Homélie du 4ème dimanche de Carême – Année A
Carmel de Saint-Maur – Père Maurice Boisson
4 étapes marquent, jusque-là,
notre route de Carême avec Jésus. Nous sommes partis au désert, le lieu du
combat intérieur avec les forces du mal, lieu du regard et du choix vers
l’essentiel. Arrivés sur la montagne de la Transfiguration, nous voyons plus
loin que l’immédiat. Après l’obscurité et la nuit, vient le jour. Après le
Vendredi Saint, apparaît l’aube de Pâques.
C’est près du puits que nous
nous sommes arrêtés dimanche dernier, avec Jésus et une femme de Samarie venue
chercher de l’eau, de l’eau vive. « Celui qui boira de cette eau, n’aura
plus jamais soif… Si tu savais le don de Dieu » (Jn 4).
Et nous voici, aujourd’hui, en
compagnie d’un aveugle de naissance, au bord de la route. Quelqu’un qui cherche
de la lumière, n’est-ce pas nous, notre société, qui cherchons tant à voir
clair ?!
En passant, Jésus vit cet homme
que personne ne voyait plus, tant il faisait partie du paysage, à mendier au
bord de la route. Il mendie, mais il ne demande rien à Jésus, pas même de le
guérir. Jésus voit les yeux de son cœur cherchant la lumière.
Il lui rend la
vue. C’est le don de la lumière. Jésus, lui-même « La vraie Lumière qui
éclaire tout homme en venant dans le monde » (Jn1,9), il ne veut pas
laisser cet homme dans la nuit, non seulement il est « La Lumière »,
mais il fait la lumière. Sur ce non-voyant, comme sur nous (souvent non-voyants
du dedans), Jésus refait le geste premier de la Création, il reprend le geste
du Créateur : il crache par terre, fait de la boue avec sa salive et la
poussière du chemin, il en recouvre les yeux de l’aveugle. « Va te
laver ! » lui dit-il. Quand il revint, il voyait. Il était tout
autre. Les gens avaient du mal à le reconnaître. Pourtant, il était le même, il
disait : « C’est bien moi ! » Lui aussi était
transfiguré, éclairé de l’intérieur, comme la samaritaine, apaisée dans ses
désirs et sa soif.
« Y voir plus clair »,
comme on dit, nous fait revivre. « Je revis, j’y vois plus clair ! »,
dans ma vie, dans mes soucis, ma situation etc… On a tellement besoin de
lumière à l’intérieur de nous-mêmes, comme dans les évènements extérieurs.
Cette lumière nous mène dans les profondeurs des évènements, de nous-mêmes, où
nous rejoignons la Lumière de Dieu et les petites lumières des autres.
Ceux qui accompagnaient Jésus se
perdaient dans des explications, des théories qui enfermaient cet aveugle
encore plus dans la nuit, celle de son passé (s’il est né aveugle, c’est que
quelqu’un a péché ! Lui ou ses parents ?). « Ni lui, ni ses
parents » répond Jésus. Ce n’est pas le problème. Ce genre d’explications
ou de théories servent souvent de bonnes raisons pour ne rien faire et
empêchent d’aller à l’essentiel. Jésus, lui, ouvre un présent, un avenir : « Il
voyait », il voyait non seulement les choses et les gens mais bien au-delà. Ses yeux, son esprit, son cœur
s’étaient éclairés pour reconnaitre qui était celui qui l’avait guéri.
« C’est toi, Seigneur ! » « Je crois,
Seigneur ! »
En cette étape, au
bord de la route, comme au bord du puits, comme dans nos déserts, laissons le Seigneur emplir nos cœurs de
lumière. Pas d’une lumière qui éblouit, celle-là, elle aveugle. Mais de la
douce et sûre Lumière qui éclaire nos pas, qui nous donne et nous redonne la
vision intérieure dans les traversées obscures. « Christ, lumière
intérieure », atteins jusqu’à l’aveugle en moi, touche mes yeux afin
qu’ils voient … au-delà du visible, cette légère et douce clarté annonçant le
jour !
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