Carmel de Saint-Maur
Père Maurice Boisson
Malgré le froid et les quelques
flocons de neige de ces derniers jours, nous pouvons quand même dire avec le
poète : « Mars prépare en secret le printemps ». Un printemps
que l’on attend et dont on perçoit des signes, après l’apparente mort de
l’hiver.
« Il germe déjà, ne le voyez-vous pas ? » (Isaïe 43,19)
demande la première lecture à propos du monde nouveau de Dieu. Il est vrai
qu’on est plus enclin à voir ce qui ressemble à l’hiver qu’à être attentif aux
pousses, aux germes, aux bourgeons, qui dans nos vies et dans le monde
annoncent un meilleur, une germination.
Cette semaine, nous a été donné
un nouveau Pape : François, qui ne manque pas de susciter des espérances
pour l’Eglise et sa mission. Il y a en chacune et chacun de nous à la fois un
besoin de renouvellement et une résistance à ce qui bouscule. On voudrait bien
changer de chaussures, ou tel habit, mais on est tellement bien dans ceux que
l’on a l’habitude de porter. On voudrait bien voir les autres changer, mais il
est difficile de changer soi-même : ses habitudes, ses façons de penser,
de faire. Il n’est pas facile non plus d’accueillir une parole de pardon qui
nous invite à changer. Donner est parfois plus facile que d’accepter de
recevoir…
La Parole de Dieu, en ce
cinquième dimanche de Carême, nous invite fortement à ce renouvellement
intérieur, à accueillir en nous cette eau vive qui peut irriguer les déserts de
nos cœurs et les lieux arides de nos vies, parfois asséchées. C’est la promesse
de renouveau de la première lecture : « Ne
vous souvenez plus d’autrefois, ne songez plus au passé » (Isaïe 43,18),
dit le Seigneur par l’intermédiaire du prophète Isaïe, « Voici que je fais un monde nouveau » (Isaïe 43,19).
C’est aussi l’expérience de Paul
dans la deuxième lecture : « Une
seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers
l’avant, je cours vers le but » (Philippiens 3,13-14). Si le poids de
nos faiblesses, la résistance du passé, nos habitudes, nous freinent - comme le
froid de l’hiver, froid du passé - le dynamisme de la grâce de Dieu nous tire
en avant, vers le haut, vers du neuf.
C’est bien ce qui est arrivé à
cette femme que les chefs religieux amènent à Jésus pour le piéger : « Et toi, qu’en dis-tu ? »
(Jean 8,5). « Si tu ne la condamnes pas, tu vas à l’encontre de la loi
de Moïse, si tu la condamnes, tu vas à l’encontre de ce que tu prêches de la
part de Dieu », pourraient-ils dire. Ils lui tendent un piège pour le
condamner lui-même.
Alors que la situation de cette
femme la conduisait tout droit à la mort par lapidation, Jésus lui ouvre - lui
propose - un avenir nouveau, un renouvellement, un re-départ. Jésus répond à la
question : « Qu’en dis-tu ? » par des gestes. Il se baisse.
Dans son abaissement, il rejoint cette femme rabaissée. Il rejoint l’humanité
blessée. Il nous rejoint. L’amour ne peut pas regarder de haut. L’humilité est
au cœur de l’amour. En écrivant sur le sol, en silence, comme on écrit sur
l’eau ou sur le vent, Jésus casse le cercle de la violence, du passé, de
l’enfermement. Dans ce mot « enfermement », il y a le mot
« enfer ». Enfermement dans lequel ses accusateurs mettent cette
femme : enfermement dans le passé, dans un acte, dans une mort, dans une
loi. Jésus se redresse. Il ne nous identifie pas à notre péché. Son regard, sa
parole, relèvent, redressent, ouvrent ; comme il regardera Pierre après
son reniement, comme il nous regarde. Un regard méprisant enferme, un regard
aimant appelle à plus. « Les seuls, les vrais regards d’amour sont ceux
qui nous espèrent », écrivait le Père Baudiquey à propos du père de
l’enfant prodigue. « Moi non plus,
je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. » (Jean 8,11).
La Parole de Dieu de ce dimanche
est à la fois un message de tendresse, de pardon et d’appel à un renouvellement
intérieur, à sortir de nos enfer-mements. Cet appel est bien exprimé par le
psaume de ce jour : « Ramène,
Seigneur, nos captifs, comme les torrents au désert. Qui sème dans les larmes
moissonne dans la joie » (Psaume 125,4-5). Si le passé, le péché nous
marque, il ne nous enchaîne pas : c’est le travail de la grâce.
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