jeudi 20 janvier 2011

Saint Paul, Rémy Jobard (7)



« Sur les pas du plus audacieux
des missionnaires … » (7)


1 -Accueil ambigu et arrestation de Paul.

Dès son arrivée à Jérusalem, Paul est accueilli par les responsables de l’Église, “ avec plaisir ” dit Luc (Ac, 21-12). Tous les anciens sont assemblés chez Jacques pour écouter le missionnaire raconter en détail “ tout ce que Dieu a fait pour son entremise chez les païens ” Ac.21-19). Certes, ils rendent gloire à Dieu, mais au lieu de féliciter Paul et de le remercier pour le produit de la collecte qu’il vient de leur remettre, ils attirent son attention sur les bruits qui courent à son sujet : il ne serait plus fidèle à Moïse et à la Loi… On l’invite donc à faire une retraite de quelques jours au Temple, ce qu’il accepte…

Mais une semaine s’était écoulée lorsque les Juifs d’Asie auxquels il s’était heurté au cours de ses voyages le repèrent et ameutent le peuple en criant : “ le voilà, l’homme qui combat notre peuple, la loi et le Temple ” (Ac.21, 22). On le traîne dehors et la foule grossit rapidement au point d’inquiéter l’occupant romain. Les soldats arrêtent Paul et s’apprêtent à le faire entrer dans la forteresse Antonia, mais à la demande du prisonnier ; le tribun l’autorise à parler au peuple.
Dans une longue allocution (Ac. 22, 1-21) il rappelle ses origines et son itinéraire, mais quand il insiste sur sa mission propre qui est de s’adresser aux païens, la foule pousse des cris de haine et le tribun juge prudent de mettre le prisonnier à l’abri dans la forteresse. Le centurion s’apprêtait à le faire fouetter quand on découvrit qu’on avait affaire à un citoyen romain et qu’il fallait donc le ménager.

2 Un prisonnier bien encombrant :

Dès le lendemain, l’officier romain qui se demande ce qu’on reproche à Paul décide de le renvoyer devant le sanhédrin, la Haute Cour d’Israël. Là, l’accusé va très habilement jouer sur les divisions des plaignants, ce qui provoque un tel tapage que le prisonnier est arraché à ce tribunal anarchique et ramené à l’Antonia.
Le jour suivant, un groupe de fanatiques a décidé de demander une nouvelle comparution et d’en profiter pour supprimer Paul. Mais celui-ci a un neveu à Jérusalem : grâce à lui le complot est déjoué (Ac, 23. 16-22) et la décision est prise de transférer sous bonne escorte ce détenu encombrant à Césarée où réside le procurateur de Judée Antonius Félix.

Curieusement, ce sont deux années de prévention (58-60) que Paul va passer à Césarée. Très vite le grand prêtre est arrivé pour porter plainte devant le gouverneur, mais Paul se défend habilement en montrant qu’il s’agit d’une querelle de doctrine au sein de la religion juive, si bien que Félix demande un complément d’information afin surtout de gagner du temps et garde Paul en prison, mais avec un régime libéral, précise Luc (Ac. 24,27)

Le temps passe, mais en 60, Félix est limogé par Néron et remplacé par un certain Porcius Festus. Celui-ci est un homme expéditif et fait à nouveau comparaître Paul, mais comme les Juifs sont incapables de justifier de leurs accusations, il accepte la demande de Paul qui en appelle à l’empereur.

Le destin de l’Apôtre vient donc de se décider : il ira à Rome, comme il en a reçu la promesse dans une vision. Toutefois, avant le départ du prisonnier, un événement marquant est encore rapporté par Luc. Festus reçoit à Césarée le roi Hérode Agrippa II, accompagné de sa sœur Bérénice. Il leur parle de Paul qu’on fait venir et cet épisode permet d’avoir le plus long et le plus complet des plaidoyers de Paul qu’il est bon de relire.
Il occupe tout le chapitre 26 des Actes.


3 – Le voyage de la captivité.

A l’automne 60, le centurion Julius, avec une escorte réduite, est donc chargé de convoyer jusqu’à Rome Paul et quelques autres prisonniers. Luc est du voyage, comme secrétaire de Paul qui a le droit de se faire accompagner par deux personnes. A partir de là en effet, on retrouve dans les Actes la 1ère personne du pluriel et le récit est toujours vivant et souvent précis. Le bateau part de Césarée et fait une première escale à Sidon (aujourd’hui Saïda, au Liban). Julius se montre d’emblée très humain puisqu’il permet à Paul de rendre visite à ses amis. Ensuite, les vents contraires ne permettent pas d’aborder à Chypre et on arrive avec peine à Myre (aujourd’hui Demeré sur la côte sud de la Turquie). Le navire ne va pas plus loin car la mauvaise saison approche. Mais Julius trouve un autre bateau qui, outre sa cargaison de blé, emmène vers l’Italie 276 passagers. Très vite la navigation est difficile, au large de Cnide, on abandonne la côte turque et ses îles dangereuses pour se diriger vers le sud en direction de la Crète. On s’arrête alors dans une anse tranquille de la côte méridionale : Kali Liméné (ce qui signifie, “ beaux ports ”). On hésite à continuer, mais le capitaine tient à gagner le port de Phénix, à l’ouest de la grande île, plus propice à l’hivernage. On ne l’atteindra pas car, très vite, un ouragan violent se déclenche. Luc en écrivain confirmé, ne résiste pas au plaisir de faire un beau récit de tempête comme il avait pu en lire dans l’Odyssée.

Il faut relire ce morceau d’anthologie au chapitre 27 des Actes (versets 13 à 44). Tandis que le bateau dérive et qu’on perd tout espoir de s’en tirer, Paul toujours sûr d’aller à Rome puisque telle est la volonté du Seigneur, affirme que le salut vient de Dieu et que Dieu seul – son Dieu – les sauvera tous. Pendant deux semaines le navire, privé de gréement et de voile, erre au gré des vents et des courants, mais après quelques incidents (tentative de trahison de la part de l’équipage, menace des soldats qui voulaient se débarrasser des prisonniers…) tout le monde parvient à prendre pied sur une plage inconnue. Des pêcheurs vont apprendre aux naufragés qu’ils sont dans l’île de Malte. Ils y sont bien accueillis et vont y passer l’hiver 60-61. Paul étonne souvent ses compagnons, prouvant aussi que Dieu est avec lui : dès l’arrivée, alors qu’il ramasse du bois pour alimenter le feu qu’on a allumé afin de se réchauffer, une vipère s’accroche à sa main, mais il s’en tire sans aucun mal. Quelques jours après, tandis que le groupe est accueilli par Publius, premier magistrat de l’île, Paul guérit son père qui “ était en proie aux fièvres et à la dysenterie ” (Ac. 28,8), symptômes de ce qu’on appellera la fièvre de Malte. Avec le début du printemps, le séjour s’achève, mais le pays a gardé jusqu’à nos jours de nombreux souvenirs du séjour de Paul.

Il faut encore gagner l’Italie. Or Julius, agent de voyage autant que centurion, déniche un bateau qui attendait à Malte que la mer soit déclarée “ ouverte ”. Il fait embarquer les prisonniers et leur escorte et c’est la dernière partie d’un voyage long et mouvementé : on fait escale à Syracuse en Sicile, puis à Rhegium (aujourd’hui Reggio de Calabre) et on débarque à Pouzzoles, dans la région proche du Vésuve où il y a déjà quelques chrétiens. Luc ne dit rien de l’ultime étape : 200 km à parcourir à pied, sans doute en grande partie par la célèbre Voie Appienne. Prévenus, des membres de l’Eglise organisent un comité d’accueil au forum d’Appius à 65 km de la ville. L’apôtre touche donc au but quand il atteint la capitale…. Il est vrai que les multiples péripéties du voyage nous ont fait presque oublier qu’il s’agissait du transfert d’un prisonnier…
En fait, une nouvelle vie va s’organiser pour Paul ; elle fera l’objet d’un dernier épisode.
( à suivre)
Rémy Jobard

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