Carmel de Saint-Maur P. Maurice Boisson
C’est la journée du
Patrimoine ! On met en valeur les œuvres d’art - des métiers, de la pensée
- qui ont enrichi l’héritage de l’humanité. Ca tombe bien ! La liturgie de
ce dimanche nous propose une visite, non pas de monuments anciens ou de
vieilles pierres, mais elle nous invite à pousser la porte du cœur de Dieu et
du cœur de l’homme : les plus beaux monuments de l’humanité - d’une
exceptionnelle actualité. L’être humain - engagé librement dans les sentiers de
la misère - est capable de se retourner et d’apercevoir Dieu qui vient à sa
rencontre.
Commençons la visite.
« Un homme avait deux fils » (Luc 15,11).
Le plus jeune quitte la
maison familiale pour une question d’héritage – une fois de plus. « Donne-moi la part d’héritage qui me
revient » (Luc 15,12). Espérant trouver ailleurs un bonheur qu’il
avait sous la main et qu’il appréciera - de loin, dans le remord et
l’expérience des faux bonheurs. Dans cet ailleurs, s’il trouve dégoût, misère,
remords, il n’a pas perdu cependant quelque chose du meilleur de lui-même et du
cœur humain : la capacité de se reprendre, de se relever, de retourner.
« Je vais retourner chez mon père » (Luc 15,18) – « au fond, c’était pas si
mal ».
L’important n’est pas de
tomber, mais de se relever, de vouloir, d’oser, de se donner le courage de se
relever.
« Il partit donc pour aller chez son père. Comme
il était encore loin, son père l’aperçut »
(Luc 15,20) – ce père qui scrutait chaque jour le détour de la route à la
sortie de la colline. « Il s’est usé les yeux à faire son métier de père,
à guetter l’improbable retour » - dit un commentateur.
Le Dieu qui nous donne à voir
Jésus aujourd’hui est Dieu qui nous attend dans la patience, qui court à notre
rencontre, qui nous cherche.
« Père, je ne mérite plus d’être appelé ton
fils » (Luc 15,21).
Le père ne le laisse même pas
parler : pas de compte sur sa conduite passée, assez d’humiliation, c’est
fait. Il est là : ça suffit. Pas de parole de circonstance - « tu
vois que t’aurais pas dû… »
Trois gestes : « Comme il était encore loin, son père
l’aperçut et fut saisi de pitié ; il courut se jeter à son cou et le
couvrit de baisers » (Luc 15,20).
Les gestes de l’amour
retrouvé. Il lui redonne les habits et la bague de fils de la maison. Il est
resté son fils. Ce fils redécouvre dans les bras de son père toutes les
richesses, tout l’amour, tout le bonheur qu’il avait voulu ignorer.
« C’est encore le père qui pleurait le plus » – dit Péguy. Et on ne
voit bien qu’avec des yeux qui ont pleuré. « Je t’aime quand même. »
Le Père Baudiquey, un prêtre
de Besançon, décédé, spécialiste reconnu du tableau de Rembrandt représentant
cette scène du fils prodigue, commentant le regard du père et les bras sur les
épaules du fils, écrit : « Les vrais, les seuls regards d’amour sont
ceux qui nous espèrent. » C’est le regard de Dieu – on est invité à voir
comme lui. Aucun être humain n’est abandonné de Dieu, qui ne désespère jamais
de personne.
Patiemment, la main étendue
sur le front, il attend et guette notre retour. Il peut arriver que nous
n’ayons pas la force, ni le cœur, de reprendre la route du retour. Dieu vient à
notre rencontre. « Fais comme tu peux – nous dit-il avec tendresse –
marche selon la force et le courage qui te restent ; et moi je ferai le
reste du chemin. Je vais à ta rencontre. »
Aussi loin que nous soyons
perdus, pour quelques raisons que ce soit, Dieu est en route vers nous. Nous
avons du prix à ses yeux (cf. Isaïe 43,4).
Avoir du prix aux yeux de
quelqu’un, c’est être aimé, c’est une source de joie profonde. « Réjouissez-vous avec moi » (Luc
15,6) – « j’ai retrouvé mon fils » - « il est revenu à la vie » (Luc 15,24) – « j’ai retrouvé ma brebis, celle qui
était perdue » (Luc 15,6) - « j’ai retrouvé ma pièce
d’argent » (Luc 15,9).
N’oublions pas, en ce
dimanche, cette visite au plus beau trésor vivant - humain et divin - de notre
Patrimoine : il s’agit de nous, de l’itinéraire de nos vies, de
notre cœur. Il s’agit surtout du cœur, du regard et des bras de Dieu.
« Dieu est amour » (1 Jean 4,8.16). Cet amour qu’il met dans nos cœurs
nous rend donnant, aimant à notre tour – pour prendre ses manières. C’est à cet
amour que le fils aîné jaloux est invité. Espérons qu’il accepte de manger un
peu du veau gras du retour. Accueillir un homme – avoir deux fils ; ces
fils, c’est nous, appelés à ressembler au Père.
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