Carmel de Saint-Maur - Père Maurice Boisson
On ne peut pas
refuser de partager ce qu’on a dans le cœur, surtout en cette fête. Je vous
confie très simplement et fraternellement quelques réflexions que m’inspirent
Saints Pierre et Paul, et mon chemin de cinquante ans de prêtre au service du
Christ et de mes frères et sœurs.
Cinquante ans, c’est pas bien
long dans la vie du monde et de l’Eglise, pourtant ce demi-siècle fut et est
encore un temps où la mutation du monde et de l’Eglise a été le plus rapide et
le plus profond. On est entré dans une civilisation nouvelle, des modes de vie,
de la pensée, des relations, de la technique, dans tous les domaines.
L’Eglise n’a pas échappé à
cette mutation (dans nos pays). L’enthousiasme du Concile Vatican II, en plein
dynamisme en 1964, a rencontré une diminution progressive des comportements et
pratiques religieux, une baisse des vocations ; les chrétiens sont
confrontés à l’apparition d’autres modèles familiaux, sociaux, de modes de vie,
de valeurs, d’autres manières de vivre la foi. Nous avons dû – c’est encore
plus vrai aujourd’hui – apprendre progressivement à balbutier des repères -
sinon des réponses – pour de nouvelles questions, pour des situations
nouvelles ; nous avons dû apprendre à faire cohabiter en nous l’ardeur, le
dynamisme - parfois teinté de rêve -, et la réalité décapante qui nous
environne.
Ce temps – et c’est toujours
actuel – a été pour moi, pour nous - amis prêtres, laïcs, religieux, amis de
tous bords, là où mon ministère et mes responsabilités m’ont conduit – ce temps
a été et est toujours un défi passionnant, attachant, arrachant et douloureux
parfois, mais toujours source humble mais forte de joie intérieure, parce que,
comme Pierre et Paul, « nous savons en qui nous avons mis notre
confiance » (cf. 2 Timothée 1,12).
C’est de tout cela et de bien
d’autres petits et grands bonheurs, petites et grandes misères qui font
grandir, que je rends grâce aujourd’hui, avec le Psaume que nous venons de
chanter : « Qui regarde vers
lui resplendira » (Psaume 33,6).
Nous rejoignons, dans la
profondeur, l’expérience humaine et spirituelle de Pierre et Paul, de toutes
celles et de tous ceux qui - d’une manière ou d’une autre – nous aident à
grandir.
L’expérience de Pierre et de
Paul, c’est d’avoir vécu et témoigné d’une Personne vivante, de Quelqu’un de
présent : le Christ.
« Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » - dit Pierre (Matthieu 16,16).
« Pour moi, vivre, c’est le Christ » - dit Paul.
C’est un cri joyeux d’amour,
jailli de la faiblesse même, des reniements, des incapacités, du combat contre
les chrétiens et contre le Christ, pour Paul.
Saint Pierre et Saint Paul
ont fait l’expérience – comme nous la faisons – qu’au cœur même de leur
fragilité, de leurs chutes, de leur suffisance et de leur générosité, ils
étaient connus et aimés, et appelés, malgré tout.
« Pierre, je te connais,
je t’avais dit que le coq chanterait,… m’aimes-tu ? – Oui, Seigneur,
si tu me connais, tu sais que je t’aime. – Alors tu guideras tes frères et
sœurs sur les chemins de Dieu et de l’Evangile. » (cf. Jean 20,15-17)
Pierre a consenti à sa
faiblesse et à l’Amour plus fort que sa faiblesse.
« Saul, Saul, je suis
Jésus que tu persécutes. Pourquoi me fais-tu cela ? Tu es aveugle, enlève
ces écailles, ouvre les yeux. » (cf. Actes 9)
« Ma grâce te suffit. » (2 Corinthiens 12,9)
Paul dira plus tard : « C’est quand je suis faible que je
suis fort. » (2 Corinthiens 12,10)
Paul a consenti à son passé
relevé dans l’Amour du Christ rencontré sur le chemin de Damas.
Pierre, Paul, moi, vous, nous
apprenons à compter sur la force et la grâce du Christ plus que sur nos propres
capacités. Nous croyons, avec Pierre et Paul, en celui dont le cœur est plus
grand que notre propre cœur et qui nous rend, à notre tour, donnant de cet
amour que nous voulons partager.
« Ma grâce te suffit. »
Etre prêtre n’est pas d’abord
une fonction, une situation dans une entreprise appelée Eglise.
« Il – Jésus – les
appela pour être avec lui. »
Si, par les temps actuels,
nos projets, nos plans pastoraux, nos moyens, sont décapés, la confiance en
celui qui nous fait être et qui traverse aussi les turbulences, c’est bien ce
cri d’amour et de confiance, ou ce murmure, certains jours, qui allume en nos
cœurs une petite lumière de joie que personne ne peut nous ravir.
« Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. »
« Pierre,
Maurice,… : m’aimes-tu ? »
« Ma grâce te suffit. »
Rendons grâce ensemble pour
ce don de l’Amour qui fait vivre.
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