dimanche 24 octobre 2010

Thérèsed'Avila,Vie 35, extraits


Thérèse d'Avila Vie, Chapitre 35, extraits
Avec l'Ordre du Carmel qui se prépare au V° centenaire de la naissance de Sainte Thérèse de Jésus (d'Avila), nous vous proposons une découverte pas à pas de son autobiographie.
Tandis que j'étais chez cette dame, auprès de laquelle je restai plus de six mois, il arriva, par une disposition de la Providence, qu'une béate de notre ordre qui habitait à plus de soixante-dix lieues d'ici, entendit parler de moi. Passant par la région où j'étais, elle fit un détour de quelques lieues pour me voir…
Je ne savais point encore qu'avant la bulle de mitigation, notre règle défendit de rien posséder, et mon intention était de fonder le nouveau monastère avec des revenus, afin d'éviter le soin de procurer le nécessaire… Elle ne m'en eut pas plus tôt parlé, que j'entrai dans son sentiment. Je n'avais pas l'ombre d'un doute que ce ne fût là le plus parfait; j'aurais même souhaité, si mon état me l'eût permis, demander l'aumône pour l'amour de Dieu, et n'avoir ni maison ni quoi que ce soit en propre. Mais j'appréhendais que, si Dieu ne mettait pas au cœur de mes compagnes les mêmes dispositions, cette pauvreté ne fût pour elles une source de peines et de distractions…



Je cherchai, selon ma coutume, à m'éclairer auprès d'un grand nombre de personnes, et je n'en trouvais presque aucune de mon avis… mais en retournant à l'oraison et en considérant Jésus-Christ en croix, pauvre et dépouillé de tout, je ne pouvais souffrir d'être riche, et je le suppliais avec larmes de tout disposer de manière que je me visse pauvre comme lui
J'en écrivis à ce religieux dominicain qui nous était si dévoué (Pierre Ybañez). Il m'envoya deux feuilles de papier pleines de raisons de théologie pour me détourner de mon dessein… Je lui répondis que je ne prétendais point me prévaloir de la théologie pour me dispenser de vivre selon ma vocation, et d'accomplir le plus parfaitement que je pourrais le vœu de pauvreté que j'avais fait, afin de suivre les conseils de Jésus-Christ; qu'ainsi je le priais sur ce point de me faire grâce de sa science.
C'était un grand plaisir pour moi de rencontrer quelqu'un qui fût de mon sentiment. Cette dame chez qui j'étais, m'y fortifiait…Cette dame désirant voir le saint frère Pierre d'Alcantara qu'elle n'avait jamais vu, le Seigneur permit qu'à, ma prière, il voulût bien venir chez elle. Cet homme de Dieu avait un grand amour pour la pauvreté; il l'avait religieusement pratiquée durant plusieurs années, et il en comprenait les richesses; ainsi, non seulement il approuva mon dessein, mais il m'ordonna de travailler de tout mon pouvoir à le faire réussir…
Un jour, tandis que je recommandais très instamment cette affaire à Notre Seigneur, il me dit de ne renoncer en aucune manière à fonder le monastère sans revenus

Il plut également au divin Maître de changer le cœur du présenté (licencié en théologie)… Après le suffrage de tels hommes et les paroles du divin Maître, je n'avais plus rien à souhaiter; ma joie était au comble: avec ma résolution de vivre d'aumônes pour l'amour de Dieu, il me semblait que j'étais déjà maîtresse de tous les trésors du monde.



En ce temps-là, mon provincial révoqua l'ordre qu'il m'avait donné, en vertu de la sainte obéissance, de me rendre auprès de cette dame; mais il me laissait libre de partir aussitôt ou de demeurer encore quelque temps avec elle. Précisément à cette époque on devait faire l'élection d'une prieure dans notre monastère, et l'on me donnait avis que plusieurs des sœurs songeaient à m'imposer le fardeau. La seule pensée de ce dessein me jeta dans une peine indicible; je sentais que j'aurais souffert avec joie tout autre martyre pour l'amour de Dieu; mais je ne pouvais me résoudre à m'exposer à celui-là…Tandis que j'étais ainsi pleine de joie de me trouver éloignée de tout ce bruit, Notre Seigneur me dit de ne pas manquer de partir; puisque je désirais des croix, une bonne m'était préparée; je ne devais pas la refuser, mais partir avec courage et sans délai; lui-même m'aiderait. Cet ordre m'affligea beaucoup, et je ne faisais que pleurer, dans la pensée que cette croix était la charge de prieure… J'en parlai à mon confesseur, et il m'ordonna de hâter mon départ, me disant qu'évidemment c'était le parti le plus parfait…
Mais Notre Seigneur avait d'autres desseins, et il fallut s'y soumettre. Je me trouvais dans un trouble extrême, et dans une entière impuissance de faire oraison; je n'exécutais pas, me semblait-il, le commandement que m'avait fait Notre Seigneur; je refusais d'aller m'offrir à la tribulation, et je restais pour mon plaisir dans un endroit où j'étais bien traitée; tout mon dévouement pour Dieu se réduisait à des paroles; pouvant, par mon retour, lui plaire davantage, pourquoi balancer à partir? Après tout, si je devais en mourir, que j'en mourusse!...

Témoin de ma peine, et cédant comme moi à l'inspiration de Dieu, mon confesseur me dit de ne plus différer mon départ. Je suppliai donc cette dame de vouloir bien y consentir…
Sachant la vive peine que cette séparation lui causait, je regardais comme une merveille qu'elle voulût y consentir; mais comme elle avait une grande crainte du Seigneur, lorsque je lui dis entre autres choses qu'il y allait de son service, et lui donnai quelque espérance de revenir la voir, elle se rendit enfin, quoique avec beaucoup de peine. Pour moi, je n'en avais point de partir, car je comprenais que c'était là le plus parfait et que le service de Dieu le demandait; aussi la joie de le contenter me rendait facile le sacrifice de quitter cette dame…Je voyais que j'allais en quelque sorte me jeter dans un feu; et au reste, Notre Seigneur m'en avait prévenue; il m'avait annoncé une grande croix, que jamais, il faut le dire, je ne me serais figurée si pesante; et malgré tout cela, je partais non seulement joyeuse, mais impatiente d'entrer dans ce combat où Dieu m'engageait, et pour lequel il animait ma faiblesse d'un si grand courage.

O Dieu de mon âme, avec quel éclat se montre votre toute-puissance! Et qu'il est superflu de chercher les raisons de ce qu'elle veut! Vous rendez faisables les choses qui, selon la lumière de notre raison, semblent impossiblesCelui qui vous aime véritablement, ô mon souverain Bien, marche avec assurance, par un chemin large et royal, loin de tout précipice. Vient-il à chanceler, aussitôt, Seigneur, vous lui tendez la main; et si son amour s'adresse à vous et non au monde, une chute, ni même plusieurs, ne sauraient le perdre, car il chemine dans la vallée de l'humilité…
Tenons sans cesse nos regards attachés sur ce Dieu de bonté, et ne craignons pas que ce Soleil de justice se cache, ni qu'il nous laisse au milieu des ténèbres, en danger de nous perdre, si nous ne l'abandonnons pas nous-mêmes…

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