Homélie Jeudi Saint 2013
Carmel de Saint-Maur. P Maurice Boisson
Il nous est sans doute arrivé d’être près de quelqu’un qui
allait mourir, un parent, un ami, un proche. C’est une expérience qui marque,
ce n’est pas rien: recueillir les dernières paroles, les derniers gestes, le
dernier regard, le dernier sourire ou le dernier signe de souffrance d’un être
aimé. On s’en souvient, ça reste, on a envie de le partager. Ces derniers
moments nous aident à comprendre le secret de toute une vie, l’essentiel,
l’héritage.
Ce pain, ce vin que nous partageons, c’est ma vie donnée
pour vous, par amour, jusqu’au bout. Je vous ai lavé les pieds. Le geste du
serviteur, faites-le les uns pour les autres, comme moi. Ce partage du
repas, et ce geste de service et de fraternité, ce que je viens de faire,
faites-le en mémoire de moi, jusqu’à ce que je revienne.
Comme nous ce soir, ils étaient là autour de lui pour le
repas qui célébrait l’œuvre de Dieu pour son peuple : le passage d’une
terre d’esclavage à une terre de liberté. C’est le récit de la libération
entendu dans première lecture : « D’âge
en âge vous la fêterez » (Exode 12,14).
Paul, dans la deuxième lecture, donne le récit de ce dernier
repas de Jésus avec ses amis, la libération nouvelle. Il prit du pain … Ceci
est mon corps livré… Il fit de même avec la coupe… C’est mon sang versé.
« Ayant ainsi
aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout »
(Jean 13,1).
A ce repas, Saint Jean intègre ce troisième geste de Jésus,
indissociable des autres. C’est l’Evangile : Je vous ai lavé les
pieds, faites-le aussi pour vous, en mémoire de moi.
Ce soir, autour de la table, dans l’intimité de la proximité
du départ, nous recueillons, comme des amis, les mots et les gestes nouveaux
d’alliance, nous refaisons ces gestes du don, de l’amour, du service, jusqu’à
ce qu’il revienne.
« Depuis le jour du sang versé nous savons que tout est
grâce. » Comme l’a si bien exprimé Claude Duchesneau, l’homme qui prit le
pain, l’homme qui prit le vin n’est plus devant nos yeux pour donner en
festin l’amour de Dieu. C’est à nous aujourd’hui de refaire ces deux gestes
inséparables et indissociables : l’Eucharistie et la charité. « Où
sont amour et charité, Dieu est présent. »
Ce geste du lavement des pieds ne nous dit pas grand-chose
aujourd’hui, comparativement au temps et au pays de Jésus. On marchait alors pieds
nus dans la poussière et le serviteur lavait les pieds des hôtes à l’entrée de
la maison, en signe d’accueil et d’hospitalité. Jésus aurait pu laver les mains
de ses amis en se tenant debout devant eux. Il choisit de leur laver les pieds
et, pour ce faire, il se met à genoux, il s’abaisse, lui de condition divine.
Un geste inouï, un geste prophétique dans l’histoire du monde et des cultures. Le
sauveur se met à genoux aux pieds des pécheurs.
Nous ne manquons pas aujourd’hui de gestes, d’actes, de
présence qui disent quelque chose de ce geste par lequel Jésus nous recommande
de ne pas avoir peur de regarder vers le bas, de nous abaisser pour trouver
Dieu. Que de manières d’être aujourd’hui serviteur, de s’abaisser : une
parole, une écoute, une présence, un petit geste.
« C’est un
exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait
pour vous » (Jean 13,15). La qualité d’amis et de disciples de Jésus
se mesure à cette capacité de faire comme lui.
« Vous ferez cela
en mémoire de moi » (Luc 22,19). C’est l’ultime confidence, les mots
saisissent, au moment de passer de ce monde à son Père : « Ayant ainsi aimé les siens qui
étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout » (Jean 13,1).
Ne laissons pas perdre cet héritage, ce don précieux et
vital de l’Amour de Dieu ; don précieux et vital, pour nous, notre
société, notre monde.
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