Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
« Souffle sur le
feu ! » - disaient nos parents quand celui-ci s’éteignait doucement
dans le fourneau. On soufflait sur la braise, et le feu repart avec de belles
flammes, comme renaissant des cendres.
Quand le courage ou l’énergie
intérieure deviennent une petite braise fragile, le souffle d’une parole, d’une
présence, d’un geste, ravive la flamme. Le feu repart ; ça reprend.
Un feu de braise se consumait
encore dans leur cœur. Ils s’étaient rassemblés à l’étage de la maison du
Cénacle, à Jérusalem – les amis de Jésus ; ils attendaient que se réalise
la promesse d’une force, d’une lumière, d’une présence.
Ils avaient encore des
doutes, des braises fumantes en attente d’un souffle qui les réanimerait. C’est
ce qui restait de ce feu qu’un jour leur ami Jésus avait allumé dans leurs yeux
et leurs cœurs enthousiastes.
Qui n’a pas connu cette
attente ? Cette espérance ? Quand le feu baisse ?
Soudain, arrive « comme un violent coup de vent »
- dit le récit de la Pentecôte dans la première lecture (Actes, 2,1-11). Un « souffle », nous dit l’Evangile
(Jean 20,19-23) : Jésus « répandit
sur eux son souffle et il leur dit : ‘Recevez l’Esprit Saint. » (v.22)
Un souffle sur les braises
encore fumantes de leurs – de nos – peurs. Ils s’étaient verrouillés, enfermés,
pas seulement les portes, mais les cœurs, les esprits. Quand on a peur, on se
ferme. Quand on se ferme, on a peur, on est inquiet. S’il n’y a plus la paix
intérieure, le Christ ressuscité fait sauter les verrous. Il est là, au milieu
d’eux - au milieu de nous -, apportant, avec sa présence libérante, une parole
de tendresse : « La paix soit
avec vous ! » (Jean 20,19.21)
C’est l’Esprit Saint – la
Pentecôte permanente où nous est
communiqué l’être même de Dieu et du Christ ressuscité. Ils sont les
vivants : c’est la Vie, l’Amour, la Paix, répandus dans nos cœurs, pour
que nous les redonnions à notre tour.
Saint Bernard écrit que le
Saint Esprit, c’est le baiser de Dieu, le baiser du Père à son Fils. Ce baiser,
cette tendresse que Jésus reçoit du Père, c’est aussi pour nous, c’est l’Esprit
Saint.
Sous l’effet de ce souffle,
les braises se rallument, deviennent des flammes en chacun de nous - de la
chaleur, de la lumière, de la paix.
Ce souffle, l’Esprit Saint,
c’est le même que celui qui planait sur les eaux au premier matin du monde, et
que le Créateur a insufflé en l’être du premier humain. Il nous est donné
aujourd’hui pour que nous ne soyons pas à bout de souffle, pour qu’on ne manque
pas de souffle intérieur.
Dieu a du souffle ; ce
qui lui coupe le souffle, c’est justement quand on n’accueille pas en nous ce souffle
qui fait vivre, qui fait aimer, - ce don de l’esprit Saint c’est la santé de
Dieu, c’est le tonus de Dieu, c’est la respiration de Dieu -, qui nous sont
donnés - à consommer sans modération -, pour que nous soyons des vivants, même
si nos corps sont cassés ou fatigués.
Sans le don de l’Esprit
Saint, depuis longtemps les braises seraient éteintes, les portes seraient
restées verrouillées, et les cœurs aussi.
A la Pentecôte, ce n’est pas
l’Eglise qui est née : elle existait déjà –, mais est née l’Eglise qui n’a
plus peur, l’Eglise hors des verrouillages, hors des frontières – et les
frontières ne sont pas que géographiques.
Ce don est une tâche à
accomplir. Cet après-midi, dans la maison de François, l’Evêque de Rome, se
rencontreront avec lui les Présidents Palestinien et Israélien et le Patriarche
de l’Eglise orthodoxe, dans l’expression de la prière de chacun pour la Paix au
pays de Jésus.
Le Pape François nous a
demandé de ne pas le laisser seul, mais de prier ; c’est le sens du temps
d’adoration ici, dans cette chapelle (de 15h à 18h30).
On est en plein dans
l’événement de Pentecôte. Que l’esprit Saint ravive les braises en flammes de
recherche de paix et de dialogue.
Par ce même Esprit Saint, il
aura été permis de réaliser des pas dans la compréhension mutuelle de
l’essentiel.
« Chacun les entendait parler dans sa propre
langue. » (Actes 2,6)
Pas la peine de parler la
même langue pour se comprendre sur l’essentiel, le vital, parce que c’est un
langage universel - celui du regard de l’enfant vers sa mère, de la personne
blessée vers les siens, vers ceux qui l’aiment, le langage du cri de la
souffrance, de l’appel à ne plus se tuer ou à ne plus se faire de mal –, et
aussi la force pour le réaliser.
Sans rabâcher, j’aime bien
rappeler la définition que me donnait un jeune qui allait être confirmé, qui
avait d’ailleurs quelques soucis et problèmes : « C’est qui, l’Esprit Saint, pour
toi ? – Ben, j’y vois pas bien clair dans ma vie. L’Esprit Saint, c’est
pour moi un aspirateur à brouillard. »
La suite m’est venue tout de
suite - un coup de l’Esprit Saint : « Oui, mais il faut pas oublier
de le brancher, l’aspirateur à brouillard ! »
C’est ce que nous faisons en
ce jour de Pentecôte.
Ouvrons nos
cœurs au souffle de Dieu.
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