dimanche 11 novembre 2012

Thérèse d'Avila Fondations 29, extraits

Thérèse d'Avila Fondations, 29 (traduction Marcelle Auclair), extraitsAvec l'Ordre du Carmel qui se prépare au V° centenaire de la naissance de Sainte Thérèse de Jésus (d'Avila), nous vous proposons une découverte du Livre des Fondations

Où l'on traite de la fondation de Saint- Joseph de Notre-Dame de la Rue, à Palencia, en l'année 1580, jour du roi David.

   1 Je rentrais de la fondation de Villanueva de la Jara lorsque le Supérieur m'envoya à Valladolid sur la demande de l'Évêque de Palencia, Don Alvaro de Mendoza, qui avait autorisé et soutenu la fondation du premier de nos monastères, Saint Joseph d'Avila, et qui favorise toujours notre Ordre en toutes choses. Lorsqu'il quitta 1'évêché d'Avila pour celui de Palencia, Notre-Seigneur lui inspira la volonté de faire en cette ville un autre monastère de ce saint Ordre. A mon arrivée à Valladolid j'étais tombée si gravement malade qu'on crut que j'allais mourir...

   2 Il y avait près d'un an qu'on s'efforçait de fonder ce monastère, ainsi que celui de Burgos; je ne m'y étais pas opposée au début, mais j'y voyais maintenant beaucoup d'inconvénients, bien que je ne sois venue à Valladolid que dans ce but. J'ignore si mon refus provenait de ma maladie et de la faiblesse où j'étais, ou du démon qui voulait faire obstacle au bien qui s'ensuivit. En vérité, des traits comme celui-ci me stupéfient, me blessent et je me plains souvent à Notre-Seigneur de la façon excessive dont la pauvre âme participe aux maladies du corps; il semble qu'elle doive observer ses lois d'après les exigences et les choses qu'il lui suggère.

   3 Cela me semble l'une des grandes épreuves et misères de la vie, lorsqu'une haute spiritualité ne domine pas le corps. Avoir mal et subir de grandes douleurs, ça n'est rien, quoi qu'on endure, si l'âme est éveillée, car elle loue Dieu, et considère que tout vient de sa main. Mais, d'une part, souffrir, et d'autre part rester dans l'inaction, voilà qui est terrible, en particulier lorsqu'il s'agit d'une âme dont le seul désir a toujours été de ne se reposer ni intérieurement ni extérieurement, mais d'être tout entière au service de son grand Dieu. Elle n'a d'autre remède en ce cas que la patience, reconnaître sa misère, et s'abandonner à la volonté de Dieu, afin qu'il use d'elle pour ce qu'il voudra, et comme il le voudra. Il en était ainsi de moi...

   4 Vint à passer par cette ville un Père de la Compagnie de Jésus, le P. Ripalda, grand serviteur de Dieu, ... Il me dit de n'y renoncer sous aucun prétexte...

    6 Un jour, après la communion, doutant toujours, ne pouvant me décider à rien fonder, j'avais supplié Notre-Seigneur de m'éclairer afin que j'accomplisse sa volonté en toutes choses: ma  tiédeur n'était pas telle que ce désir-là me manquât. Notre Seigneur me dit d'un ton de reproche: «Que crains-tu? Quand t'ai-je fait défaut? Je suis celui que j'ai toujours été. Ne manque pas de faire ces deux fondations.» Ô grand Dieu! Que vos paroles diffèrent de celles des hommes! Elles m'insufflèrent tant de courage et de décision que le monde entier se serait en vain opposé à moi: je me mis immédiatement à l'oeuvre, et Notre-Seigneur commença à m'en donner les moyens.

    7 Je pris deux religieuses pour acheter la maison; il était maintenant inutile de me dire, comme on me le répétait, qu'il était impossible de vivre d'aumônes à Palencia; je voyais clairement que ce monastère ne devait pas avoir de revenus, et puisque Dieu voulait qu'il se fasse, Sa Majesté y pourvoirait. Je n'avais pas encore repris l'entière maîtrise de moi-même, je décidai pourtant d'y aller malgré le très mauvais temps; je partis de Valladolid le jour des saints Innocents, en l'année que j'ai dite, car un gentilhomme de Palencia nous prêtait jusqu'à la Saint Jean une maison qu'il avait louée et n'habitait plus...

   10 Nous étions cinq religieuses en me comptant, ainsi qu'une compagne qui me suit depuis longtemps, une converse, si grande servante de Dieu et de si bon conseil qu'elle m'est de plus de secours que d'autres qui sont de chœur . Nous dormîmes peu cette nuit-là, bien que, comme je l'ai dit, la route, par la pluie, ait été bien fatigante.

