs appels à Dieu ont empêché le mal d'empirer...

9 ...Pour autant que je me le rappelle, ma maladie ne m'affligeait nullement, les sœurs en pâtissaient beaucoup plus que moi. Le Seigneur permit que l'état aigu ne durât que cette journée.

10 Un peu auparavant, deux jours peut-être, nous avions été en difficultés à la traversée en bac du Guadalquivir; on ne put passer nos chariots là où les câbles étaient tendus, mais en biais, en nous aidant un peu du câble, que nous biaisions également. Ceux qui le tenaient le lâchèrent, ou je ne sais ce qui se passa, mais le bac qui portait le chariot partit à la dérive sans câbles ni rames. L'affliction du passeur m'apitoyait plus que ne me troublait le danger; nous, en prières; tous les autres poussaient de grands cris.

11 Un gentilhomme nous regardait d'un château voisin; il s'émut de compassion et envoya quelqu'un à notre aide...Mais Sa Majesté ne nous met à l'épreuve qu'avec pitié, il en fut ainsi cette fois-là: le bac s'échoua sur un banc de sable, l'eau était basse d'un côté, cela nous tira d'affaire...

12 Je fus beaucoup plus fâchée de ce qui nous arriva le dernier jour des fêtes de la Pentecôte. Nous nous étions hâtées d'entrer à Cordoue de bon matin, afin d'entendre la messe sans être vues; nous nous dirigions vers une église qui se trouve de l'autre côté du pont, où nous aurions plus de chances d'être seules; au moment de traverser, nous n'avions pas l'autorisation de passer en chariots, le corregidor seul pouvait la donner. Deux heures passèrent avant qu'on nous l'apportât ... Lorsque l'autorisation nous parvint, nos chariots ne passaient pas par la porte du pont; il fallut les scier, ou je ne sais trop quoi ce qui prit encore du temps. Enfin, lorsque nous arrivâmes à l'église où le P. Julien d'Avila devait dire la messe, elle était pleine de monde, car elle est placée sous l'invocation du Saint-Esprit, ce que nous ignorions...

13 Cela m'affligea beaucoup, et j'aurais préféré que nous partions sans entendre la messe plutôt que d'entrer au milieu de ce tapage. Le P. Julien d'Avila ne fut pas de cet avis...

14... Je vous le dis, mes filles: il se peut que cela ne vous semble qu'un détail, mais ce fut l'un des plus mauvais moments de ma vie; l'agitation des gens était telle qu'on eût dit une entrée de taureaux. Je ne me tenais pas d'impatience de quitter cette ville; faute d'un endroit proche où faire la sieste, nous fîmes halte sous un pont.
 
15 Arrivées à Séville, nous nous rendîmes à une maison que le P. Marien avait louée pour nous; il était prévenu, je croyais que tout était fait, puisque, ainsi que je l'ai dit, l'Archevêque favorise beaucoup les Déchaux; il m'a parfois écrit avec beaucoup d'affection. Cela ne nous évita pas de grandes difficultés, telle était la volonté de Dieu. L'Archevêque est hostile aux monastères de religieuses sans revenus, et il a raison. Là fut le mal, ou plutôt là fut le bien, pour la réalisation de cette œuvre; car si on l'avait informé de mon arrivée avant que je ne me sois mise en route, je suis certaine qu'il n'aurait pas cédé... Mais le Seigneur ne voulait point qu'une seule fondation se fît sans me coûter beaucoup de peines, d'une manière ou d'une autre.

16 Donc, lorsque nous arrivâmes à la maison qui avait été louée pour nous, je pensais prendre possession, comme je le fais habituellement, en célébrant l'office divin. Le P. Marien, qui était là, commença par me prier d'attendre, il ne voulait pas tout me dire de peur de m'affliger. Mais comme il ne me donnait pas de raisons suffisantes, je compris que la difficulté provenait du refus de l'autorisation; il me demanda alors d'accepter que le monastère ait des revenus...

17 C'était me dire de renoncer à ce monastère. D'abord, il s'agissait de la ville de Séville, et cela m'aurait été bien pénible, même si j'en avais eu les moyens. Je n'ai fondé des couvents avec des revenus que dans les villages où il n'y avait aucune possibilité d'agir autrement, car on n'y trouve pas de quoi vivre. Ensuite, il ne nous restait qu'une pièce d'argent après avoir payé les frais du voyage...

18 Le dit Père dut se montrer bien importun, mais il obtint qu'on nous laissât célébrer la messe le jour de la Très Sainte Trinité...






Aucun commentaire: