Homélie du 1er dimanche de Carême, année A
Carmel de Saint –Maur – Père Maurice Boisson
« Vous y
croyez, vous, au diable ? Et puis, vous, les curés, vous n’en parlez
jamais. Vous ne savez dire que : « Dieu vous aime,
aimez-vous ! » mais, ce n’est pas ça la vie ! » Ceci est le
début d’une conversation récente avec quelqu’un, énervé des paroles méchantes
entendues contre lui.
Et vous, vous
y croyez au diable ? J’ai gentiment invité cette personne à venir à la
messe au Carmel du 1er dimanche de Carême. On aimerait mieux ne pas
avoir à croire à son existence, au diable, mais on est obligé de constater
qu’il y a, dans le monde, des forces qui poussent au mal, et que ces forces,
elles sont aussi à l’intérieur de nous-mêmes, cette tension que Saint Paul a
bien exprimée : « Le bien que je veux, je ne le fais pas, le mal que
je ne veux pas, je le fais » (Rm7,19)
C’est
l’expérience des premiers humains, rapportée d’une façon poétique et imagée
dans la première lecture : « Vous ne mangerez pas du fruit de cet
arbre, l’arbre de vie, sinon, vous mourrez. » (Gn3,3) Le Créateur avait
mis un repère dans ce lieu de bonheur de l’origine. « Mais pas du tout,
dit le serpent. Au contraire, si vous mangez du fruit de cet arbre, qui est
agréable, désirable, vous serez comme des dieux. » C’est quand même
tentant… et toujours tentant.
C’est
l’expérience de Jésus, juste après son baptême, attestant qu’il est bien le
Fils de Dieu.
Le même Esprit que celui de son baptême, le pousse au désert,
pour un temps d’épreuve, pour connaître la solidarité avec ce que vivent ses
frères humains, confrontés aux forces du mal. Jésus est confronté au diable,
qui veut le pousser à faire d’autres choix que ceux que Dieu, son Père, lui a
confiés pour le bien de l’humanité.
C’est
notre expérience : la rencontre, l’affrontement, parfois le combat
difficile entre l’attirance vers ce qui est l’orientation fondamentale de notre
vie pour le bonheur et ce qui nous tire vers le bas, l’illusoire. On n’échappe
pas à ces tensions, ni à ces sollicitations où notre liberté se trouve devant
des choix. Le frère Christian de Chergé, prieur de Tibérine, moine assassiné,
écrit dans son testament : « J’ai suffisamment vécu pour me savoir
complice du mal qui semble, hélas, prévaloir dans le monde, et même complice de
celui qui me frapperait aveuglement. »
Jésus,
tenté, non seulement au désert, mais tout au long de sa vie, se rend solidaire
de notre condition humaine. En sortant vainqueur de ce combat, il nous rend,
avec lui, vainqueurs, au final, de l’esprit du mal.
Les
trois tentations, rapportées dans cet Évangile, résument les grandes déviations
proposées par le tentateur, pour détourner notre vie de l’orientation
fondamentale inscrite en nous par le Créateur pour notre bonheur. Ces
sollicitations nous conduisent dans des
voies sans issue, destructrices.
-
faire croire que la
possession des choses, des biens matériels, la possession des autres, comble
notre désir de bonheur : Tu as faim, tu
as des cailloux, tu peux en faire des pains, tu es le fils de Dieu. Tu
auras de quoi te rassasier. « On ne vit pas seulement de pain. »
-
faire croire que la valeur
de quelqu’un se trouve dans les apparences, l’extérieur, le pouvoir : On
est au sommet du temple, 70 mètres au-dessus du sol, jette-toi en bas, tu es le
fils de Dieu, tu ne risques rien… et tout le monde en bas, t’acclamera, te
suivra… « Ne force pas la main de Dieu pour satisfaire ton orgueil et
écraser les autres »
-
faire croire que la
puissance, le prestige ouvrent les portes à tout : De ce sommet, tu vois
tous ces pays. Ils sont à toi, si tu te couches à mes pieds, si tu renonces à
la vraie direction de ta vie : « Tu aimeras Dieu et tu aimeras ton
prochain ».
À chacun de
nous de voir où sont les sollicitations du tentateur qui nous sont adressées
personnellement.
« Arrière
Satan ! » Le diable quitte Jésus, les anges lui donnent à manger.
En ce temps de Carême, retrouvons
et affermissons la vraie direction de nos vies. Prions avec la nouvelle formule
du notre Père : « Ne nous laisse pas entrer en
tentation ! » Ne laisse pas mes ténèbres me parler.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire