mardi 6 novembre 2012

Thérèse d'Avila Fondations 28 extraits

Thérèse d'Avila Fondations, 28 (traduction Marcelle Auclair), extraits
Avec l'Ordre du Carmel qui se prépare au V° centenaire de la naissance de Sainte Thérèse de Jésus (d'Avila), nous vous proposons une découverte du Livre des Fondations


La fondation de Villanueva de la Jara.

   1 La fondation de Séville achevée, les fondations cessèrent pendant  plus de quatre ans. De grandes persécutions se déchaînèrent soudain contre Déchaux et Déchaussées; nous en avions déjà beaucoup subies, mais jamais d'aussi violentes; il s'en fallut le peu que tout soit anéanti. On vit combien le démon s'irritait des saints commencements que Notre-Seigneur avait inaugurés et que c'était son œuvre, car elle alla de l'avant. Les Déchaux, les chefs en particulier, eurent beaucoup à souffrir des graves faux témoignages et de l'opposition de la presque totalité des Pères chaussés.

   2 Ils informèrent notre Révérendissime Père Général de telle façon que malgré sa sainteté, et bien qu'il ait lui-même autorisé la fondation de tous les monastères, - sauf Saint- Joseph d'Avila qui fut le premier, et fondé avec l'autorisation du Pape, - il fit beaucoup pour empêcher les Déchaux de se développer mais il traita toujours bien les monastères de religieuses. Comme je n'y aidais pas on l'indisposa contre moi: c'est le plus grand chagrin que j'aie éprouvé au cours de ces fondations, et j'en ai subi beaucoup...

   3 Un saint nonce mourut, qui favorisait beaucoup la vertu, et qui estimait donc les Déchaux. Il en vint un autre, que Dieu semblait avoir envoyé pour nous exercer dans la souffrance... il crut bien faire en interrompant ce que nous avions commencé; il se mit à l'œuvre avec une très grande rigueur, condamnant ceux qu'il crut capables de lui résister il les emprisonna ou les exila.

   4 Ceux qui souffrirent le plus furent le P. Fr. Antoine de Jésus, qui fonda le premier monastère de Déchaux et le P. Fr. Jérôme Gracian...

   5 On comprenait bien que tout cela venait de Dieu, et que Sa Majesté autorisait ces persécutions en vue d'un plus grand bien...Il me semblait être seule la cause de cette tourmente, et que si on me jetait à la mer, comme Jonas, la tempête cesserait.

   6 Dieu soit loué, lui qui favorise la vérité; il en fut ainsi, car lorsque notre roi catholique Don Philippe sut ce qui se passait, lui qui connaissait bien la vie et la piété des Déchaux, il prit notre parti ...

8 Au début de ces grandes tribulations, qui contées brièvement vous paraîtront peu de chose, mais qui furent pourtant si longues et si dures à subir, alors que j'étais à Tolède, après la fondation de Séville, en l'année 1576, un prêtre de Villanueva de la Jara m'apporta des lettres du Conseil de cette ville qui me demandait d'accepter, pour un monastère, neuf femmes entrées ensemble, quelques années auparavant, dans un ermitage de la glorieuse sainte Anne, situé auprès d'une petite maison; leur recueillement et leur sainteté incitaient tout le village à réaliser leur désir d'être religieuses...

   9 Cela me parut inacceptable ... je décidai donc de repousser ce projet.

   10 Je voulus auparavant en parler à mon confesseur le docteur Velasquez, à l'époque chanoine et théologal de Tolède... Lorsqu'il vit les lettres et comprit l'affaire, il me dit de ne pas refuser, mais de répondre affirmativement; car lorsque Dieu unit tant de cœurs dans le même but, il faut comprendre qu'il a le dessein de s'en servir...

   14 Il s'écoula un mois et demi et peut-être davantage. Lorsque je crus avoir suscité tous les obstacles possibles, on m'envoya de Villanueva par messager des lettres du Conseil qui s'engageait à ne laisser les religieuses manquer de quoi que ce soit... J'avais une telle peur de recevoir un si grand nombre de sœurs, les anciennes pouvant fort bien faire bande à part contre les nouvelles venues, comme cela s'est déjà produit, leur subsistance me semblait si mal assurée, ce qu'on leur offrait ne pouvant être garanti, que je me trouvai dans une extrême confusion. J'ai compris plus tard que c'était le démon qui m'avait rendue pusillanime, car bien que le Seigneur m'ait donné du courage, on eût dit que je n'avais plus du tout confiance en Dieu. Mais les prières de ces âmes bénies, enfin, furent les plus fortes.

   15 Un jour, après la communion, alors que je recommandais cela à Dieu... Sa Majesté me fit de grands reproches et me demanda avec quels trésors nous avions fait ce qui avait été fait jusqu'ici; je ne devais pas hésiter à fonder cette maison, elle serait très utile à son service et au progrès des âmes.

   16 Les paroles de Dieu sont si puissantes que non seulement l'entendement les comprend, mais elles l'éclairent dans la vérité et disposent la volonté à agir; c'est ce qui m'arriva...

  I7. Décidée à fonder ce couvent, je crus nécessaire d'accompagner les religieuses qui allaient y demeurer... Je recommandai instamment ce choix à Notre-Seigneur, et pris deux religieuses du monastère de Saint Joseph de Tolède, dont l'une serait Prieure, et deux du monastère de Malagon, dont l'une serait Sous-Prieure. J'avais tant prié Sa Majesté que ce fut une réussite, à mon très grand soulagement...

   18 ... Dieu nous donna un si beau temps, et à moi une si bonne santé, qu'on n'eût jamais pu croire que j'avais été malade; je m'en émerveillais, et je considérais combien il importe de ne pas tenir compte de la faiblesse de nos moyens lorsqu'il s'agit du service du Seigneur, quels que soient les obstacles, car il a le pouvoir de donner la force aux faibles, et aux malades la santé. Lorsqu'il n'en use pas de la sorte, nous n'avons rien de mieux à faire que de souffrir pour le plus grand bien de notre âme, et de nous oublier nous-mêmes, les yeux fixés sur son honneur et sa gloire. A quoi peuvent servir la vie et la santé sinon à être perdues au service d'un si grand Roi et Seigneur? Croyez-moi, mes sœurs, rien de mal ne vous arrivera jamais si vous suivez cette voie.

      37 Nous arrivâmes à Villanueva de la Jara le premier dimanche de Carême, veille de la fête du Siège de saint Pierre, le jour de la Saint-Barbatien, en l'année 158o. Ce jour même, à l'heure de la grand-messe, on posa le Saint-Sacrement dans l'église de la  glorieuse sainte Anne. Tout le Conseil et quelques personnes  vinrent au-devant de nous, avec le docteur Ervias; nous mîmes pied à terre devant l'église du bourg qui est fort éloignée de Sainte-Anne. La joie de tous les habitants était telle, en recevant l'Ordre de la Très Sainte Vierge Notre-Dame, que leur contentement me fut une grande consolation...

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