   11 Je fus très heureuse que la fondation ait lieu le jour où l'on récite l'office du roi David, dont je suis fervente. Ce matin même je fis prévenir l'illustrissime Évêque, qui ignorait encore mon arrivée. II vint immédiatement, avec la grande charité qu'il nous a toujours témoignée. Il nous promit tout le pain nécessaire et commanda au Proviseur de nous pourvoir de beaucoup de choses...

   13 Il est à Palencia une maison semblable à un ermitage consacré à Notre-Dame, sous le nom de Notre-Dame de la Rue. Il est très vénéré dans toute la région et dans la ville, les gens y accourent en foule. Sa Seigneurie et nos amis furent tous d'avis que nous serions bien dans le voisinage de cette église. Elle ne comportait pas de maison, mais il y en avait deux adjointes, qui nous suffiraient avec 1'église, si nous les achetions. Cela dépendait du chapitre et de quelques-uns des membres de la confrérie; on engagea donc les pourparlers...

27 Je ne voudrais pas manquer de beaucoup louer la charité que j'ai trouvée à Palencia en particulier et en général. En vérité, elle m'a semblé digne de l'Église primitive, et du moins peu courante dans le monde actuel; lorsqu'ils virent que nous n'avions pas de revenus, et qu'ils devraient nous nourrir, non seulement ils ne s'opposèrent pas à la fondation mais ils déclarèrent que Dieu leur accordait ainsi une très grande faveur. Et à la lumière du Seigneur, ils disaient vrai: quand il ne s'agirait que d'une église de plus où poser le Très Saint-Sacrement, c'est beaucoup.

   29 Lorsque la maison fut prête pour l'arrivée des religieuses, l'Évêque voulut que cela se fît en grande pompe; donc un jour de l'octave du Très Saint-Sacrement, il vint lui-même de Valladolid, le chapitre se joignit aux Ordres et à presque tous les habitants; beaucoup de musique...

   30 Dieu permit que pendant mon séjour à Palencia ait lieu la séparation de Chaussés et Déchaux en deux Provinces; c'est tout ce que nous souhaitions pour notre paix et notre tranquillité. On apporta de Rome, sur la demande de notre roi catholique Don Philippe, un très copieux bref sur cette question, et Sa Majesté nous favorisa dans ce dénouement comme elle l'avait fait au début. On tint chapitre à Alcala...Le P. Jérôme Gracian de la Mère de Dieu fut élu Provincial.

   31 Ces Pères écriront ailleurs comment cela s'est passé, je n'ai pas à en parler. Je le mentionne, puisque Notre-Seigneur conclut cette chose si importante pour l'honneur et la gloire de sa glorieuse Mère alors que j'étais à Palencia: c'est son Ordre, elle est Notre-Dame et Patronne. J'en éprouvai une des plus grandes joies et contentements que j'aie reçus en cette vie, car les peines, les persécutions, les souffrances subies depuis plus de vingt-cinq ans seraient longues à conter, et Notre-Seigneur est seul à les connaître. La fin de tout cela emplit mon cœur d'une allégresse que seuls pourraient comprendre ceux qui auraient connu mes soucis, ainsi que mon désir de voir tout le monde louer Notre-Seigneur et mettre sous sa garde notre saint roi Don Philippe, dont Dieu s'était servi pour amener un si heureux dénouement; le démon avait usé de tant de ruses que sans le roi tout s'écroulait.

   32 Nous sommes maintenant tous en paix, Chaussés et Déchaux; personne ne nous empêche plus de servir Notre-Seigneur. Donc, mes frères et sœurs, hâtez-vous de servir Sa Majesté qui a si bien exaucé vos prières. Que ceux qui ont été les témoins oculaires de tous ces événements contemplent les grâces qu'Elle nous a faites, les épreuves et tourments dont Elle nous a tirés; et que ceux qui viendront et trouveront tout aplani ne négligent aucune occasion de grandir en perfection pour l'amour de Notre-Seigneur. Qu'on ne dise pas d'eux ce qu'on dit de certains Ordres, dont on ne loue que les origines; nous commençons maintenant, qu'ils s'efforcent de toujours commencer, et d'aller du bien au meilleur...

33 Pour l'amour de Notre-Seigneur, je vous demande de vous rappeler que tout passe, la grâce que nous a faite Notre-Seigneur en nous amenant dans cet ordre, et le châtiment que subirait quiconque introduirait un relâchement; gardez les yeux fixés sur nos origines la caste de ces saints prophètes. Que de saints nous avons au ciel qui ont porté cet habit! Ayons la sainte présomption, avec la faveur de Dieu, de leur ressembler. La bataille sera brève, mes sœurs, son but est éternel. Négligeons ces choses, qui ne sont rien en elles-mêmes, à l'exception de celles qui nous rapprochent de cette fin qui est sans fin, pour mieux l'aimer et le mieux servir, car il vit à présent et toujours. Amen. Amen. Rendons grâces à Dieu.

 

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