Homélie 7ème Dimanche T.O.A. 19 février 2023
P. Maurice BOISSON, Carmel de Saint Maur
Lv 19,1-2.17-18 ; 1 Co 3,16-23 ; Mt 5,38-48
Cette semaine encore, hélas !, l’actualité a été féconde en scènes de violence. Elles donnent l’image d’un monde dur, d’un monde de brutes, disait quelqu’un, où on ne se fait pas de cadeaux. Dans cette ambiance, comment peuvent se faire entendre les paroles de Jésus dans cet Evangile ?
- « Ne riposte pas au méchant ».
- « Si on te donne une gifle, tends l’autre joue ! ».
- « Si on veut te prendre ta veste, laisse lui ton manteau! ».
- (et tes clés de voiture, et ta carte bancaire avec le code...).
... et en plus :
- « Aimez vos ennemis ! ».
Ça fait beaucoup !
Dans le langage de son pays et de son temps, Jésus force un peu, comme dans la parler de certains pays méditerranéens. Malgré tout, l’esprit et le contenu du message de ce dimanche ne sont peut-être pas aussi décalés qu’on pourrait croire mais bienfaisants et nécessaires pour les relations et le vivre ensemble. Il s’agit surtout des relations interpersonnelles et sociales et pas d’abord des conflits internationaux...
Jésus nous invite à prendre un autre chemin que celui de la violence, de la méchanceté et de la vengeance. Jésus nous appelle à ne pas entrer dans la spirale de la violence et à ne pas nous laisser happer par son engrenage qui arrive à tout broyer de ce qu’il y a de meilleur dans les relations humaines ; Quand on nous fait du mal, notre réaction est habituellement (pas toujours) de répondre par le mal, et souvent d’une manière plus forte, et l’autre continuera, peut-être que nous aussi... jusqu’à la destruction des uns et des autres et des relations.
Le principe ancien rappelé par Jésus : «Oeil pour œil, dent pour dent », était déjà un grand progrès pour gérer la vengeance. On ne rend pas plus de mal que l’on en reçoit. Si tu reçois un coup, n’en redonne pas deux. Si on te casse une dent, tu ne casses pas la mâchoire.
Tout mal causé doit être réparé. Il n’y a pas de miséricorde « en solde » c’est-à-dire sans réparation des torts commis, sans repentir, ni volonté de changer.
Il ne s’agit pas d’être passif devant le mal, de laisser faire, mais de combattre le mal par d’autres moyens que ceux du mal. Au moment de la Passion, un soldat gifle Jésus. Jésus lui répond : « Pourquoi me frappes-tu ? ». Jésus a tendu l’autre joue : celle de son cœur, de son intelligence, du refus de la violence. Il permet à celui qui l’a giflé de se désarmer. Désarmer la violence, la méchanceté, la vengeance, demande plus de force intérieure que pour riposter par la violence.
J’ai déjà cité ce fait rapporté par un ami missionnaire dans un pays de dictature :
- Une femme subit un interrogatoire par un officier brutal : « Dépêchez vous de me répondre dit-il à la dame, dépêchez-vous. Je n’ai pas le temps. Je vais voir mon enfant malade. Revenez demain matin » et il la renvoie brutalement.
- Le lendemain la dame revient, elle dit bonjour et demande à l’officier : « Et comment va votre enfant ? ».
- Cet homme est resté désarmé par l’attention de cette dame à son enfant malade. Il a complètement changé d’attitude. «Tends lui l’autre joue ».
Ces paroles de Jésus ne sont pas une leçon de morale, mais c’est un chemin de vie vers Dieu, vers les autres, vers nous-mêmes, vers ce à quoi nous sommes destinés : ressembler à Dieu notre Père, parce que nous sommes ses fils et ses filles bien-aimés appelés à nous ajuster sans cesse à l’Amour infini de Dieu notre Père.
Je laisse le mot de la fin à l’un des moines de Tibhirine qui ont subi la violence. Frère Christophe écrivait : « Dans le climat de violence où nous vivons, je suis renvoyé à ma propre agressivité et à mes complicités. Jésus me tire de cet abîme et me conduit, à la mesure de ma confiance en lui, vers une vérité qui peu à peu me re-crée ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire