Avec l'Ordre du Carmel qui se prépare au V° centenaire de la naissance de Sainte Thérèse de Jésus (d'Avila), nous vous proposons une découverte du Livre des Fondations
De
la fondation de Saint-Joseph du Carmel dans la ville de Séville.
1
Lorsque le P. Maître Fr. Jérôme Gracian me rendit visite à Beas,
comme je l'ai dit, nous ne nous étions encore jamais vus...Je fus
extrêmement heureuse de son arrivée, tant j'avais entendu dire de
bien de lui, mais je m'en réjouis bien davantage quand je commençai
à avoir affaire à lui; il me plut tellement qu'il me sembla que
ceux qui le louaient étaient loin de le connaître...
3 C'est à cette époque qu'on apporta pour fonder le couvent de Caravaca une autorisation qui n'était pas conforme à ce qu'exigeait mon projet...
4
II fut d'avis que la fondation de Caravaca ne se ferait jamais si je
partais; il me dit aussi que ce serait bien et utilement servir Dieu
que de fonder un couvent à Séville; cela lui semblait aisé, des
personnes assez riches pour donner dans l'avenir une maison le lui
demandaient; de plus, l'Archevêque de Séville favorisait tellement
notre Ordre qu'il crut lui faire grand plaisir; on décida donc que
la Prieure et les religieuses que je destinais à Caravaca iraient à
Séville...
5
Nous organisâmes aussitôt le voyage, car les grosses chaleurs
commençaient; le Père commissaire apostolique, Gracian, partit à
l'appel du nonce, et nous pour Séville avec mes bons compagnons, le
P. Julien d'Avila, Antoine Gaytan et un moine Déchaux. Nous allions
dans des chariots très couverts, telle était toujours notre façon
de voyager...
6
Nous eûmes beau nous hâter, nous n'arrivâmes à Séville que le
jeudi avant la Sainte Trinité, après avoir beaucoup souffert de la
chaleur en route...
7
La veille de la Pentecôte, Dieu leur infligea une grande peine en me
donnant une forte fièvre. Je crois que leurs appels à Dieu ont
empêché le mal d'empirer...
9
...Pour autant que je me le rappelle, ma maladie ne m'affligeait
nullement, les sœurs en pâtissaient beaucoup plus que moi. Le
Seigneur permit que l'état aigu ne durât que cette journée.
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Un peu auparavant, deux jours peut-être, nous avions été en
difficultés à la traversée en bac du Guadalquivir; on ne put
passer nos chariots là où les câbles étaient tendus, mais en
biais, en nous aidant un peu du câble, que nous biaisions également.
Ceux qui le tenaient le lâchèrent, ou je ne sais ce qui se passa,
mais le bac qui portait le chariot partit à la dérive sans câbles
ni rames. L'affliction du passeur m'apitoyait plus que ne me
troublait le danger; nous, en prières; tous les autres poussaient de
grands cris.
11
Un gentilhomme nous regardait d'un château voisin; il s'émut de
compassion et envoya quelqu'un à notre aide...Mais Sa Majesté ne
nous met à l'épreuve qu'avec pitié, il en fut ainsi cette fois-là:
le bac s'échoua sur un banc de sable, l'eau était basse d'un côté,
cela nous tira d'affaire...
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Je fus beaucoup plus fâchée de ce qui nous arriva le dernier jour
des fêtes de la Pentecôte. Nous nous étions hâtées d'entrer à
Cordoue de bon matin, afin d'entendre la messe sans être vues; nous
nous dirigions vers une église qui se trouve de l'autre côté du
pont, où nous aurions plus de chances d'être seules; au moment de
traverser, nous n'avions pas l'autorisation de passer en chariots, le
corregidor seul pouvait la donner. Deux heures passèrent avant qu'on
nous l'apportât ... Lorsque l'autorisation nous parvint, nos
chariots ne passaient pas par la porte du pont; il fallut les scier,
ou je ne sais trop quoi ce qui prit encore du temps. Enfin, lorsque
nous arrivâmes à l'église où le P. Julien d'Avila devait dire la
messe, elle était pleine de monde, car elle est placée sous
l'invocation du Saint-Esprit, ce que nous ignorions...
13
Cela m'affligea beaucoup, et j'aurais préféré que nous partions
sans entendre la messe plutôt que d'entrer au milieu de ce tapage.
Le P. Julien d'Avila ne fut pas de cet avis...
14...
Je vous le dis, mes filles: il se peut que cela ne vous semble qu'un
détail, mais ce fut l'un des plus mauvais moments de ma vie;
l'agitation des gens était telle qu'on eût dit une entrée de
taureaux. Je ne me tenais pas d'impatience de quitter cette ville;
faute d'un endroit proche où faire la sieste, nous fîmes halte sous
un pont.
16
Donc, lorsque nous arrivâmes à la maison qui avait été louée
pour nous, je pensais prendre possession, comme je le fais
habituellement, en célébrant l'office divin. Le P. Marien, qui
était là, commença par me prier d'attendre, il ne voulait pas tout
me dire de peur de m'affliger. Mais comme il ne me donnait pas de
raisons suffisantes, je compris que la difficulté provenait du refus
de l'autorisation; il me demanda alors d'accepter que le monastère
ait des revenus...
17
C'était me dire de renoncer à ce monastère. D'abord, il s'agissait
de la ville de Séville, et cela m'aurait été bien pénible, même
si j'en avais eu les moyens. Je n'ai fondé des couvents avec des
revenus que dans les villages où il n'y avait aucune possibilité
d'agir autrement, car on n'y trouve pas de quoi vivre. Ensuite, il ne
nous restait qu'une pièce d'argent après avoir payé les frais du
voyage...
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Le dit Père dut se montrer bien importun, mais il obtint qu'on nous
laissât célébrer la messe le jour de la Très Sainte Trinité...
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