Avec l'Ordre du Carmel qui se prépare au V° centenaire de la naissance de Sainte Thérèse de Jésus (d'Avila), nous vous proposons une découverte du Livre des Demeures ou Château intérieur.
PREMIÈRES DEMEURES
CHAPITRE PREMIER
De la beauté et de la dignité de nos âmes : une
comparaison nous aide à le comprendre. Des avantage qu'il y a à reconnaître les
faveurs que nous recevons de Dieu. De l’oraison, la porte de ce Château.
1 Aujourd’hui, comme je suppliais le Seigneur de parler à ma
place, puisque je ne trouvais rien à dire, ni comment entamer cet acte
d’obéissance, s’offrit à moi ce qui sera, dès le début, la base de cet
écrit : considérer notre âme comme un château fait tout entier d’un seul
diamant ou d’un très clair cristal, où il y a beaucoup de chambres, de même
qu’il y a beaucoup de demeures au ciel. Car à bien y songer, mes sœurs, l’âme
du juste n’est rien d’autre qu’un paradis où Il dit trouver ses délices. Donc,
comment vous représentez-vous la chambre où un Roi si puissant, si sage, si
pur, si empli de tous les biens, se délecte ? Je ne vois rien qu’on puisse
comparer à la grande beauté d’une âme et à sa vaste capacité. Vraiment, c’est à
peine si notre intelligence, si aiguë soit-elle, peut arriver a le comprendre,
de même qu’elle ne peut arriver à considérer Dieu, puisqu’il dit lui-même qu’il
nous a créés à son image et à sa ressemblance. Or, s’il en est ainsi, et c’est
un fait, nous n’avons aucune raison de nous fatiguer à chercher à comprendre la
beauté de ce château ; il y a entre lui et Dieu la même différence
qu’entre le Créateur et la créature, puisqu’il est sa créature ; il suffit
donc que Sa Majesté dise que l’âme est faite à son image pour qu’il nous soit
difficile de concevoir sa grande dignité et sa beauté.
2 Il est bien regrettable et confondant que, par notre
faute, nous ne nous comprenions pas nous-mêmes, et ne sachions pas qui nous
sommes. Celui à qui on demanderait, mes filles, qui il est, et qui ne se
connaîtrait point, qui ne saurait pas qui fut son père, ni sa mère, ni son
pays, ne prouverait-il pas une grande ignorance ? Ce serait d’une grande
bêtise, mais la nôtre est plus grande, sans comparaison, quand nous ne
cherchons pas à savoir ce que nous sommes, nous bornant à notre corps, et, en
gros, a savoir que nous avons une âme, parce que nous en avons entendu parler
et que la foi nous le dit. Mais les biens que peut contenir cette âme ;
qui habite en cette âme, ou quel est son grand prix, nous n y songeons que rarement ;
c’est pourquoi on a si peu soin de lui conserver sa beauté. Nous faisons passer
avant tout sa grossière sertissure, ou l’enceinte de ce château, qui est notre
corps.
3 Considérons donc que ce château a, comme je l’ai dit,
nombre de demeures, les unes en haut, les autres en bas, les autres sur les
côtés ; et au centre, au milieu de toutes, se trouve la principale, où se
passent les choses les plus secrètes entre Dieu et l’âme. Il faut que vous
soyez attentives à cette comparaison. Peut-être, par ce moyen, Dieu
consentira-t-il à vous faire comprendre quelques-unes des faveurs que Dieu veut
bien accorder aux âmes, et, dans la mesure du possible, les différences qu’il y
a entre elles ; car personne ne peut les comprendre toutes, tant elles
sont nombreuses : d’autant moins une misérable comme moi ! Si le
Seigneur vous les accorde, vous aurez le : grand réconfort de savoir que
cela est possible ; sinon, vous louerez sa grande bonté...
5 Donc, pour revenir à notre bel et délicieux château, nous
devons voir comment nous pourrons y pénétrer...de nombreuses âmes sont sur le
chemin de ronde du château, où se tiennent ceux qui le gardent, peu leur
importe de pénétrer l’intérieur, elles ne savent pas ce qu’on trouve en un lieu
si précieux, ni qui l’habite, ni les salles qu’il comporte. Vous avez sans
doute déjà vu certains livres d’oraison conseiller à l’âme d’entrer en
elle-même ; or, c’est précisément ce dont il s’agit...
7 ... la porte d’entrée de ce château est l’oraison et la
considération ; je ne dis pas mentale plutôt que vocale, car pour qu’il
ait oraison, il doit y avoir considération. Celle qui ne considère pas à qui
elle parle, et ce qu’elle demande, et qui est celle qui demande, et à qui, je
n’appelle pas cela faire oraison...
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