Solennité de Ste Thérèse de Jésus 15 octobre 2011
Carmel de St Maur
Homélie du Père Marie Bruno de l'Abbaye d'Acey
On ne parle bien que de ce qu'on connait bien. C'est évident. Mais c'est aussi embêtant ! Car comment un prédicateur peut-il bien parler de Thérèse d'Avila, quand il la connaît si peu...
La Providence veille qui m'a fait découvrir dans le dernier numéro de la revue "La vie spirituelle" un article de notre compatriote franc-comtois le P. Didier-Marie de la Trinité intitulé "L'enseignement du chemin de perfection", un des écrits de Thérèse d'Avila. Je ne vais pas vous faire le résumé de l'article, mais simplement vous partager ce qui m'a d'emblée frappé en le lisant : ce sont les points communs avec la règle de St Benoît que, pour le coup, je connais un petit peu plus.
Il y a d'abord le thème du chemin. Même si le titre "chemin de perfection" semble n'être pas de Thérèse elle-même, il est évident qu'elle a voulu donner ses avis et conseils sur la vie spirituelle en présentant ceux-ci comme "un chemin qui mène à la contemplation", un chemin "bon, excellent, pas dangereux". D'où un réel dynamisme qui imprègne tout son écrit, dynamisme souligné par les verbes qu'elle emploie : commencer, partir, marcher, avancer, suivre, ne pas rester en chemin...
Toute la Règle de St Benoît est marquée par le même dynamisme. Dès le prologue, où l'on trouve le même type de vocabulaire : le chemin, la voie, revenir, aller, se hâter, courir... jusqu'au dernier chapitre dont le dernier mot est en latin : pervenies, tu parviendras.
Cela peut sembler un étrange paradoxe : la vie monastique, avec tout ce qu'elle peut présenter extérieurement d'aspects statiques (même lieu, même horaire, même habit, mêmes personnes) est là pour témoigner que la vie spirituelle est un chemin, un mouvement perpétuel, vers un but, celui de la vie en Dieu, qui, s'il est le seul bien qui peut combler vraiment le désir qui habite le cœur de l'homme, n'en est pas moins une réalité qui le dépasse infiniment et dans laquelle il ne pénètre que de façon incomplète. Aussi le moine a-t-il toujours à aller de l'avant, "de commencement en commencement, par des commencements qui n'ont pas de fin" (Grég de Nysse).
Un chemin qui n'est pas réservé aux seuls moines et moniales. Pour le dire, Thérèse parle d'un "chemin royal". Dans l'Espagne de son époque, on distinguait les chemins royaux, ouverts à tous, des chemins privés, à accès réservé. Le chemin de la vie contemplative est donc bien ouvert à tous.
Benoît, dans son prologue s'adresse quant à lui "à toi, qui que tu sois". Et des passages entiers de sa règle sont en fait des extraits de catéchèses baptismales, donc destinés à tous chrétiens.
L'un et l'autre manifestent par là que les moines et moniales ne sont pas les gardiens d'un trésor qu'ils garderaient jalousement pour eux ou une élite à qui serait réservée un accès privilégié aux mystères du Royaume. "Les moines ne sont pas des êtres à part, disait l'écrivain russe Dostoïevski, mais ce que devrait être tout homme". On peut sans aucun doute voir un signe des temps dans le fait qu'un nombre croissant de chrétiens se rapprochent de nos monastères avec pour demande, de pouvoir partager nos charismes propres. Et être à leur tour témoins, au cœur du monde, du trésor que nous portons dans des vases d'argiles.
"Chemin royal" ne veut pas dire "chemin facile". Thérèse de Jésus est une battante comme l'on dirait aujourd'hui. Parce qu'elle a compris que le Royaume de Dieu, appartient "aux violents et à ceux qui s'en emparent" (Mt 11,12). Elle n'y va pas par quatre chemins : "Le monde est en feu. Il m'a semblé que la conduite à tenir était celle que l'on adopte en temps de guerre". St Benoît usera de même volontiers du vocabulaire militaire. Pour désigner entre autre la lutte acharnée que doit mener le moine contre son ennemi principal : la volonté propre. Cette part égoïste de nous-mêmes qui n'a de cesse de vouloir faire barrage à l'élan qui nous conduit dans le mouvement du don de nous-mêmes à Dieu et aux autres.
Mais le point commun entre nos 2 saints fondateurs, et qui éclaire tous les autres, c'est évidemment le Christ. Car c'est lui qui est le vrai chemin qui mène au Père qui est la source de l'Amour. Pour Thérèse, il faut tenir les yeux fixés sur le Christ. Pour Benoît : "ne rien préférer à l'amour du Christ". Pour désigner la communauté du Carmel, la Madre a cette belle expression : c'est un "collège du Christ". Benoît lui voit le monastère comme une "école du service du Seigneur". C'est donc ensemble qu'il nous faut avancer sur le chemin, avec la résolution et la détermination de "faire le peu qui dépend de nous", sûrs qu'avec la grâce de Dieu "nous réussirons à nous abreuver à la fontaine"
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