Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
Paraît-il que les Français
aiment bien parler de ce qu’ils mangent ! La nourriture tient une place
importante, et puis on fait de plus en plus attention à ce qu’on mange. Le pain
est encore chargé de fortes significations : de désir, de manque, de
partage, de dignité, d’inégalité, de générosité…
Du pain part dans les
poubelles, et la nourriture manque à une part importante de l’humanité.
Combien de gens aujourd’hui,
chez nous, voudraient pouvoir gagner leur pain par leur travail ? Gagner
son pain, pour sa famille, pour soi, c’est la dignité d’une personne.
La nourriture, que ce soit le
pain, le mil, le riz, c’est la vie.
« Fruit de la terre et
du travail des hommes » - don du Créateur.
On sait bien, aussi, qu’on ne
vit pas seulement du pain du boulanger. « L’homme
ne vit pas seulement de pain », dit la première lecture (Deutéronome
8,3). Jésus le redira.
Ce don, ce pain de vie, nous rend à notre tour pain de vie pour les autres.
Notre corps, notre organisme,
nos muscles, nos cellules, ont besoin d’être nourris… Et notre esprit ?
Notre cœur, nos sentiments, nos relations, nos choix, notre foi, notre pensée,
notre vie familiale, professionnelle, retraitée, notre vie intérieure, ce qui
nous fait des êtres humains a besoin d’être nourri. Tout cela a besoin aussi
d’être nourri, alimenté, vitaminé, sous peine de s’affaiblir et de ne plus
répondre. C’est hélas un des maux de notre société, où les agressions de toutes
sortes fragilisent nos énergies intérieures.
Qu’est-ce qui nourrit notre
être, ce que nous sommes, ce que nous sommes comme êtres humains, ce que nous
devenons ?
Jésus, dans l’Evangile de
cette fête de son Corps et de son Sang, se présente comme le pain, la
nourriture… du pain qui donne de la vie parce que c’est du pain complet, la
pâte de notre vie, et du levain du cœur de Dieu – pain cuit au feu de l’amour
donné du Christ et partagé par l’Esprit de fraternité, de Pentecôte.
Ce pain, « c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie »,
nous dit Jésus ce matin (Jean 6,51), pour que nous soyons nourris en aliment
complet… et au-delà, sans date de péremption. « Mangez ma chair »,
dit Jésus : il ne s’agit pas de cannibalisme, comme pensaient les Juifs
dans l’Evangile (cf. Jean 6,52). La chair, c’est la totalité de ce que nous
sommes, de ce qui fait notre personne, notre cœur ; c’est la chair de
Jésus, c’est l’être du Christ ressuscité.
« Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la
vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour » (Jean 6,54).
On entend dire dans le
langage amoureux : « J’ai envie de te manger. » J’ai envie
d’être un peu toi et réciproquement.
Celui qui me mange, dit Jésus
« demeure en moi, et moi je demeure
en lui » (Jean 6,56).
La nourriture que nous
mangeons devient nous, par l’assimilation par notre organisme des éléments divers.
Ce pain, cette nourriture que nous donne le Christ, devient aussi nous-mêmes –
et pas seulement par la Communion à l’Eucharistie : cette nourriture, nous
la recevons aussi dans la présence, la prière, l’Adoration qui est proposée ici
aujourd’hui.
« Devenez
ce que vous recevez. »
Nous devenons ce que nous
recevons.
Recevant le Corps du Christ,
sa présence, sa Parole, le don de son amour, nous devenons ce qu’il est.Ce don, ce pain de vie, nous rend à notre tour pain de vie pour les autres.
Alors oui, on peut être
heureux – heureux les invités au repas du Seigneur ! Heureux de nous
nourrir de Dieu, qui est Amour.
« Prenez et mangez-en
tous – ce pain, c’est moi qui me donne à vous pour que vous viviez du même
amour. Prenez et buvez-en tous (cf.
Matthieu 26,26-27). Ce vin c’est moi, mon sang versé que je vous transfuse pour
que vous viviez du même amour. »
Dans la longue marche du
peuple de Dieu dans le désert, évoquée dans la première lecture, Dieu a donné
la manne pour marcher – une nourriture inconnue. Qu’est-ce que c’est ?
Dans la longue marche de nos vies, à travers nos déserts, Dieu ne cesse de nous
nourrir. Notre manne, c’est l’Eucharistie – nous la célébrons – la nourriture
de l’Amour.
« Prenez, mangez : ceci est mon corps. Ceci est mon sang : buvez-en tous. »
Devenons ce que nous recevons.
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